L'Union méditerranéenne semble être la pierre angulaire du voyage présidentiel en Tunisie. Voyage déjà balisé par la visite, la semaine dernière, d'un conseiller du président. Quand la diplomatie française est invitée à qualifier la nature des relations qui lient Paris à Tunis, elle dit qu'elles sont «apaisées». L'usage de ce mot est étrange et à multiples sens, comme il s'agissait surtout de comparer inconsciemment la relation que la France établit avec l'Algérie, structurellement nerveuse, ou avec le Maroc, foncièrement passionnée. «Apaisées» semble donc indiquer que les antagonismes entre Français et Tunisiens sont mineurs. En foulant le sol tunisien, Nicolas Sarkozy ne pourra sans doute pas oublier que le président Zine El Abiddine Ben Ali, sans doute échaudé et à bout de souffle par les derniers mois pesants de Jacques Chirac, a été un des premiers à décrocher son téléphone pour le féliciter de son accession à l'Elysée et la Tunisie un des premiers pays à exprimer bruyamment son adhésion au projet de l'Union méditerranéenne lancé par la France. Le président Tunisien le rappelle volontiers à tous ceux qui pourraient être tentés par une amnésie de circonstance : «Nous avons soutenu, dès le départ, l'initiative d'Union méditerranéenne du président Nicolas Sarkozy (…) nous sommes convaincus que la Méditerranée doit être un espace de paix, de coopération et de solidarité». Nicolas Sarkozy lui répond d'une manière qui pourrait, pour peu qu'on creuse la psychologie des mots, provoquer gêne et confusion : «Je viens dire mon estime et mon soutien au président Ben Ali (...) Les relations franco-tunisiennes sont excellentes, tant par leur densité que par leur diversité». Si « l'estime » est de circonstance, «le soutien » semble être de trop. Le président Ben Ali est présenté par ce mot comme un président assiégé par une opposition qui ne rêve que de l'extirper du palais de Carthage. L'Union méditerranéenne semble en tout cas être la pierre angulaire du voyage présidentiel en Tunisie. Voyage déjà balisé par une visite remarquée, la semaine dernière, du conseiller spécial et rédacteur des discours de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, l'homme que la presse présente comme le véritable géniteur de cette Union pour la Méditerranée. Enjeu de cette visite, outre de préciser les contours de cette union en se livrant à un exercice de pédagogie supplémentaire, de donner un début de réponse à une attente tunisienne d'abriter le futur secrétariat de l'Union méditerranéenne qui doit voir le jour au sommet de Paris le 13 juillet prochain. Cette question est loin d'être tranchée alors que des pays comme le Maroc et l'Egypte s'interrogent sur leur rôle et leur place dans la future architecture méditerranéenne. L'accession à la technologie nucléaire civile, le domaine de l'immigration sont deux secteurs clefs autour desquels des annonces intéressantes sont attendues. Le premier consiste à une mise à niveau avec les autres pays du Maghreb à qui Nicolas Sarkozy avait déjà fait des offres d'acquisition de cette technologie, le second représente un terrain d'expérimentation du nouveau concept d'immigration choisie et professionnelle largement divulgué par Nicolas Sarkozy. Mais le point essentiel qui risque de s'accaparer les titre des journaux concerne le sujet des droits de l'Homme. La délégation française avait promis «un geste fort». La bouillante secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme Rama Yade fait partie du voyage. A l'heure où le cafouillage sur le Tibet brouille la postions française, Nicolas Sarkozy qui, il y a à peine un an, avait promis de mettre les droits de l'Homme au cœur de sa politique étrangère, est à nouveau défié. Avant de livrer ce « geste fort » attendu, il aura certainement en tête l'étonnante déclaration de Jacques Chirac à Tunis : «le premier des droits de l'Homme c'est manger, être soigné, recevoir une éducation et avoir un habitat (…) de ce point de vue, il faut bien reconnaître que la Tunisie est très en avance sur beaucoup de pays». A la veille de cette visite, le rédacteur en chef et le directeur d'Al-Mawkef organe d'un parti d'opposition tunisien, Rachid Khéchana et Mongi Ellouze on entamé une grève de la faim médiatique : «Nous commençons une grève de la faim illimitée jusqu'à la cessation des manœuvres administratives et judicaires provoquées par le pouvoir pour étouffer Al-Mawkef».