A l'origine de la colère des manifestants, des dérapages dans la sélection des bénéficiaires d'un plan de Madrid pour l'emploi. Hier, grâce à la médiation de Youssef Kaddour Adda, président de l'association islamique Annour, les affrontements et la tension ont baissé. Il a tenu des rencontres avec les responsables politiques de la ville et les représentants des manifestants. Depuis l'après-midi du mardi, Mélilia vit à l'heure de l'intifada. Les principaux quartiers de la ville sont le théâtre d'affrontements entre des jeunes chômeurs et les forces de sécurité. A l'origine de la colère des manifestants, des dérapages dans la sélection des bénéficiaires d'un plan de Madrid pour l'emploi. « Comme tous les ans, le gouvernement espagnol accorde entre 1.000 et 1.500 postes d'emplois pour les catégories les plus démunies de Mélilia. Le travail s'étale sur une durée de trois à cinq mois avec un salaire mensuel de 1.100 euros », explique au « Soir échos », Saïd Chramti, un acteur associatif de Nador. « Cette année, visiblement, le parti socialiste via le délégué du gouvernement à Mélilia avec la complicité de Mustapha Aberchane, le président du parti Coalition pour Mélilia (CpM), ont fait le nécessaire pour que le plan emploi bénéficie d'une part aux électeurs du PSOE local et du CpM et d'autre part aux femmes, qui représentent 85%. Pire que ça, les personnes qui figurent sur la liste des bénéficiaires dépassent les 45 ans », poursuit Chramti. Ce qui explique bien entendu la colère des jeunes démunis des quartiers les plus pauvres de la ville, Kabreresa et Cañada, où se concentre une forte communauté musulmane d'origine marocaine. « Les affrontements, qui ont commencé dans les quartiers Kabreresa et Cañada, ont atteint dans la nuit du mardi d'autres quartiers de Mélilia, c'est le cas notamment à Rastro Gordo, Monte Maria Christina et Tiro nacional », souligne Chramti. La situation est tendue. « Les jeunes ont installé des barricades et mis le feu à des conteneurs. Les forces de sécurité en grand nombre ont usé de petites balles en caoutchouc en guise de riposte aux jets de pierres des manifestants. Un enfant a été touché par les tirs de la police, il a été d'ailleurs hospitalisé. Dans les rangs des forces de sécurité, un élément de l'unité d'intervention rapide (UIR) a été gravement blessé alors que quatre autres du même corps ont été légèrement touchés. Un membre de la Guardia Civil a subi une fracture au niveau de l'épaule, atteint d'un coup de barre de fer », détaille notre interlocuteur. Hier, grâce à la médiation de Youssef Kaddour Adda, président de l'association islamique Annour, les affrontements et la tension ont baissé. Il a tenu des rencontres avec les responsables politiques de la ville et les représentants des manifestants. « Youssef Kaddour m'a confié lors d'un entretien téléphonique que la distribution des bénéficiaires du plan emploi n'était pas équitable », nous déclare Saïd Chramti. Pour mémoire, c'est cette même association qui était à l'origine de la levée, en août dernier, de l'interdiction d'entrée des produits alimentaires en provenance du Maroc suite aux incidents de Mélilia. La tension sociale à Mélilia est un tour de chauffe en perspective des élections locales que connaîtra l'Espagne dans les prochains mois. Le PSOE de Zapatero et le CpM de Mustapha Aberchane sont entrés en campagne électorale précoce. Du pain bénit pour la droite en Espagne. Tension sociale L'autre souci des militaires espagnols Les affrontements de Mélilia ont forcé le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero à ameuter tous les corps des forces de sa sécurité, la police militaire n'a pas été épargnée. A l'abri des médias et des regards, elle effectue un travail de terrain. Et pour cause, nombreux sont parmi les jeunes manifestants qui ont effectué le service militaire obligatoire. Selon Saïd Chramti, acteur associatif à Nador, « des instructions ont été données à la police militaire pour localiser et identifier tous les jeunes musulmans de Mélilia ayant passé le service militaire. De même, les membres de la PM sont chargés de spécifier la nature des entraînements militaires que les jeunes ont suivis ». La hiérarchie militaire espagnole craint que cette tension sociale ne dérape de son cadre civil.