Les attentats du 11 septembre à New York et Washington ont eu l'effet d'un coup de massue sur les mouvements islamistes marocains. Un événement inattendu qui allait acculer les différents courants à réagir. Le soir même des attentats du 11 septembre, c'est le branle bas de combat dans les différentes directions islamistes. Les membres de Jamaât Attabligh se réunissent dans leur pseudo QG à la mosquée Annour à Casablanca pour examiner les initiatives à prendre dans la nouvelle conjoncture. La direction d'Al Adl Wal Ihssane se concerte tout de suite, mais se sachant sous les feux des observateurs, prend son temps et peaufine sa position, après une semaine de réserve. Elle est en tous points conforme au positionnement général de l'association : Non à la violence «d'où qu'elle provienne », mais les attentats de New York et Washington sont « le résultat de la politique américaine d'agression contre les peuples ». Le Parti de la justice et du développement emboîte le pas à l'association de Cheikh Yassine. Condamnation des attentats et mise en garde contre d'éventuels dérapages, sous prétexte de châtier les terroristes. Quoiqu'il en soit, les islamistes marocains ne tardent pas à rebondir sur cette actualité pour promouvoir une nouvelle fois le choix de non violence qu'ils avaient fait au lendemain de l'assassinat du leader socialiste Omar Benjelloun. La prudence sera de mise concernant tous les moyens de répercuter la colère des bases, confrontées chaque jour aux images des bombardements alliés en Afghanistan. Le PJD et Al Adl wal-Ihssane, les deux mentors du courant islamiste, respectent à deux reprises les interdictions opposées par les autorités à des projets de manifestation prévus à Rabat contre les attaques américaines. Ils n'étaient d'ailleurs pas à l'origine de ces appels à manifestations, lancés en fait par le Congrès nationaliste islamique, dont le coordinateur au Maroc n'est autre que Mustapha Ramid, chef du groupe parlementaire du PJD. On était loin des 500.000 manifestants rassemblés, entre autres par les islamistes en 1991, lors de la marche pro-irakienne de Rabat. Les islamistes observent également la même réserve lors des remous suscités par la Fatwa prononcée le 15 octobre par des oulémas menés par le professeur Driss Kettani, contre la cérémonie de la cathédrale de Rabat. Autant de signes d'un positionnement politique plutôt conciliant, qui dénotent d'une réelle volonté d'en finir avec l'image des islamistes adeptes purs et durs du Jihad contre tout ce qui n'est pas islamique. Autres temps, autres positionnements. L'approche des échéances de septembre 2002 ne laisse aucune place aux impulsions irréfléchies. Misère, chômage, lacunes sociales, scandales financiers en tous genres, sont le véritable fonds de commerce des islamistes et il est demeuré hors de portée du raz de marée du 11 septembre. En témoignent les sondages qui révèlent un capital-sympathie au moins inchangé pour les islamistes. Le PJD, mais aussi l'association de cheikh Yassine, comptent bien le faire fructifier dans la perspective des élections. Un bras de fer avec les autorités ne pourrait qu'éloigner davantage cet objectif, et « légitimer » les tentatives de leur barrer le chemin, entre autres à travers la suppression des candidatures libres aux élections. Les islamistes ont mieux à faire. Négocier au mieux des alliances qui pourraient renforcer leur présence au Parlement et leur ouvrir les portes du prochain exécutif. Pour peu que la cohésion qui a toujours prévalu ne fasse pas défaut à quelques brasses de l'explication de septembre.