Sa formation : l'architecture. Sa passion : le cinéma. Son mode d'expression : la photographie. Ainsi pourrait-on tenter de résumer le parcours de Othman Zine, ce jeune architecte/réalisateur/photographe marocain. En tout cas, pour le moment. Un peu trop carré, pas assez stimulant, son diplôme d'architecte est aussitôt enfermé dans un tiroir au profit d'un workshop dans une école de cinéma parisienne. Là, il découvre les fantaisies de l'écriture, les rouages de la réalisation, les outils du montage. Et le déclic a lieu. Très vite, le jeune homme s'inscrit dans une école de cinéma en spécialité direction de la photographie. Entre les clics et les claps, il construit son univers visuel, guidé par une seule ligne commune aux deux arts : la lumière. Il aime les portraits décalés, les mises en scène surprenantes. Ainsi, séduit-il le célèbre « Mag » de Marrakech. Pour les papiers glacés, il réalise des séries urbaines et déjantées, et finit par croiser les pas du directeur artistique du Festival de Montréal. Avec pour compagne de route la photographe Faten Safieddine, il décide de se lancer dans un travail sur le corps. « Les Marocains qui s'estiment libres aimeraient bien partager cette idée que le corps n'est pas forcément tabou. Souvent, l'amalgame est fait pour le monde extérieur », explique-t-il. Ainsi est né le projet cinématographique « La Chrysalide », mené à quatre mains et racontant la libération d'une femme musulmane dans un monde oppressant. Et à Faten d'ajouter : « En 1993, j'ai fait une conférence sur l'image du corps dans la peinture contemporaine au Maroc. Mon approche du corps touche automatiquement au sexe et à religion, et donc au politique. Ce n'est pas un sujet anodin. Ici, ce n'est pas évident de faire du nu. La constatation que j'ai pu faire en tant qu'historienne d'art est que le corps reste pour les peintres comme pour les photographes un sujet tabou qu'on approche avec beaucoup de frilosité. Moi, j'ai voulu aller plus loin. Je voulais découvrir comment chacun parle du corps ». Les spécialistes de la photographie le savent bien, il n'y a pas meilleure école que la formation picturale. Il y a 30 ans, Faten était artiste-peintre et historienne d'art. D'origine libanaise émigrée au Maroc en 1985, elle se lance dans la réalisation de documentaires sur l'art et le patrimoine marocains. La photographie arrive au hasard d'un jeu presque enfantin : capter les reflets lumineux sur un verre avec l'appareil photo d'un téléphone portable. Laissant très vite place à l'assouvissement d'une vieille passion : « J'ai réalisé que grâce à cette réappropriation du réel, je pouvais combler cette frustration que j'avais de ne plus peindre. Désormais, je peins avec un appareil-photo et les manipulations numériques ». C'est donc dans l'exposition « Ombres croisées », puis aux côtés d'autres artistes marocains - Ryzlaine Ben Abbes, Houda Kabbaj, Zineb Layachi - dans « Corps voilés/dévoilés » que les œuvres de Othman et de Faten entreront en correspondance. En travaillant sur de longues expositions (30 secondes), le jeune homme joue sur la transparence d'un corps saisi dans son mouvement entre deux positions. C'est précisément dans ce temps où les gestes se croisent que surgit la zone d'ombre, celle d'une silhouette hybride, presque féminine, irréelle. De son côté, Faten explore son approche du reflet lumineux, venant découper le corps de ses modèles à la manière des peintres cubistes. Deux démarches qui nous rappellent que la photographie est un art d'influences et de correspondances, où le message ne se départit jamais d'un amour de la technique. A suivre de près.