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Ces gentlemen farmers à la marocaine
Publié dans Challenge le 19 - 04 - 2008

Sans oser se comparer au Brésil, le Maroc reste néanmoins un pays agricole. En dehors de la logique sociale qui veut qu'aujourd'hui, certaines cultures présentent un bon moyen de redistribuer les richesses via le modèle de
subventions, le Maroc a aussi ses gentlemen farmers qui ont fait
le libre pari d'investir dans l'agriculture, notamment depuis qu'elle
a été défiscalisée par le défunt roi Hassan II.
Ils sont parfois textiliens, promoteurs immobiliers ou industriels de tous bords, mais ont aussi mis un pied dans le secteur primaire en y investissant de gros moyens, et figurant parmi une poignée d'agriculteurs de taille imposante. Car au Maroc, et selon les statistiques officielles, environ 69% des fermes marocaines consistent en terrains d'une superficie inférieure à 5 ha. Un morcellement des terres résultant des successions intervenues au cours des générations, mais aussi d'un régime foncier défaillant que la nouvelle réforme présentée par Aziz Akhannouch, ministre de l'Agriculture, ce mardi 22 avril, devra tenter d'améliorer. Cette réalité est aggravée par un fait de taille : 90 % des terres ne sont pas immatriculées. Leurs propriétaires sont donc exclus d'office du système financier à défaut de garantie. 1,5 million d'hectares sont des terres collectives exploitées dans l'incertitude la plus totale. Dans les conditions actuelles, à peine 11.000 propriétés agricoles dépassent les 50 ha. Que dire alors des exploitations mesurées en centaines d'hectares ? C'est dire que ces gentlemen farmers ne sont pas légion, mais sont suffisamment influents pour peser dans la politique agricole du Maroc. Leurs armes de persuasion infaillibles? Un pied dans l'exportation, importante source de devises pour le pays, mais aussi un vivier d'emplois pour des millions de Marocains du monde rural. «Les plus grands d'entre eux ont le profil d'agriculteurs de père en fils. Ils ont bien saisi le mode de fonctionnement du secteur et se sont vite ouverts à l'extérieur en adaptant leurs exploitations aux besoins du marché étranger», explique Ahmed Ouayach, président de la Comader (Confédération Marocaine de l'Agriculture et du Développement Rural). Et d'ajouter, «les agriculteurs d'aujourd'hui ont compris les règles du jeu et savent où investir, s'impliquant entièrement et sans faire dans la demi-mesure pour réussir». Traduisez : ils savent flairer les bons filons dans lesquels ils investissent sans compter. La quarantaine, Mounia Sefrioui Benkirane fait tout simplement partie de cette nouvelle génération d'agriculteurs marocains qui se lancent dans une activité économique qui pèse de tout son poids sur la dynamique de croissance du Royaume. Même si la quasi-totalité de ces jeunes ont fait de brillantes études, ils se sont généralement retrouvés dans le secteur parce que leurs parents l'ont investi depuis de longues années. Mettant en avant la rentabilité, ils sont pratiquement tous tentés par l'agrobusiness, cette association de l'agriculture et de l'industrie. «C'est un grand atout pour le Maroc que les jeunes s'intéressent à l'agriculture, ce qui n'est le cas en France ou encore en Espagne, où les jeunes se désintéressent de plus en plus de cette activité», fait remarquer Kacem Bennani Smirès, general manager de Delassus, qui a repris le flambeau de l'entreprise agricole familiale. Ce dernier est en effet cité à chaque fois que le profil de fellah de père en fils est évoqué. A l'instar d'Aït Menna, il constitue l'exemple édifiant de cette deuxième génération de fermiers qui a enrichi l'atout foncier légué par les aïeux d'une touche d'intellect, d'une bonne dose de technologie et d'un petit brin de management à l'occidentale. Mais ce profil ne compose pas à lui seul le puzzle des fermiers des temps modernes au Maroc. Mis à part de riches Marocains qui ont accédé aux terres de la Sodea, d'autres sont venus apporter une touche cosmopolite à une «corporation» jadis typée. Il s'agit de ces self made men qui ont joué des coudes pour parvenir à convaincre les bailleurs de fonds, même les plus réticents d'entre eux, de les accompagner dans leur belle aventure managériale. On les appelle les nouveaux fellahs, sans que ce terme ait toujours une connotation péjorative. Parmi eux, certains forcent le respect et font parfois des jaloux dans la profession. Copag, citons-la nominativement, qui a le mérite d'avoir entraîné dans son sillage une multitude de petits fellahs de Taroudant, donne à rêver à ces petits fermiers que l'on peut compter par millions.
Moulay Massoud Agouzzal
président du groupe Agouzzal
Il devient agriculteur
à l'âge de 75 ans !
Qu'est-ce qui a poussé Moulay Massoud Agouzzal, grand industriel de son état, à s'intéresser depuis cinq années au secteur agricole? Certes, la tendance du groupe est à la diversification, mais les raisons que cache le choix d'investir dans le terroir sont loin d'être si simples. C'est en effet dans un souci d'assurer lui-même l'approvisionnement des huileries de Meknès en matières premières qu'Agouzzal s'est mis à cultiver l'olivier dans la capitale ismaélienne. Aujourd'hui, l'activité en est à ses premiers balbutiements, puisque la superficie où sont plantés les oliviers n'excède pas les 200 ha. «Nous envisageons de disposer à l'horizon 2012 d'une exploitation de l'ordre de 3000 ha», explique Mohamed Agouzzal en charge de la filiale oléagineuse du groupe. A terme, l'amont de l'huile pourra donc être assuré, mais pour le moment, il ne couvre que 15% des besoins de l'usine. Mais Massoud Agouzzal n'est pas présent que dans l'olivier. Il l'est aussi dans les cultures biologiques, en produisant notamment les agrumes (1000 tonnes) dans d'anciennes fermes de Sodea, basées dans la région du Souss. Débutant dans cette filière, Agouzzal continue à travailler avec des intermédiaires qui, eux, se chargent d'exporter la marchandise, et ce, en attendant d'atteindre la taille critique lui permettant d'intervenir en propre sur les marchés étrangers.
Commencer petit, cela ne semble aucunement déranger Moulay Massoud Agouzzal. Son historique explique d'ailleurs cet état d'esprit qui lui est propre. Et pour cause. Les débuts de ce grand industriel ont été des plus simples. Il a commencé à travailler avec son père, grossiste dans l'agroalimentaire à Meknès, au début du siècle dernier. Continuant à collaborer avec son père et son frère aîné Moulay Ahmed, Moulay Massoud était marchand ambulant d'huile d'olive, à ses heures perdues. Goûtant au travail en solo, il prend la décision de se séparer de son frère pour se consacrer entièrement à ses propres affaires. Et c'est dans le secteur de l'huile qu'il va percer dans un premier temps avant d'opter pour la voie de la diversification. Il rachètera d'abord «Les Huileries de Meknès» puis «Les Moulins de Zerhoun». Petit à petit, il renforce son groupe en rachetant plusieurs sociétés mises en vente dans le cadre de la marocanisation : «Les Tanneries de Meknès» sont à citer en exemple. En 1973, Moulay Massoud Agouzzal est à la tête de 7 unités industrielles. L'empire qui commençait à prendre forme va se renforcer davantage par le rachat de Chimicolor puis de Chimilabo en 1986. Une autre société, Caplam, est venue consolider ce groupe, qui a pu se faire un nom au Maroc comme à l'étranger, malgré toutes les difficultés financières qu'il a rencontrées.
Jamal Aït Menna
Au nom du père
Il aurait pu être directeur d'un quelconque pôle du groupe familial, sa formation en commerce aurait plaidé en faveur de ce choix, mais il a opté pour l'agriculture. Avec du recul, on ne peut que se demander si Jamal Aït Menna, le cadet de la famille, était vraiment libre de ses choix, ou s'il a tout simplement suivi, les yeux bandés, le chemin tracé par de tristes événements. Et pour cause. Le décès du père intervenu en 2003 a changé la vie du jeune Jamal, installé pour des raisons d'études et de travail à Lausanne, en Suisse.
«Après le décès de mon père, j'ai tout de suite ressenti le devoir et la responsabilité de rentrer au pays et de poursuivre le travail qu'il avait lancé de bout en bout. La terre était sa grande passion et il a su me transmettre cet amour au fil des nombreuses virées que nous effectuions par le passé dans la ferme d'Ouled Zidouh», témoigne-t-il.
Une exploitation de 1.500 ha, située dans la région de Beni Mellal, et qui était complètement dédiée à la culture des céréales et de la betterave avant d'être reconvertie dans la production d'agrumes, essentiellement en raison des grands volumes hydriques requis par les deux premières cultures. «Mon père s'est désintéressé de l'immobilier et de l'industrie pour se consacrer à cette ardeur qui l'animait par-dessus tout, et il fallait non seulement que je reprenne le flambeau mais que j'y mette du mien au quotidien».
Aujourd'hui, Jamal Aït Menna n'a plus rien d'un débutant dans le domaine. Entre l'exploitation d'Ouled Zidouh et celle de Sidi Bouâatmane, à quelques kilomètres au nord de Marrakech, où sont plantés des oliviers, il a eu l'occasion de se frotter au quotidien aux spécificités et aux contraintes du monde agricole, et ce en dépit des grands moyens dont regorge la structure d'Aït Menna. Il a aussi eu le temps de mûrir une idée qui date de plusieurs années, celle d'intégrer l'activité de l'élevage. En effet, il n'est plus question que de quelques mois pour que les étables, aujourd'hui en réalisation à Ouled Zidouh, accueillent pas moins d'un millier de vaches laitières.
Ces dernières seront importées vers octobre 2008, mettant ce jeune golfeur professionnel face à un nouveau challenge, puisqu'il investit une activité toute nouvelle pour la famille.
Youssef Alaoui, PDG de Cicalim
Le banquier séduit par la terre
Youssef Alaoui va manifestement à l'encontre d'une quasi-généralité remarquée dans le secteur. N'ayant pas baigné dans la filière agricole, ni grandi dans une famille de fellahs, il n'a découvert de près cette activité qu'à l'âge mature. En mettant sur pied, à la fin 2007, son projet d'élevage de volailles, via le rachat de terres jadis appartenant aux domaines de la Sodea, Youssef Alaoui est entré de plain-pied dans le secteur agricole. Il est en même temps éleveur, du haut de ses nombreuses fermes, d'une capacité de 75.000 volailles par an, mais aussi agriculteur, puisque ses fermes servent aussi à développer une culture céréalière. «J'attends la première récolte», s'impatiente-t-il. Mais la production que générera ces 300 ha est loin de constituer le gros de son challenge. Puisque c'est au niveau de l'engraissage d'ovins et de bovins, mais surtout de l'élevage de dindes à grande échelle qu'il positionne d'ores et déjà son business. Certes, le secteur primaire n'est pas totalement méconnu de Youssef Alaoui, puisqu'il est en même temps PDG de Cicalim, grand producteur d'aliments de volailles, et président de la fédération interprofessionnelle du secteur avicole. Mais la nouvelle expérience lui permet d'aller vers l'amont et de jouer des coudes dans l'objectif de détrôner à l'horizon 2010 Maroc Dinde, qui est aujourd'hui leader du marché grâce à un chiffre d'affaires prévisionnel qui se compte en plusieurs dizaines de millions de DH. C'est dire que Youssef Alaoui sait très bien là où il met les pieds quand il s'agit de se diversifier ou carrément de changer d'activité. Preuve en est : il a quitté un poste hautement stratégique à la BCM pour monter une PME spécialisée dans la pneumatique, et en bon guetteur des bonnes opportunités, il n'allait pas laisser échapper l'opportunité de reprendre Cicalim, mise en vente en 1998 par le groupe ONA. Là encore, personne ne se doutait que le jeune quadra, par ailleurs consul honoraire de la Turquie au Maroc et l'un des vice-présidents de Moulay Hafid Elalamy, n'en était qu'à ses premiers pas dans le monde de l'entreprise et que les ramifications n'allaient pas tarder à s'étendre.
PDG du groupe Belkora
Monsieur le maire
Fils d'un riche propriétaire terrien dans la région de Meknès et agronome de formation, c'est naturellement que Aboubakr Belkora, 55 ans, a débarqué dans l'agriculture. C'est à la fin de ses études en France que le maire de Meknès a pris en charge les exploitations familiales sises dans la région de Zaer, Aït Yaazem et Tamayoust (Région de Midelt). Depuis, beaucoup de choses ont changé dans la vie d'Aboubakr Belkora. Contrairement à l'agriculture où il est arrivé pour poursuivre les activités familiales, il atterrit en politique de façon tardive, par un pur hasard. En septembre 2003, au lendemain des premières élections communales sous le règne de Mohammed VI, il est nommé maire de Meknès sous la bannière du PJD. Pour autant, ce grand agriculteur s'arrange pour mener simultanément ses deux fonctions. «Ayant déjà mis en plan l'agencement nécessaire pour une gestion adéquate, il me suffit actuellement de veiller à la bonne application de l'itinéraire de production et du bon fonctionnement du système, ce qui me laisse largement le temps de «vaquer» à mes activités de maire de la ville de Meknès», dit-il.
Aujourd'hui, les quatre domaines Belkora, qui regroupent 1.200 hectares, sont spécialisés respectivement dans les grandes cultures et l'élevage ovin, l'arboriculture fruitière, l'élevage bovin et l'arboriculture fruitière. L'ensemble des productions est destiné au marché intérieur national. Belkora estime que le secteur agricole a du potentiel et pense aux nombreux emplois qu'il est encore possible de créer. Aujourd'hui, Belkora entrevoit des projets agricoles dans le court terme, notamment l'amélioration de la production et de la qualité, mais également l'apport de solutions aux problèmes de la commercialisation. Mais le maire-agriculteur a son mot à dire sur tout le secteur. «L'agriculture nationale traverse actuellement une passe difficile. Outre les aléas climatiques, l'eau d'irrigation se fait rare. Les régimes juridiques des terres diverses et complexes (collectif, guich, habous, domanial) sont toujours problématiques, sans compter que les coûts de production demeurent élevés», dit-il. Et de prévenir : «une ouverture des frontières prématurée risque de dévier notre effort de production vers des horizons incertains (la crise du blé qu'a vécue notre pays dernièrement) par manque de vision claire».
Hassan Derhem, patron d'Atlas Sahara
Son fief : le grand sud
Nous sommes à Dakhla. Le climat rude est loin de laisser présager l'existence d'une des plus grandes fermes de production de tomates cerises au Maroc. Et pourtant, à quelques kilomètres de la ville, se trouve la plantation sous serre de la famille Derhem, dont la quasi-totalité de la récolte est destinée à l'export. Non loin de là se trouve une exploitation d'un tout autre genre. Des centaines d'hectares dédiés exclusivement à la production horticole, fruit d'une association concrétisée entre la famille Derhem et le groupe Tazi. La société Tawarta, qui sert de support commercial à cette activité, ne jure que par l'export, notamment vers les pays de l'Union européenne, grands demandeurs en matière de fleurs coupées. Considérée comme une activité accessoire dans le groupe, la filière agricole portant la griffe Derhem est pourtant en train de prendre de la valeur dans la région de Dakhla, notamment au vu des emplois qu'elle a créés dans cette baie rongée par le chômage. Dans la région de Lâayoune, cette famille d'anciens négociants en céréales et bétail n'est plus à présenter. Son directeur général et homme politique, Hassan Derhem, jouit d'une grande popularité, due aux multiples ramifications du groupe familial et à la casquette de président de la jeunesse sportive de Massira qu'il porte depuis de longues années. Et c'est ce même Hassan, avec l'appui de son frère Aissa, qui est en charge de la communication du groupe familial. Cela dure depuis une vingtaine d'années. En effet, la mort de H'mad Derhem dans un accident de circulation à Lâayoune dans les années 90 est intervenue à un moment où ses deux fils maîtrisaient les fins contours de l'affaire familiale, pour avoir accompagné leur père dès leur plus jeune âge dans le monde archi-complexe du business. Activité pétrolière, pêche, immobilier, agriculture et textile font partie des divers métiers du groupe, qui emploie plus de 1.500 personnes dans la région du sud et quelque 3.500 personnes dans le reste du pays.
Kacem Bennani Smirès
directeur général de Delassus
Le nabab de la tomate et de la fleur
«L'agriculture, c'est notre immobilier à nous. C'est une passion de voir les arbres pousser». Kacem Bennani Smirès, qui a repris avec sa sœur Zhor et son cousin Ali le flambeau de l'entreprise familiale, sait bien de quoi il parle. Delassus n'a plus rien à voir aujourd'hui avec le comptoir de négoce de fruits et légumes créé en septembre 1949 par un Français, André Delassus, celui dont le groupe garde encore le nom. Le groupe, devenu l'un des premiers producteurs d'agrumes au Maroc, a grandi, s'est diversifié en amont et en aval et a investi d'autres créneaux, plus porteurs pour l'avenir. C'est sous la houlette de Mohammed Bennani Smirès que l'entreprise a très tôt misé sur la production d'agrumes et l'installation de stations de conditionnement. Ce dernier, qui a dirigé le groupe pendant 40 ans avant de céder, il y a vingt ans, la tête de l'entreprise familiale à Bennani Smirès Junior, a beaucoup planté. Kacem va poursuivre au début des années 1990 cette offensive en plantant davantage à Agadir, Beni Mellal et Marrakech. Mais c'est Zhor Bennani Smirès qui va surtout piloter les exploitations agricoles. Leur dernière grande opération leur a permis de faire leur entrée dans le club des producteurs intégrés. Nous sommes en 2006, Frumat (Fruitière marocaine de transformation), située à Kenitra, est à l'arrêt depuis fin 2004. Le lauréat de Cornell University (Etats-Unis) ne tergiverse pas et rachète avec deux autres associés en juin 2006 l'usine de jus pour 33 millions de DH, et par ricochet la marque Marrakech, dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire. A l'époque, la présence de Delassus parmi les repreneurs est de nature à rassurer quant à la sécurité de l'approvisionnement. En s'appuyant sur cet associé principal (48 % du capital) qui exploite des fermes agrumicoles s'étendant sur 1.200 ha, notamment dans la région proche de Sidi Slimane, et au savoir-faire reconnu dans le domaine, Citruma, la société spécialement créée pour l'exploitation, dispose de tous les atouts pour réussir le pari de redonner à l'industrie marocaine du jus d'orange son punch face à la déferlante des produits importés. Cela n'a pas tardé à se traduire sur le terrain. Delassus a réussi en un temps record à se positionner comme un acteur important du jus au Maroc. Seul bémol : Citruma manque d'oranges pour alimenter leur usine. Résultat de la course : planter d'ici la fin de l'année des vergers d'oranges dédiés à l'usine. Pourtant, avec plus de 2.000 hectares et un bataillon de 5.000 employés, Kacem Bennani Smirès a déjà affirmé le leardership de cette entreprise familiale à travers deux secteurs. Le groupe est en effet leader dans la production de tomates cerises exploitées sur 250 hectares avec plus de 15.000 tonnes exportées. «Ce projet est une joint-venture que nous avons réalisée avec un groupe espagnol dans la région d'Agadir», précise le patron de Delassus. C'est avec ce projet que ce grand producteur horticole est entré ainsi de plain-pied dans le développement durable agricole, avec le lancement de la culture hydroponique (hors sol). L'objectif est de valoriser au mieux le mètre cube d'eau. C'est une expérience unique au Maroc. L'utilisation de l'eau est optimisée au maximum. C'est ainsi que l'unité a réalisé une économie en eau estimée à 40% par rapport à l'irrigation localisée. Ce système assure à lui seul une économie d'eau d'environ 20 à 30% en comparaison avec l'aspersion ou le gravitaire raisonné. Du côté d'Azzemour également, Bennani Smirès se maintient leader dans la production de fleurs coupées. Piloté de près par son cousin Ali Bennani Smirès, il a valu au groupe son rang de seule société exportatrice de fleurs au Maroc. Ce n'est pas un hasard si le groupe caresse l'idée de développer l'enseigne de sa boutique «Fleuritel» au niveau local. La stratégie produit de Bennani Smirès Junior est claire : la spécialisation par produit. En clair, chaque entité du groupe est dédiée à faire un seul produit plutôt que de se disperser. Au-delà, il faut dire que ces produits ne rencontrent aucune difficulté à trouver leur place sur les étagères des supermarchés européens. Le groupe des Bennani Smirès est la première entreprise du Royaume à accrocher à son arc l'EUREP GAP, le certificat de bonnes pratiques agricoles, une sorte de visa pour alimenter le secteur de la grande distribution en Europe.
Mardochée Devico
PDG des Conserveries de Meknès
Monsieur Agrobusiness
Rares sont ceux qui savent que c'est lui qui a introduit la culture de la fraise au Maroc. Pour autant, Mardochée Devico se plaît souvent à dire que l'entreprise familiale qu'il dirige «a commencé modestement mais en même temps elle était ambitieuse». Quand il a repris en 1962 l'atelier familial de 400 m2, celui-ci ne brassait qu'un demi-million de DH de chiffre d'affaires. Aujourd'hui, elle affiche plus d'un demi-milliard de DH. Le groupe est leader dans la confiture et le concentré de tomates au Maroc. C'est aussi le premier exportateur d'huile d'olive aux Etats-Unis. Mardochée Devico a fait de cette entreprise fondée en 1929 une parfaite symbiose entre l'agriculteur et l'industriel. Disposant d'une ligne de fabrication d'une capacité de 2000 tonnes/jour, la marque Aïcha a multiplié sa production de concentré de tomates par 20 en dix ans et les 15 parfums de la confiture Aïcha occupent 35 % du marché local. Le groupe est aussi le premier producteur mondial de truffe blanche (alias le champignon terfess), une rareté. Mardochée Devico a très tôt compris que l'agroalimentaire marocain ne pourrait pas se développer sans la modernisation de son agriculture. Ainsi, il a mis sur pied un partenariat de recherche associant professeurs d'université, exploitants agricoles et équipes techniques de l'entreprise. Le résultat ne s'est fait pas attendre. La production industrielle de tomates atteint des rendements inédits : 120 tonnes à l'hectare en 2001, alors qu'elle faisait en moyenne 30 tonnes à l'hectare dans la décennie précédente. Depuis, il a multiplié ses hectares de terre agricole dédiés à la production de tomates. Son lancement dans la culture d'olives l'a amené à faire son entrée dans la production d'huile en 2000. Pour cela, Mardochée Devico n'a pas lésiné sur les moyens. Il a investi pas moins de 50 millions de DH. Depuis, sa raffinerie produit 120 tonnes d'huile alimentaire par jour.
Hoummad Kantari, PDG du Groupe Kantari Berkane
Le roi de la clémentine
Il fait partie des huit membres de Maroc Fruit Board aux côtés des Domaines Agricole
(ex Domaines Royaux), Delassus et Prim'Atlas, une structure créée en 2000 par les principaux exportateurs marocains qui ont décidé de mettre en commun leurs compétences en matière de production et de conditionnement pour offrir un produit de qualité. Pourtant, Hoummad Kantari reste méconnu des Casablancais, Rbatis et autres Marrakchis et Gadiris. Il ne fait pas partie de ce que l'on a tantôt appelé «le Maroc utile». Lui est de «l'autre Maroc». Il est de Berkane et donc d'une région que l'on considère comme peu riche et peu importante. Il ne comprend pas un traître mot de français, mais il fait preuve d'une intelligence et d'un sens des affaires dont la région de l'Oriental est très fière. Hoummad Kantari contribue à la création d'une valeur ajoutée de plus de 400 millions de DH. Haj Hoummad, comme l'appellent affectueusement ses milliers d'employés, est en effet à la tête d'un des plus grands groupes du pays et les chiffres en attestent à tous points de vue. Le Groupe Kantari Berkane (GKB), c'est plus de 43.000 tonnes d'exportation, dont plus de 24.000 produites dans les fermes du groupe. Ceci est rendu possible grâce à ses 18 stations de traitement et de conditionnement soumises aux normes de qualité les plus strictes. Haj Hoummad estime que ce n'est toujours pas assez. Il pense aux nombreux emplois qu'il est encore possible de créer, mais également à la balance de paiement qu'il faut redresser grâce aux exportations. Alors, il voit très loin, en dopant son activité actuelle, mais aussi en diversifiant sa production. Son objectif est d'exporter jusqu'à 60.000 tonnes par an d'agrumes d'ici à 2010. À l'heure où l'agriculture marocaine doit faire face aux normes européennes, un tel objectif semble plutôt démesuré. Ce n'est pas ce que pense Haj Hoummad, dans la mesure où la mise à niveau de ses stations, mais aussi de ses fermes agrumicoles, est déjà bouclée. GKB a déjà obtenu la certification de plus de la moitié de ses stations. Des machines à la pointe de la technologie ont été installées, grâce à un investissement de 110 millions de DH dans chacune des stations destinées à l'emballage et au traitement des fruits destinés à l'exportation.
La ferme de Berkane est déjà certifiée. On est donc face à un agriculteur qui rompt complètement avec les stéréotypes. Son ambition est très grande, mais demeure réaliste et réalisable. Il compte sur l'augmentation globale de la production marocaine d'agrumes qu'induira le nouveau partenariat public-privé avec la cession des terres de la Sodea-Sogeta. S'il y croit tant, c'est parce que lui-même est bénéficiaire de ce partenariat. Comment ce roi de la clémentine a-t-il débarqué dans l'agriculture ? Tout a commencé en 1970, quand Hoummad Kantari a débuté comme commerçant. Quelques kilos de fruits et légumes achetés ici et là seront vendus avec une marge modeste. Mais très vite, le jeune Hoummad flaire le filon et décide d'investir dans une petite ferme d'à peine un hectare. Il sera agriculteur à ses heures perdues et commerçant le plus clair de son temps. Quelques années suffiront à le convaincre de doper sa production de clémentines, jusqu'à devenir aujourd'hui un acteur incontournable dans le secteur des agrumes marocains.
Aujourd'hui, ce grand agriculteur a sa petite opinion sur tout le secteur, y compris les accords de libre-échange avec les Etats-Unis. «Les Américains sont impossibles», dit-il. Ils veulent une chaîne du froid à 1°, des gabarits variant entre 1 et 3, soit une infime partie de la production. «De plus, la fenêtre d'exportation est très étroite, vu que le Maroc a le même climat que le sud des Etats-Unis», ajoute-t-il. Alors il préfère simplement se tourner vers la Russie, le Canada et les Pays scandinaves qui représentent 70 % de ses exportations. «Adieu l'Oncle Sam». L'Europe prend les 30 restants.
Aujourd'hui, Haj Hoummad Kantari, dont les agrumes représentent le plus gros de son chiffre d'affaires, pense déjà à la diversification. En homme d'affaires averti, il se tourne vers le maraîchage. Son manque d'expertise dans ce domaine est largement compensé par son ingéniosité, son âme d'investisseur invétéré et surtout son caractère de visionnaire. En effet, il s'est associé à une société française qui possède l'expertise nécessaire pour garantir le développement de sa nouvelle activité dans les meilleures conditions. Depuis, les deux partenaires se sont lancé dans l'exploitation de quelque 20 à 25 ha de production d'artichauts. Rien n'est laissé au hasard, comme dans tous ses projets. En effet, l'artichaut craint la gelée, alors que la zone est connue pour ses basses températures hivernales. Alors, Hoummad Kantari a eu recours à la technologie comme il a l'habitude de le faire. Ainsi, des nébuliseurs installés garantiront la production d'artichauts quelle que soit la rudesse du temps. ◆
Ali Kayouh, président du groupe Kayouh
Une affaire de famille
Ali Kayouh n'est plus à présenter dans le Souss. Homme politique ayant la réputation d'être rompu aux rouages du Parlement pour y avoir occupé un siège durant une trentaine d'années, il est en outre connu pour ses nombreuses transhumances et ses célèbres prises de bec avec A. Kadiri, chef du PND. Il tient aussi sa notoriété de sa casquette d'agriculteur. Un métier exercé depuis des générations par la famille Kayouh. C'est en effet dans les années 40 que le père d'Ali a commencé à se faire un nom dans le secteur primaire, précisément dans la région de Houara. A l'époque, c'est plutôt sur un mode artisanal que Kayouh père travaille la terre, chevaux et chameaux étant de la partie. Cela dure plusieurs années, le temps que la petite ferme d'à peine 10 ha grandisse et diversifie sa production vers les agrumes et primeurs. Ali Kayouh, né en 1933, est encore enfant quand il commence, le plus spontanément du monde, à donner un sérieux coup de main à son père. La grande famille, y compris ses oncles et ses cousins, est entièrement impliquée dans ce business, considéré jadis comme une activité presque non mercantile. «J'ai tout appris sur le tas. Le climat, le temps ainsi que les changements qu'ils suscitent m'ont tout enseigné», dixit Ali Kayouh. Lui qui croit en l'apprentissage «naïf», pour reprendre sa propre expression, ne se leurre pas quant à la nécessité de se faire assister par des diplômés. «C'est la technologie que nous avons introduite dans nos exploitations qui nous a permis de développer notre activité et de mieux pénétrer le marché international». Cela l'a même amené à faire venir des cadres de nombreux pays, dont certains dépêchés d'Afrique du Sud pour gérer un domaine agricole de quelque 600 ha. A l'annonce de ce détail, Ali Kayouh ne peut s'empêcher de préciser : «chez nous, la famille ne s'arrête pas à l'épouse et aux enfants, elle intègre aussi les parents, les cousins, les oncles… » . Une famille qui dispose de 2.000 ha, avec l'espoir d'accroître cette superficie avec l'annonce des résultats des attributions des terres Sodea-Sogeta. Fidèle à la tradition familiale, cet ancien président de la chambre agricole d'Agadir a su faire aimer la terre à ses enfants. Son fils Abdessamad, député lui aussi, est son bras droit dans les affaires alors que l'une de ses filles est en charge du pôle export. ◆
Moulay M'hamed Loultiti, président de Prim'Atlas
Le modèle d'Aït Iazza
«Mon mérite est d'avoir pu imposer une multitude de petits et moyens exploitants agricoles grâce au choix d'un modèle tout simple basé sur l'économie sociale», lance d'emblée Moulay M'hamed Loultiti, président de Prim'Atlas, ce groupe créé en 1996 par la célébrissime coopérative roudanie Copag afin d'assurer le volet commercial de la structure, notamment au niveau de l'export. Il ne se définit pas comme un grand agriculteur, malgré la réputation de grand dont il jouit dans la filière laitière, mais aussi dans le microcosme des producteurs et exportateurs d'agrumes. Impossible de lui soutirer la moindre information sur la superficie de son exploitation. «Je n'en parle jamais», répond cet adepte du dicton «Pour vivre heureux vivons cachés». D'ailleurs, même dans la fiche Fruit Logistica 2008, élaborée par le CPME et listant l'ensemble des participants marocains au salon tenu en février à Berlin, aucune information chiffrée ne filtre sur le groupe Prim'Atlas. «Au-delà des chiffres, ce qui est intéressant dans notre expérience, c'est notre capacité à pouvoir assurer une intégration parfaite entre la production, la transformation et la distribution, ce qui nous met à l'abri de toutes sortes de dépendances», souligne cet ancien instituteur natif du village d'Aït Iazza, il y a environ 60 ans de cela. Là où il a lancé en 1987 la station portant le même nom que le village, mobilisant 25MDH et procurant un emploi à 330 personnes. ◆
Mounia Séfrioui Benkirane
PDG de Parolive
La pionnière de
la culture oléicole bio
C'est un petit peu malgré elle qu'elle est arrivée dans l'agriculture. Fille d'agriculteur, Mounia Sefrioui Benkirane s'est retrouvée, au décès de son père Mohamed Sefrioui, qui remonte à 30 ans, une ferme entre les mains. Son mari médecin à Rabat est pris par les exigences de son cabinet. Aujourd'hui, cette biologiste-géologiste de formation est à la tête d'une des plus importantes sociétés spécialisées dans l'oléiculture. Parallèlement, elle cultive des pommiers, vignes de table, vignes de culte, tomates industrielles, céréales et élève du bétail (3.200 ovins), même si la jeune femme se tourne de plus en plus vers l'olivier et particulièrement la bioculture. En clair, elle a bien entamé le programme de conversion auquel exhortent les experts : les étendues de céréales cèdent la place à l'olivier. Et les grands pivots d'irrigation sont remplacés par le goutte-à-goutte. L'olivier est une culture plus rémunératrice que les céréales. Résultat de la course : l'agricultrice a déjà mené une reconversion sur 65 hectares. L'objectif est d'atteindre au moins 120, voire 150 hectares, soit la moitié de son domaine. Pour elle, c'est simple, entre les deux cultures, il n'y a pas de comparaison. Elle en veut pour preuve les bénéfices engrangés. La moyenne de production du blé étant de 40 quintaux par hectare, et le prix de vente étant de 2 DH le kilo, ce qui correspond à 8.000 DH par hectare. Tandis que l'olivier peut produire 7 à 8 tonnes par hectare pour un prix de 5 à 6 DH, soit 42.000 DH par hectare. Aujourd'hui, l'objectif de cette biologiste-géologiste, également vice-présidente de l'Union pour le Développement de l'Olivier au Maroc (UDOM), est de conquérir le marché américain. Ensuite les pays nordiques, tout en se frayant une place dans les rayons de la grande distribution locale. Pourtant, Mounia Benkirane, qui a relancé la ferme pendant 8 ans, l'a à un moment louée avant de revenir au métier de son papa. En effet, elle a touché à l'aviculture où elle capitalise plusieurs années d'expérience. Mais elle a dû se rendre à l'évidence et abandonner l'élevage : «depuis cinq ans, cela ne marchait plus. Les aviculteurs ne faisaient que survivre». Avant de revenir à l'agriculture, elle s'adonne un temps à l'élevage de bovins. A un moment, il a fallu trancher, c'était l'élevage ou l'agriculture, poursuit-elle. Ce sera l'agriculture mais avec une forte diversification. Cette agricultrice, du haut de ses 40 ans, éprouve du plaisir à parler de son secteur et de ses projets agricoles, en dépit des innombrables activités que compte son exploitation de 300 hectares. «L'huile d'olive marocaine est boudée à l'export et les importateurs exigent de plus en plus la certification», estime-t-elle. «Alors que cette huile pourrait être meilleure, elle a du mal à rivaliser avec les produits italiens et espagnols», poursuit-elle. Aujourd'hui, Mounia Benkirane est la seule à investir le bio. Un défi de taille puisque ce n'est pas à la portée de tout le monde. En effet, il faut d'abord être propriétaire de son terrain, être prêt à sacrifier d'autres cultures et avoir les moyens d'attendre les premiers fruits.
La préparation du sol suppose au moins deux ans et ce dernier doit devenir vierge de tout résidu. Le principe du bio repose sur le recours d'intrants 100 % naturels. Autrement dit, les engrais chimiques sont interdits. Au total, ce sont 65 hectares de culture oléicole bio que Mounia Benkirane a réservé à cette expérience-pilote dans le Saïss. Lancée en 2005 à peine, cette bioculture est le début d'un programme ambitieux dans lequel elle s'est embarquée. L'idée a germé dans son esprit il y a quelques années. Au gré de ses voyages à l'étranger et des visites de foires et salons, elle a pu mesurer l'engouement pour le bio. ◆
Mostafa Zine Filali, président co-fondateur des Délices du Saïss
Il a tout plaqué pour l'agriculture
Mostafa Zine Filali, ingénieur en génie électrique et son frère Fouad, ingénieur agronome, étaient loin d'imaginer, quand ils se sont lancés dans l'agriculture il y a une quinzaine d'années, qu'ils allaient finir par tout plaquer pour se concentrer sur cette activité. Pourtant, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes pour les deux frères ingénieurs, qui opéraient dans le domaine de l'eau et de l'électricité (traitement de l'eau, pompage, transport…). Les grands donneurs d'ordre comme l'ONEP et l'ONE figuraient en bonne place dans leur portefeuille clientèle. Mais les deux frères décident d'exploiter parallèlement un terrain agricole du côté du barrage Moulay Idriss 1er sur un site assez pittoresque, histoire de meubler leur temps libre. N'importe qui d'autre aurait certainement jeté l'éponge tant le terrain situé en altitude était difficile à exploiter. Mais c'est sans compter sur la passion de Mostafa Zine Filali pour les nouvelles techniques d'irrigation. Il monte une station de pompage moderne pour alimenter ses terres à partir du barrage mitoyen. Les deux frères plantent des amandiers et des fruits, notamment des pêches, des pruniers, du raisin de table et des nectarines… Progressivement, ce qui était au départ considéré comme un passe-temps va devenir une activité à part entière. Mustapha et Fouad vont acquérir une deuxième propriété. Ils y cultivent des rosacées (pêche et nectarine) et y installent une station de conditionnement. Poursuivant leur ascension, les deux frères soumissionnent pour les premiers appels d'offres de la première tranche des terres de la Sodea. Les deux ingénieurs décrochent alors la concession de 180 hectares qu'ils dédient à la culture de l'olive. Il s'agit du domaine Maria situé sur la route nationale reliant Meknès et Fès, et plus précisément dans la localité de Lemhaya. Depuis la reprise des terres par les Zine, près de 25 millions de DH d'investissements ont été réalisés. Dont une grande partie a été dédiée à la réhabilitation du verger existant et à son extension (taille des oliviers, installation d'un réseau d'irrigation en goutte-à-goutte). De nouvelles variétés d'olives ont également été introduites. La société a financé également la construction de forages et de bassins d'accumulation, la rénovation des locaux et l'installation d'une nouvelle unité de trituration de haute technologie. La capacité de trituration est de 60 tonnes/jour. L'objectif est de produire une huile de qualité supérieure et richement aromatisée. Dans le souci d'une démarche qualitative pour obtenir une huile d'excellence, la production du domaine est intégrée. En fait, l'huile produite ne se fait qu'à partir des propres vergers du domaine. Ce qui permet un contrôle qualitatif sur toute la chaîne. Ce contrôle est assuré grâce aux installations techniques mais aussi à l'aide d'un expert étranger. Entre temps, l'entreprise familiale, «Les Délices du Saiss» a accueilli les enfants des cofondateurs. Anouar Zine, le fils de Mostafa, qui a effectué des études de technico-commercial aux Etats-Unis, assure les fonctions de responsable marketing de la société. Sa cousine, la fille de Fouad, Ibtissam, diplômée de l'Institut agronomique de Jean Bloux en Belgique, vient de rentrer et a pris la relève de Mustapha qui gérait en amont les plantations, l'irrigation, le sol, la production… Aujourd'hui, la société « Les délices du Saiss » participe régulièrement aux salons internationaux dédiés au secteur (Fancy Food de New York et Anuga de Cologne). Ses produits sont distribués dans les épiceries fines mondiales. Et notamment son huile Phenicia, qui est vendue sur le marché international à 15 euros les 750ml. Sur le marché local, elle est proposée à des prix plus attractifs. 80 % de la production d'huile d'olive est destinée à l'export. ◆
Brahim Zniber, PDG du groupe Zniber
Le vigneron du Royaume
Un simple fermier. C'est ainsi que Brahim Zniber se plaît à se définir malgré le large éventail des activités de son groupe. Car même si ce patriarche à la belle allure est aussi textilien, assureur, propriétaire terrien et même opérateur de loisirs, rien à y faire. C'est dans l'agriculture et plus particulièrement la viticulture qu'il trouve son bonheur. «Mon père, qui se présente toujours comme un fellah, a un amour intrinsèque de la terre», c'est ainsi que s'exprime son fils Leith Zniber à son propos. Du haut de ses 80 ans, Zniber père continue à mener d'une main de fer les affaires de la famille. Normal quand on sait qu'il a construit l'empire de bout en bout, et que même en déléguant certaines taches à ses enfants, il ne peut se désengager complètement d'un projet qu'il a construit sous sa casquette de self made man.
En effet, si l'amour que porte Brahim Zniber à l'aviculture est avéré, celle-ci le lui rend bien : il est une référence dans le secteur. Il a ainsi pu se faire une petite place au soleil et figurer en pole position dans le domaine du vin marocain. L'exploit est de taille quand on sait que le milieu est très fermé et que pour faire partie des grands du secteur, la démarche n'est pas des plus simples, se résumant à faire partie des hommes du sérail. En tout cas, pour Brahim Zniber, la sauce a pris et aujourd'hui, «Les Celliers de Meknès», société créée au début des années 60, fabrique 85% des vins consommés au Maroc, avec une production annuelle de 28 millions de bouteilles. Un quasi-monopole de fait que permet une exploitation de 1300 hectares de vignoble dans la région de Meknès. «Cela peut paraître étrange que je fabrique du vin dans un pays musulman, mais je me sens serein. Seul l'excès est mauvais », avait-il déclaré à un journal français. ◆


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