Abdellatif Zine expose ses œuvres, jusqu'au 20 mars, à la galerie de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG). Il est difficile de considérer les œuvres de Zine indépendamment de l'homme. Serait-il possible de parler des œuvres plastiques sans s'intéresser à leur auteur et à son mode de vie ? Robert Desnos écrit : « Je ne crois pas que l'on comprenne vraiment une œuvre sans connaître l'auteur. Les œuvres du passé se corrompent en même temps que les cadavres ». Cette assertion est encore plus vraie pour le cas de Abdellatif Zine. Il est très difficile de séparer les œuvres de ce peintre de la vie de l'homme. Il faut carrément se refuser à juger les œuvres indépendamment de l'homme. Considérons les tableaux qui sont exposés en ce moment à la CDG et essayons de les juger sans tenir compte de leur auteur. Pour peu qu'on ait une culture muséale, l'œil y aperçoit peu d'éléments innovateurs. Pour peu qu'on soit habitué à des expositions, on ne saisit pas de lien unifiant les tableaux exposés. Le peintre n'a pas été préoccupé par un thème auquel il a essayé d'apporter une réponse dans une série de peintures. La notion de série fait défaut à cette exposition. On y trouve des marines, des musiciens, des gnaouis, la place Jemaâ El Fna, un étalage d'épices… Le titre de l'exposition, Identité, peut certes unifier les différentes œuvres, mais il demeure trop vaste pour présenter un dénominateur commun de nature à les ficeler. Cela dit, si l'on sait que ces œuvres sont sorties de la tête et des mains de Zine, et pour peu qu'on connaisse son parcours, notre appréhension des œuvres est déterminée par l'homme. Zine est avant tout un créateur d'événements. Un homme, rempli par une énergie si peu commune qu'il pense être investi d'une mission pour le salut de l'art. Les événements qu'il a créés, que ce soit ses productions en public avec les musiciens gnaouis ou autres, attestent sa volonté de sortir l'art des sentiers battus. Il se réclame de l'art total – une notion propre au théâtre tel que l'a voulu Antonin Artaud. Art total signifie pour Zine une prestation en public qui mêle peinture, chant et musique. Le tout est indissociable d'une certaine forme de théâtralité. Zine est très orgueilleux. Il est un peu meurtri par l'indifférence de certains peintres et par l'ignorance de certains établissements artistiques comme l'Institut du Monde Arabe. Ce qui lui fait souvent dire qu'il est le premier à lancer telle ou telle autre idée qui a suscité un engouement mondial, et que sa peinture a été saluée par les plus grands critiques d'art, dont Pierre Restany. En fait, l'art a besoin de cette race d'hommes actifs, persuadés de l'utilité de leur mission pour innerver l'art. De ce point de vue-là, le travail de Zine est tout à fait louable. Qu'on aime sa peinture ou non, force est d'admettre que cet homme ne laisse pas indifférent, et qu'il introduit un souffle stimulant dans le paysage artistique marocain. Au reste, les meilleurs tableaux exposés à la CDG sont ceux qui ressemblent à des aquarelles. Zine a utilisé une peinture avec des tons doux et très lumineux. Cette douceur du coloris est animée par le mouvement fougueux qui caractérise de nombreux tableaux du peintre. Conjonction des plus intéressantes entre des tons doux et la véhémence du mouvement. D'autres œuvres présentent des reliefs avec des couleurs chaudes. Ainsi le tableau intitulé « Identité n° 1033 » où les couches de peintures constituent des plaques si proéminentes qu'elles s'apparentent à des haut-reliefs. Au bout du compte, la peinture de Zine ne peut se lire indépendamment de l'homme. Les performances, les idées séductrices, le panache de Zine entrent pour beaucoup dans l'attrait de sa peinture.