Le Crédit Agricole vit une métamorphose tranquille et sans tapage. La banque des agriculteurs se transforme en banque universelle dans la sérénité. Le management, aguerri aux rouages des banques multi-métiers, positionne la banque comme un outsider avec lequel il faut compter. Car si, historiquement, le Crédit Agricole était assimilé à un organisme financier spécialisé, la transformation, en 2003, en société anonyme à Conseil de Surveillance et Directoire, a marqué un tournant dans la vie de la Banque. Le tournant Le changement du mode de gouvernance et l'ouverture de la banque aux métiers universels de la banque et de la finance auront constitué une rupture avec le «cliché» d'une banque dédiée uniquement aux agriculteurs. Le nouveau challenge a mobilisé pas moins de 2 milliards de dirhams en termes de recapitalisation en 2005. Opération appuyée par un geste sans précédent à l'égard de 100.000 agriculteurs. Un abandon pur et simple de créances totalisant 3 milliards de dirhams. Une bouffée d'oxygène destinée à promouvoir le secteur qui emploie le plus au Maroc. En juillet 2007, la fin du régime dérogatoire dont bénéficiait la Banque, est effective. Le Crédit Agricole du Maroc a donc dû reconstituer et stabiliser sa réserve monétaire, tant en se conformant strictement aux normes prudentielles édictées par Bank Al-Maghrib, normes au demeurant incompatibles avec les pratiques du financement de l'agriculture. C'est ainsi que le second semestre 2007 et l'intégralité de l'exercice 2008 ont été consacrés à la mise en conformité de la Banque aux obligations découlant du respect des normes prudentielles. Au vu de cette histoire, et compte tenu du fait que depuis 1961, celle-ci fonctionnait comme un établissement public quasiment dédié au simple financement de campagne, cette mise à niveau ne s'est pas avérée aisée. Le processus de mise à niveau a mis à contribution le management et les actionnaires, mais avant tout, les 3.000 employés de la Banque qui ont vécu une rupture forte en termes de culture d'entreprise (réactivité commerciale, gestion du risque, etc.). Le déclic Les résultats atteints à fin 2009 peuvent être qualifiés des meilleurs r de l'histoire de la Banque. Le Groupe Crédit Agricole du Maroc affiche, au terme de l'exercice 2009, des performances en nette appréciation, tout en confortant sa position de leader dans le financement de l'agriculture et du développement du monde rural. Avec un réseau qui comprend aujourd'hui plus de 400 agences, le Groupe a poursuivi la dynamique de croissance de ses activités commerciales. Ainsi, les emplois sains ont progressé de 16,4 %, les encours globaux atteignant 47,5 milliards de dirhams, les ressources clientèle se sont accrues de 8 %, à 47,3 milliards de dirhams, dans un contexte de marché difficile marqué une progression de seulement 4,5 % pour l'ensemble de la place. Quant à l'indicateur clé du secteur bancaire, le PNB, il s'est établi à 2,12 milliards de dirhams. Il enregistre une appréciation de 11 %, témoignant de la dynamique de croissance commerciale. Le résultat net de l'activité courante atteint 629 millions de dirhams, dont une dotation est constatée pour la décote des garanties réelles des créances déclassées antérieures à 2003. Le résultat net qui en ressort est de 345 millions de dirhams, en progression de 53%. Par ailleurs, la Banque a poursuivi sa politique de renforcement des fonds propres qui atteignent au 31 décembre 2009, 3,9 milliards de dirhams au terme d'une augmentation de capital souscrite par l'ensemble des actionnaires. Ainsi, la Banque s'inscrit dans le respect des normes prudentielles notamment en ce qui concerne le ratio de solvabilité qui s'établit à 11 % et le ratio de liquidité qui atteint 103%. La politique soutenue de maîtrise des charges a permis, dès fin 2009, de ramener le coefficient d'exploitation en deçà de la barre de 50%. Ces performances démontrent que la politique adoptée par le Groupe Crédit Agricole a largement porté ses fruits. Pour autant, d'importants efforts restent à consentir pour parachever cette mutation et la pérenniser et surtout faire face à une concurrence des plus acharnées. «Respecter les fondements de notre mission»Karim Tajmouati : Directeur général adjoint Les Echos : Quelle est la contribution du Crédit Agricole au plan Maroc Vert ? Karim Tajmouati : Le Crédit Agricole est le support leader dans ce plan. Pour bien illustrer ce qualificatif, nous sommes dotés d'une enveloppe de 20 MMDH pour accompagner ce plan d'envergure nationale. Le produit phare à ce niveau «Tamwil El Fellah» offre un financement complémentaire au produit de microcrédit «Ardi». le Crédit Agricole est mobilisé pour tout mettre en œuvre pour la réussite du plan vert. Investis d'une mission publique, vous aspirez à concurrencer les banques commerciales, êtes-vous bien outillés ? Pour la mission du service public on n'est plus dans la perception d'il y a dix ans. Il ne s'agit plus des mêmes besoins et bien entendu l'apport et la méthode ont changé. Tout en restant à l'écoute de l'agriculteur, nous étoffons la gamme de nos produits. Les agriculteurs trouvent bien sûr leur compte car nous jouons à plein la carte de proximité tout en s'ouvrant à un autre type de clientèle. L'objectif étant d'asseoir les meilleures conditions de réussir la mission de service public et de s'élargir à d'autres horizons. Quelles sont les grandes lignes de votre plan d'action 2010 ? C'est confirmer notre accompagnement du plan vert, fondement de notre mission. C'est aussi accroître notre rentabilité à travers le marché des particuliers et professionnels et la consolidation du marché des entreprises. En termes de moyens, nous sommes tout à fait prêts à ces challenges.