Finalement, on ne peut pas dire que la deuxième édition du Forum africain de la finance n'a pas apporté son lot d'enseignements. Cette manifestation qui, pour rappel, rassemblait un parterre de professionnels de la finance en Afrique, a permis de mettre en exergue les principaux risques qui menacent le secteur dans le continent et surtout, de lever le voile sur les mesures à mettre en place afin de les prévenir. Dans ce sens, un état des lieux du marché financier en Afrique permet de ressortir les principales menaces qui le guettent. Vous avez dit culture du risque ! Dans un premier temps, la mauvaise (ou le manque même de) culture du risque entache le secteur financier. Les participants au forum africain de la finance ont tous été d'accord sur le fait que l'insuffisance des politiques de gestion des risques dans le continent est notamment la responsabilité des organes de décision dans les entreprises. La majorité des structures n'ont pas de stratégies élaborées dans ce sens et, quand elles en ont, ces mêmes stratégies se limitent assez souvent à la couverture des risques de dommages et de la responsabilité civile par les assurances. Dans un deuxième temps, c'est la situation du marché financier africain qui est en soi problématique. À ce jour, ce marché est qualifié de «restreint». «Seules quelques banques de développement opèrent dans le continent et les grandes entreprises restent surtout spécialisées dans les importations», regrette Patricia Cissé, responsable au sein du cabinet de conseil sénégalais AFIBA. Ajouté à cela, aujourd'hui, les métiers de la finance sont particulièrement cantonnés aux institutions financières et la finance d'entreprise reste limitée en raison d'un manque de formation des dirigeants. Il faut dire aussi que sur le marché africain, le métier de risk manager est peu développé, avec une absence avérée de profils spécialisés. Par sous-secteur, le constat relevé au niveau des marchés des changes fait ressortir, d'un côté, un manque d'acteurs, notamment les salles de marché, intervenant en temps réel et des spreads qui restent assez élevés, comparativement à d'autres régions du monde. Quant aux marchés monétaires, seuls des produits sur les taux en monnaies étrangères, particulièrement en euros et en dollars, existent dans le continent, alors que l'on ne réserve pas le même sort aux monnaies locales. La problématique du risque de transformation est également un point soulevé lors de l'analyse de la représentante du cabinet AFIBA, puisqu'aujourd'hui, le marché connaît une affluence des dépôts à court terme, alors que le financement des banques est essentiellement octroyé sur des maturités moyennes, voire longues. Cela dit, il y a lieu de noter que le tableau aurait pu être beaucoup plus obscur, n'étaient les progrès réalisés lors de cette dernière décennie. En effet, «sur le plan macro-économique, plusieurs économies de la région ont pu lutter contre l'inflation et ont pu plus ou moins redresser leur balance de paiement», note Marc Mouscadet, co-fondateur de Tamias Consultants à Paris. Et c'est au niveau des progrès institutionnels que le Maroc est présenté comme un exemple à suivre pour les autres pays d'Afrique. Quoiqu'encore décriée au niveau interne, la maîtrise budgétaire et fiscale est un élément clé qui permet au royaume de se positionner comme référence dans les finances africaines, au même titre que les progrès réalisés au niveau de l'abolissement des concours des banques centrales aux Etats, la mise en place des systèmes de paiement développés, ainsi que des méthodes modernes d'émission des dettes publiques. Par ailleurs, «la concurrence qui est née entre les banques marocaines et nigérianes, devrait jouer un rôle de catalyseur pour l'innovation dans le continent» ajoute P. Cissé. Toutefois, il est tout aussi important de capitaliser sur les leçons apprises des récentes crises sur les marchés plus matures que cette innovation, soit la plus profitable possible à la finance africaine. Pour l'ensemble de ces éléments, il est inéluctable que le Maroc se positionne aujourd'hui comme un modèle à méditer. Cependant, cela ne veut aucunement dire qu'il est exempt des défis à relever par les autres pays africains, afin de dynamiser davantage le secteur financier. C'est du moins ce que laissent entendre les professionnels aguerris participant à cette deuxième édition du FAF. Ces défis concernent dans un premier temps le rôle de l'Etat en sa qualité d'émetteur souverain. Dans ce sens, l'amélioration de la lisibilité des politiques budgétaires et monétaires est nécessaire, afin de permettre une meilleure compréhension des stratégies d'émission obligataires de l'Etat, ainsi que de la politique des taux. La disponibilité d'une information fiable et structurée sur les marchés de la dette publique est également un facteur clé pour le dynamisme du marché financier. À cela s'ajoute le rôle du régulateur. Certes, au Maroc, la procédure d'accès au marché est nettement meilleure que dans d'autres systèmes économiques africains. En revanche, c'est au niveau de l'ouverture à l'internationale que le pays se rejoint avec les autres économies du continent, notamment avec la problématique des changes, qui constitue un frein devant la volonté affirmée pourtant, de s'ouvrir à l'international. «Au niveau bancaire, l'enjeu est de remédier à la méfiance sur les risques de contrepartie et d'abolir la frilosité face aux activités nouvelles», ajoute Marc Mouscadet. C'est dire que le chemin est encore long pour la finance africaine, mais le récent développement laisse entrevoir un optimisme quant au dynamisme du secteur dans un continent qui, en s'ouvrant à l'international, gagne en prise de conscience.