Si 2010 a été une année à oublier pour les cimentiers, l'exercice 2011 a tout pour leur redonner le sourire. Tout juste au premier trimestre de l'année, plus de 3,75 millions de tonnes de ciment on été écoulés sur le marché national, soit près de 11,5% de plus qu'à la même période de 2010. Il va sans dire qu'après plusieurs mois de statu quo, une telle progression a eu son effet sur le moral des professionnels. Pour justifier cette embellie, ces derniers relatent justement une plus grande fluidité dans l'octroi des autorisations délivrées aux promoteurs. Sur les mois à venir néanmoins, un fait qui n'a rien de ponctuel, lui, devrait prendre le relais pour doper la consommation de ciment à plus long terme. Il s'agit bien évidemment de la relance du logement social, grâce au plan d'incitation fiscale adopté dans le cadre de la loi de finances 2010. L'effet positif à en espérer devrait pleinement jouer à partir du second semestre 2011, selon les observateurs et il devrait être particulièrement bénéfique pour le secteur. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à rappeler que les ambitions gouvernementales visant la construction de 300.000 logements sociaux sur les dix prochaines années ont déjà été remplies par les seuls promoteurs immobiliers cotés à la Bourse de Casablanca, qui se sont engagés à eux seuls à construire 330.000 logements sociaux. Sachant que la construction d'un seul logement social nécessite en moyenne six tonnes de ciment, il apparaît clairement que les besoins nationaux en ciment devraient croître à un rythme soutenu durant les années à venir. Mais tout aussi forte qu'elle soit, la progression prévisible de la demande de ciment n'éloigne pas le spectre de la surcapacité. Ce risque aurait plus ou moins de retombées sur les opérateurs selon l'évolution du marché du ciment durant les années à venir. À ce titre, deux scénarii ont été avancés par BMCE Capital dans une récente étude. Le premier parie sur une surcapacité momentanée jusqu'en 2015, en se basant sur des prévisions plutôt conservatrices n'intégrant pas le projet d'Ynna Asment. Selon cette configuration, le marché du ciment pourrait connaître un surplus de production à partir de 2010, selon les estimations de BMCE Capital Bourse. Plus en détail, la capacité de production à fin 2010 devrait se monter à 19,9 millions de tonnes, tandis que la consommation estimée devrait se cantonner à 14,3 millions de tonnes, situant le taux d'utilisation moyen des usines à 72%.Toutefois, il ne s'agirait que d'une situation momentanée. En effet, le taux d'utilisation moyen estimé à partir de 2015 s'élèverait, à 81% pour une capacité de production de 23,7 millions de tonnes et une consommation prévisionnelle de 19,2 millions de tonnes.Cela étant, la configuration future du marché national du ciment dans ce premier scénario, laisserait apparaître à horizon 2016 une érosion des parts de marché des opérateurs historiques, en faveur des nouveaux arrivants accompagnés d'une baisse limitée des prix entre 2011 et 2013, avant un redressement à partir de 2014, précise BMCE Capital Bourse. Les analystes avancent par ailleurs toujours dans le premier scénario que si les cimentiers n'anticipent pas correctement la tendance favorable du marché qui semble se dessiner à moyen terme, «la sous-capacité pourrait induire un recours aux importations et ouvrir le marché marocain aux raiders dont il a été jusqu'à présent prémuni», avertissent les analystes de BMCE.Le second scénario avancé par les analystes table pour sa part sur un surdimensionnement des capacités de production. «La concrétisation du projet d'Ynna Asment à partir de 2014 pourrait induire un changement radical de la configuration du secteur cimentier national», précise-t-on au sein de BMCE Capital Bourse. En effet, dans cette configuration, le taux d'utilisation se repositionnerait sous le seuil des 70% et resterait jusqu'en 2016 bien inférieur au niveau des 80%, impliquant un surplus de capacité de production ainsi qu'une éventuelle accélération de l'érosion tarifaire. En outre, dans ce même second scénario, les parts de marché des filiales marocaines des groupes internationaux seraient mises à rude épreuve. Plus en détail, elles s'en trouveraient affectées entre 2009 et 2016, abandonnant à terme 5,1 points pour Lafarge Ciment, 3,1 points pour Holcim Maroc, 3 points pour Asment de Témara et 2,5 points pour Ciments Du Maroc. Pour sa part, Ciments de l'Atlas devrait voir son market share se renforcer dans une proportion moindre, pour ne pas dépasser les 11,0%. R.H