Les files interminables devant les sièges des offices de l'emploi sont devenues un décor habituel dans la vie des Espagnols. La perte spectaculaire des emplois n'a épargné aucun foyer ni communauté. A première vue, la tempête a frappé sans distinction. Fort malheureusement, les immigrés sont les premiers à avaler des couleuvres et plus particulièrement, les Marocains. «Nous ne savons plus où donner de la tête devant le flux de demandes d'aides que nous recevons au quotidien de la part des immigrés», se lamente Kamal Rahmouni, président d'Atime, Asociación de trabajadores inmigrantes marroquíes. Selon une étude réalisée par l'Observatoire permanent de l'immigration, la communauté marocaine est la première victime des déboires économiques du voisin ibérique. Si en 2007 le nombre des chômeurs nationaux était de 20.177, en 2008, les données ont explosé pour atteindre 68.765 Marocains sans emploi en Espagne. À signaler que l'on compte 767.784 Marocains disposant d'une carte de résidence. Actuellement, le taux de chômage de nos concitoyens est considéré parmi les plus élevés en comparaison avec les différents collectifs étrangers résidents en Espagne. La crise a fauché la main-d'œuvre marocaine, mettant en évidence sa précarité. Motifs ? Le gros lot des travailleurs marocains s'activaient dans le secteur du bâtiment. Avec l'explosion de la bulle immobilière, ils étaient les premiers à encaisser le coup. De la sorte, la construction qui a perdu 560.330 affiliés à la sécurité sociale en 2008, a généré une armée de sans emploi. Depuis 2002, les immigrés, toutes nationalités confondues, occupaient 50% des emplois dans le secteur immobilier. Ainsi, quand le bâtiment s'est effondré, 85% de ceux qui ont perdu leur affiliation à la sécurité sociale, œuvraient dans ce secteur. Mais si les autres immigrés n'ont pas jeté l'éponge en réussissant une reconversion dans d'autres activités, la communauté marocaine, connue pour son bas niveau de formation se ronge les sangs. Kamal Rahmouni peine à le reconnaître, mais force est de constater que la main-d'œuvre marocaine n'est pas qualifiée. Les autres communautés n'hésitent pas à s'inscrire dans des formations offertes par l'Etat pour se reconvertir et s'adapter à l'air du temps. Aujourd'hui, il est difficile de placer les nationaux dans d'autres secteurs moins affectés. Pour colmater la brèche, certains se sont rabattus sur l'agriculture, deuxième employeur de la main-d'œuvre marocaine. Reste que la concurrence dans ce secteur est rude. Les Espagnols qui, autrefois, ne daignaient pas travailler dans les champs font de la concurrence à la main-d'œuvre immigrée. Ce qui explique le taux de chômage de 35% qui frappe la communauté marocaine, loin devant les Roumains et les Equatoriens, les deux nationalités les plus représentées en Espagne. Ce pourcentage dépasse de 14 points la moyenne du chômage au sein de la communauté étrangère installée en Espagne. Nouvel esclavage Cette situation de vulnérabilité à laquelle sont confrontés les immigrés, donne naissance à des exactions de la part des employeurs. «Les offres de travail se font rares et si elles existent, les conditions relèvent de l'exploitation. Nous recevons des offres avec un salaire de 450 euros par mois pour 12heures de travail. Ces conditions de travail rappellent l'époque du franquisme», s'insurge ce responsable associatif. Certains, accablés par la précarité cèdent, d'autres enfilent des perles en attendant que la tempête se calme. Les plus avertis ont préféré se refugier au bled, au risque de perdre le permis de travail en cas de résidence temporaire, vu que son renouvèlement est assujetti à la possession d'un contrat de travail. «La crise a généré de nouveaux problèmes comme le refus par les autorités de renouveler la carte de résidence de l'immigré pour motif de perte d'emploi», affirme Kamal Rahmouni. Selon des pronostics d'Atime, environ 100.000 Marocains ont décidé d'aller vivre au Maroc. Avec 500 euros mensuels comme indemnité de perte de travail, ils peuvent vivre décemment en attendant que l'orage passe. Les plus intrépides, conscients que la demande dans le secteur de la construction ne sera jamais comme avant et refusant de baisser pavillon, s'en vont vers d'autres cieux plus cléments pour tenter leur chance. «Certains, pour qui la mobilité géographique ne constitue aucun handicap, se sont dirigés vers la France, l'Allemagne ou d'autres pays européens moins touchés par la crise», confirme Kamal Rahmouni. SOS racisme Cette situation de désœuvrement a généré de la misère sociale mais aussi des tensions raciales. Les associations des droits humains multiplient les communiqués dénonçant les arrestations arbitraires d'immigrés par les autorités policières. Une chose est sûre : la crise va de pair avec le racisme. Selon une étude publiée début mars par le département de l'Emploi et de l'immigration, les Espagnols sont de moins en moins tolérants vis-à-vis des communautés étrangères. 77% des interrogés pensent que le nombre des immigrés est extravagant, contre 74% qui demandent une politique d'immigration plus ferme et 40% n'hésitant pas à exprimer leur souhait de «chasser» les immigrés en situation de chômage. D'autres pensent que les immigrés s'accaparent la part du lion des aides sociales. Si le département de l'Immigration, comandataire de cette étude, a minimisé ses résultats, les qualifiant d'erronés, le terrain confirme cette tendance xénophobe des Espagnols. Pour preuve, les récents affrontements qui ont eu lieu à Barcelone entre des Marocains et la police locale, à titre d'exemple. «Le racisme a toujours existé, mais à des doses beaucoup moindres. Il se trouve que les élections restent le grand propulseur de ces rancunes raciales. Et aujourd'hui, il existe une course effrénée vers celui qui adoptera le discours le plus radical afin de s'attirer la sympathie des électeurs», commente Rahmouni. Le show ne fait que commencer. Retour volontaire ? Non merci ! À l'avènement de chaque mois, l'Espagne retient son souffle. Les chiffres sur l'évolution du chômage, et par ricochet de la crise qui frappe depuis 2008 le voisin du nord, sont rendus publics. L'heure est vraiment grave. Et les chiffres le sont encore plus. Depuis, le secteur de l'immobilier s'est écroulé comme un château de sable, le nombre des chômeurs ne cesse d'augmenter, atteignant des sommets vertigineux. Selon les dernières statistiques publiées le 1er mars par le ministère de l'Emploi, le nombre des sans emploi espagnols a atteint 4.130.625. Rien qu'en février 82.100 personnes ont perdu leur gagne-pain. C'est le septième mois consécutif où le chômage ne cesse de grimper. Dans les médias, les débats télévisés, les meetings politiques, un seul refrain : comment sortir de ce pétrin. Le miracle économique espagnol est révolu. La terre promise des immigrés que fut l'Espagne durant la décennie dorée 1997-2007, l'époque où l'Espagne accueillait le tiers de la communauté immigrante de toute l'Europe n'est qu'un lointain souvenir. Aujourd'hui, l'Espagne tente de se décharger de ce fardeau qu'est l'immigration. En proposant un plan de retour volontaire aux pays d'origine des immigrés, moyennant un petit pécule, le gouvernement cherchait à se délester d'une main-d'œuvre en surplus afin de laisser la voie libre à ses concitoyens. En réalité, le cadeau tant enjolivé par les socialistes au pouvoir n'est que le fruit du labeur des immigrés. Il s'agit des indemnités de perte d'emploi versées d'un seul coup aux intéressés au lieu de les laisser broyer du noir dans la péninsule ibérique. Faux calcul. Les immigrés n'ont pas cédé aux appels des sirènes et peu d'entre eux se sont laissés tenter par ce cadeau empoisonné qui impliquait la perte de la carte de résidence et par conséquent de tous leurs droits en tant que résidents légaux.