Réduire les coûts logistiques de 20% à 15% du PIB, tel est l'objectif général du Contrat-programme pour la logistique (CPL), dont la signature devrait se faire dans les 2 ou 3 semaines qui viennent. L'imminence de cette signature n'est pas sans créer une certaine effervescence, voire une tension, parmi les professionnels, qui remettent en cause certaines conclusions du Contrat programme, fruit d'une étude réalisée, une fois de plus serait-on tenté de dire, par le cabinet McKinsey. Mohammed Talal, président de la commission Logistique au sein de la CGEM, insiste par la même occasion sur «une plus grande implication des professionnels, car une fois le contrat signé, il ne sera plus possible de revenir en arrière». Ainsi, ce CPL adopte une approche par flux de marchandises, en préconisant la création de plateformes dédiées aux containers, à l'agroalimentaire, aux céréales et aux matériaux de construction. Une réflexion est actuellement en cours sur d'autres volets, tels que la révision de la fiscalité qui, à travers une patente de 20 à 30%, grève considérablement la compétitivité du secteur. Quid du foncier ? Des chantiers qui, s'ils sont importants, ne sont pas bloquants, dans la mesure où le gouvernement s'est montré assez réceptif à ces doléances lors des rounds de négociation avec la CGEM. Toutefois, les professionnels s'inquiètent déjà des modalités d'application du CPL, notamment sur certains points qui sont perçus comme autant de contradictions. En premier lieu vient la problématique du foncier, «le CPL ne prévoit pas de foncier pour le privé, tout en interdisant aux professionnels de créer leur propres plateformes. Quand le gouvernement nous promet que du foncier sera rendu disponible sur d'autres plateformes, ça ne nous suffit pas», martèle le président de la Commission Logistique, qui s'interroge sur les moyens de favoriser l'émergence d'acteurs locaux de la logistique, en l'absence d'incitations ou de mesures d'accompagnement, à l'image de la relocalisation des entreprises exerçant en plein centre-ville ou de l'occultation de la logistique aérienne et maritime. Des volets qui, s'ils étaient développés, permettraient de mettre un terme à certaines aberrations, surtout quand on sait qu'il est plus cher de transporter une cargaison de Casablanca à Rotterdam que de transporter la même cargaison au départ du Brésil. Le GIE de la discorde L'un des principaux points de divergence entre la CGEM et le ministère de l'Equipement et du transport a trait à la création d'un GIE (Groupement d'intérêt économique) au sein de la future plateforme logistique de Zenata. «Nous sommes contre, car un GIE ferait de la concurrence aux opérateurs. À moins d'y inclure le privé, ou de lui réserver 50% des votes», souligne Mohammed Talal. Une appréhension qui est somme toute justifiée. En effet, la mutualisation des moyens qui est le propre d'un GIE aboutirait à la création d'un géant de la logistique. Ce qui n'est pas une mauvaise chose en soi, tant que cela ne ralentit pas l'éclosion d'acteurs locaux. Toutefois, la principale crainte des membres de la CGEM est relative à une éventuelle privatisation de ce GIE, ce qui reviendrait à signer l'arrêt de mort de la logistique nationale. Autre point de divergence, le fait que le contrat-programme fasse la part belle au transport ferroviaire au détriment du transport routier, qui constitue tout de même le maillon le plus important dans une économie comme la nôtre. «Il ne faut surtout pas favoriser l'utilisation du rail en instaurant des incitations tarifaires, ce serait de la concurrence déloyale», déplore le président de la Commission Logistique, qui compte autant sur ses pairs que sur le ministère de tutelle pour mettre le contrat-programme sur la bonne voie. Les Echos : Le contrat-programme comporte encore des mesures à éclaircir, des amendements à apporter, alors que la signature est imminente. Mohammed Talal : Le respect des délais dépend surtout de la réactivité du ministère du Transport. Nous leur avons adressé une missive la semaine dernière avec les amendements que nous voulons inclure. C'est en bonne voie, mais du travail reste à faire, surtout que certains éléments comme les plateformes logistiques privées nous tiennent à cœur. On ne peut pas dire que le CPL favorise vraiment l'émergence d'acteurs locaux de la logistique... Tout à fait. Notamment en prévoyant un accès au foncier pour le privé dans les zones logistiques multiflux. Ouvrir également le foncier dans des zones autres que celles prévues par le CPL, qui sont constituées à 90% de foncier public. Quid du financement ? Chaque entreprise peut investir en propre. Mais l'idéal serait d'adopter un modèle qui a fait ses preuves en Europe, où la distinction est faite entre les prestataires logistiques, les investisseurs et les bâtisseurs. Des fonds d'investissement lancent ces projets en vue de louer les plateformes logistiques. Des banques marocaines ont créé des fonds d'investissement, appelés «foncières» dédiés à la logistique. Nous avons des partenaires qui sont prêts à financer, d'autres disposés à bâtir. Quant à nous, nous sommes prêts à exploiter, chacun son métier.