Les opérateurs de logistique se mobilisent et tentent d'arracher des amendements aux pouvoirs publics. Une véritable course contre la montre anime la profession de la logistique et dans son corolaire celle du corps des industriels. Il ne reste plus que deux semaines avant la signature du contrat-programme devant régir le secteur. C'est dans la hâte, que les propositions d'amendements ont été élaborées. Certaines ont été acceptées par le ministère de tutelle, celui de l'Equipement et du transport ; d'autres en revanche, n'ont pas encore été validées. A en croire les professionnels du secteur, avec à leur tête les présidents de la commission logistique de la CGEM, Mohamed Talal et celui de la Fédération nationale du transport (FNT), Abdelillah Hifdi, arriver à cette étape n'a pas été une partie de plaisir. Déjà, tenir entre les mains le document tant convoité, l'étude de Mc Kinsey, était en soi un événement. Commandité depuis deux ans par le département de Karim Ghallab, il ne leur a été communiqué qu'en septembre dernier. Troisième round Ces derniers se sont attelés à la tâche en l'espace de cinq mois. Ils n'ont que 12 mois pour élaborer la dizaine de contrats d'application devant accompagner le contrat programme. Et pour cause. «Une fois la convention avec le gouvernement ratifiée, il ne nous aurait plus été possible d'y apporter des amendements», lance Mohamed Talal. Et des révisions, ce n'est pas ce qui manque. D'autant plus que les professionnels avaient été écartés de l'ensemble du processus d'élaboration de cette feuille de route. «Nous avons dû nous battre pour finalement pouvoir nous pencher sur l'étude de Mc Kinsey. Rien que sa simple lecture a nécessité deux semaines», témoigne le même intervenant. Les belligérants en sont au troisième round des négociations avec le ministère de tutelle. Le résultat des pourparlers reste cependant mitigé, à en juger par le nombre de modifications que désirent apporter les professionnels. Une chose est claire : le contrat programme ne devrait comprendre que les orientations d'ordre général. Ce sont les contrats d'application qui foisonneront de détails, quant à la mise à exécution de ce plan stratégique. Lesquels éléments nécessiteront la participation de l'ensemble des chaînons de la filière logistique. C'est sur ce volet que sont sollicités l'ensemble des intervenants de la chaîne. Force est de constater que la tutelle n'a pas été particulièrement récalcitrante aux amendements soumis. C'est ainsi que l'organisation du conseil d'administration du futur organe de régulation, incarnée par l'agence marocaine pour le développement des activités logistiques (AMDAL) a été revue sur la base de la requête des opérateurs. Quatre représentants du patronat et le même nombre issu du secteur public y siègeront, contrairement à la configuration première où la présence des pouvoirs publics prédominait. Casablanca ou Rabat ? La question de la domiciliation du siège sociale n'a pas encore été tranchée. Par contre, seule la CGEM est admise aujourd'hui comme unique et seul interlocuteur. D'autre part, le ministère a pris acte, mais sans pour autant formuler une validation du «droit de regard» que demandent les opérateurs sur l'articulation de leur plan sectoriel avec les autres programmes stratégiques (Rawaj, Emergence, zones industrielles). Objectif : favoriser la cohérence entre les différents plans sectoriels. Quant aux amendements en attente d'aval, ils portent sur des mesures considérées comme «contraignantes» par les intervenants du secteur privé, opérateurs et industriels confondus. Vient en tête de liste le projet de la plate-forme logistique de Zenata, située à proximité de la ville de Casablanca. Les 20% des près de 600 hectares de superficie destinés à cette zone sont la propriété de quatre opérateurs publics : ONCF, SNTL, CDG et ANP. Et c'est là où le bas blesse. «Le contrat programme n'a pas prévu de foncier pour les opérateurs privés. Cette situation atteint son paroxysme dans le projet de la zone logistique de Zenata», souligne à cet effet M. Talal. Force est de reconnaître que cette plateforme est exceptionnelle, elle bénéficie d'une totale connexion avec le port de Casablanca, d'infrastructures aussi bien ferroviaires, routières que maritimes. «Indépendamment de la forme adoptée, les autorités publics sont sollicitées, pour nous en attribuer des parcelles soit en location, soit en cession», dit-il. A ceux qui leur opposent l'existence d'autres zones d'implantations, les professionnels répliquent avec détermination : «Ce n'est pas suffisant. A condition de voir ces plateformes intégrer ce même type de connexions», scandent-ils. Dans la même logique, à la simple idée formulée par le contrat programme de créer un groupement d'intérêt économique (GIE) réunissant les quatre opérateurs publics implantés à Zenata, ils crient au scandale. Et leur argumentaire ne manque pas de pertinence. Une telle initiative fausserait la donne concurrentielle et ce, même si les instigateurs du contrat programme mettent en avant l'avantage de la «mutualisation des coûts». Une concurrence «déloyale». D'autant plus que l'ONCF se présente désormais comme un opérateur à part entière et dépasse son statut initial de simple équipementier ferroviaire. Les opérateurs ne voient pas d'un bon œil ce GIE. «A terme, il représentera un opérateur géant. Pire encore, si demain, il venait à être privatisé, sa force de frappe serait terrible. L'unique solution serait de voir le secteur privé en faire partie», estime à ce propos Mohamed Talal. Mesures d'accompagnement ? Autre mesure du contrat programme remise en cause : celle qui pose l'interdiction de construire des plateformes logistiques en dehors des espaces précisés par la convention. «Cette contrainte n'est pas fondée. Bien au contraire, il faut octroyer cette latitude aux industriels», s'indigne le président de la commission logistique au sein de la confédération patronale. L'impossibilité d'édifier des zones logistiques influerait négativement sur les charges des industriels et l'impératif de la maîtrise des coûts. C'est dans ce même esprit que la disposition reposant sur la prohibition de circuler en ville, adressée aux camions poids lourds, rencontre un accueil nuancé. Le bien fondé de cette mesure n'est pas remis en cause ; sauf qu'à l'heure d'aujourd'hui, les entreprises devant être fournies s'y situent. Certes, il est prévu qu'elles soient desservies par des camions semi-remorques, toutefois il reste à en évaluer l'impact financier en termes de coûts de transport. Et enfin, le contrat programme traite de la relocalisation des unités industrielles. Sachez que les entreprises installées par exemple sur la route de Oulad Ziane à Casablanca, en seront délogées à l'horizon 2015, pour être réimplantées dans des zones industrielles. «Cette question nécessite un contrat programme spécifique. La forme n'a pas encore été décidée. Il faudrait qu'à l'instar des autres plans stratégiques sectoriels, qu'un dispositif de mesures d'accompagnement soit mis en place», insiste Mohamed Talal. D'ailleurs, il ne manque pas de rappeler : «il y a une année, nous avons demandé à ce qu'une étude d'impact soit lancée, afin d'évaluer les retombées du contrat programme». Entre les départements concernés et le patronat, la partie s'annonce serrée. Les prochains jours seront riches en rebondissements. Imane Azmi