23% de la population mondiale est potentiellement la cible du marché up to date du moment : le halal. Le terme «halal» est le plus souvent utilisé pour désigner la viande qui a été préparée selon le rituel islamique. Toutefois, ce qui était du ressort du marketing ethnique prend une autre tournure et devient en peu de temps un vrai phénomène socio-économique et un marché plus que juteux. Au Maroc et dans les pays musulmans, la viande halal relevait du banal. Il a fallu attendre l'engouement des multinationales occidentales de la distribution et de l'agroalimentaire pour ce filon pour voir le Maroc et les autres pays islamiques s'intéresser à ce créneau. Force est de constater que cette prise de conscience n'est pas combinée à une célérité dans l'action pour rattraper ce qui aurait dû être notre certification à nous. Le Maroc produit annuellement 490.000 tonnes de viande de volaille et 300.000 tonnes de viande, ovine et bovine. Toutes ces quantités sont évidemment considérées halal selon les standards de la charia, car nous sommes dans un pays musulman. Cependant, commercialement, elles sont utilisables uniquement à l'intérieur des frontières, ce qui représente un manque à gagner en termes d'exportations de viandes, sachant que nous sommes en excèdent de production. Des marchés aussi attractifs que l'Europe, où réside une importante communauté musulmane ou encore des pays comme la Libye, les Emirats Arabes Unis et l'Arabie saoudite, considérés comme les plus importants importateurs dans le monde sont motif à nous réveiller de notre torpeur vis-à-vis du sujet. La course aux parts de marché est lancée C'est vrai qu'une commission interministérielle planche sur le cahier des charges normalisant le label halal au Maroc. Cette commission est composée de fonctionnaires du ministère des Habous, du département de la normalisation du ministère de l'industrie, du commerce et des nouvelles technologies et des équipes du tout nouvel Office national pour la sécurité sanitaire des produits alimentaires. Son objectif, sortir une norme halal d'ici avril 2010. Les BRIC, l'Argentine et la Nouvelle-Zélande, traditionnels exportateurs mondiaux disposent aujourd'hui d'une capacité d'exportation de viandes estampillées halal. N'était le taux record de 254% de droit de douane imposé par le Maroc, ces opérateurs mondiaux n'auraient fait qu'une bouchée du marché local de viande. Ce bouclier protectionniste évolue toutefois dans un cadre limité par les deadlines induits par la mondialisation. Mais pour ces grands chargeurs de viande, ce n'est que partie remise. C'est peu de le dire, on assiste aujourd'hui à l'explosion du business halal. «Le Maroc n'est pas présent sur ce marché mondial» Les Echos : Comment expliquez-vous qu'il n'y ait qu'un seul exposant marocain au Halal Expo 2010 ? Antoine Bonnel : Le problème est d'ordre administratif. Pour faire venir des exposants au salon, il faut passer par l'ambassade puis par Maroc Expo qui ne prend en charge financièrement que s'il y a un nombre conséquent d'exposants. Résultat : le processus est long et compliqué. C'est dommage que le Maroc ne soit pas plus présent sur le marché du halal à l'international. C'est un marché qui représente 4,5 milliards d'euros rien que pour la France. Dans le monde, on parle de 580 milliards de dollars ! Et des pays comme la Turquie, la Malaisie, l'Algérie, le Pakistan... l'ont bien compris. Selon vous, le fait de ne pas avoir d'organisme certificateur au Maroc y est-il pour quelque chose ? La conception du halal est différente d'un pays à l'autre. C'est visible notamment entre les pays musulmans d'Asie et ceux du Maghreb. En Malaisie, la certification est devenue la norme absolue, même l'eau minérale est certifiée halal. Alors que l'Afrique du Nord voit moins la nécessité de la certification. Mais il faut penser à l'export. Pour les pays qui ne sont pas à majorité musulmane, il est nécessaire de justifier que le produit est halal. L'étiquette «Made in Morocco» ne suffit pas. Il semblerait que l'Europe soit mieux positionnée sur le marché que les pays musulmans... Ce n'est pas pour rien que la Malaisie a organisé il y a peu un forum mondial sur le halal à La Haye. En Europe, on est passé d'un marché ethnique à une consommation de masse. La stratégie marketing adoptée pour les produits halal est la même que celle pour les produits non halal en Europe : spots télévisés, affichage publicitaire... La grande distribution s'est emparée du marché et certaines sociétés ont même mis en place des rayons spécialement dédiés au halal. Le seul hic, c'est la multiplication des organismes de certification qui embrouillent le client. En France il y a plus de 50 organismes certificateurs. Le cas de l'Instituto de Junta Islamica L'Instituto halal de la Junta islamica est un organisme certificateur privé, reconnu par l'Etat espagnol. L'institut ne certifie pas directement des entreprises marocaines, mais des produits d'entreprises espagnoles comme Esca Food Solutions, ou encore Murgaca, Covap ou Sada, qui fournissent le marché marocain. Pour Muhammad Escudero Uribe, chargé des relations internationales de cet organisme, «la création d'une agence marocaine officielle pour certifier les produits halal éviterait les problèmes aux frontières comme ça a été le cas avec Interal S.A.». En effet, les douanes marocaines avaient réclamé des preuves justifiant que les produits de cette marque étaient réellement halal. «Si le Maroc dispose d'une agence certificatrice, avec des critères clairs et bien définis, l'idée d'une reconnaissance mutuelle est possible. L'objectif est d'éviter que ne se reproduise ce genre d'incidents à l'avenir», note Muhammad Escudero Uribe.