Ce n'est ni par effet de mimétisme, ni par manque d'inspiration, ni, encore moins, pour céder à la tentation de vous servir du prêt à être servi, que j'ai décidé, moi aussi, de vous parler d'amour. La Saint Valentin, moi j'aime bien car, c'est vrai, ça peut, dans un certain sens réveiller les sens, autrement dit, raviver une étincelle chancelante. Mais quand ça commence à mettre le feu à nos poches, là j'aime beaucoup moins. Cela dit, vous savez, qu'on n'aime ou qu'on n'aime pas, l'amour n'est pas seulement la valeur la plus partagée au monde, elle est aussi, hélas, celle qui partage souvent le monde. Tenez ! Le premier exemple qui me vient à l'esprit : c'est parce qu'ils aimaient trop les peuples qu'ils voulaient civiliser, que les colons n'ont plus voulu quitter les pays qu'ils avaient conquis. Et du coup, ils ont disjoncté et ont commencé à tirer dans le tas. Qui aime bien châtie bien, disait l'autre. D'ailleurs certains colonisés aimaient tellement leurs colonisateurs de l'époque, qu'ils aimeraient bien aujourd'hui qu'ils reviennent chez eux pour terminer leur mission civilisatrice. C'est de l'amour. Autre exemple : tout le monde aime l'argent et tout le monde aime en avoir. Certains qui n'en ont pas du tout, en voudraient bien un peu, d'autres, beaucoup, et certains autres, en sont carrément fous. Ils en sont tellement dingues qu'ils font tout pour en avoir plein les poches, les caisses et les coffres, jusqu'au jour où on les arrête et on les coffre. Et pourtant, ils n'ont fait qu'aimer l'argent, un peu comme tout le monde. Des exemples comme ça, je peux vous en donner des dizaines, mais je ne voudrais pas trop vous ennuyer. J'aimerais cependant aborder la grande histoire d'amour que nous vivons depuis toujours, et, hélas, je ne sais pas jusqu'à quand, avec notre très cher gouvernement. En vérité, il faudrait le mettre au pluriel, mais comme disait un ami en parlant de «son faible honoraire» : pourquoi déranger le pluriel pour si peu? Notre gouvernement, que ce soit celui d'hier légèrement remanié, celui d'avant-hier, unanimement alterné, ou celui de demain, vraisemblablement tracté, nous aime à la folie. C'est de l'amour possessif. Les ministres nous aiment au point de vouloir nous posséder tous, parce qu'ils aiment posséder tout le monde et tout posséder. Je crois que c'est dans leurs gènes. D'ailleurs, entre nous, ça ne les gêne pas du tout. Ils s'en flattent. Ils en sont fiers. C'est normal : ils nous aiment. Et ils nous aiment tellement qu'ils ne veulent plus nous quitter. C'est un amour à la vie et à la mort. Alors que la plupart d'entre nous meurent d'envie de les voir partir pour ne plus revenir. Non, non et non ! Eux, ils veulent rester pour l'éternité. Ils sont un peu comme les députés. On leur a dit plusieurs fois qu'en amour, il faut être deux, et que nous ne voulons plus d'eux. Nous leur avons montré que si nous avons été si peu nombreux à voter pour eux, c'est, justement, parce que nous préférons rester totalement sans défense qu'être défendus par eux. Mais rien à faire ! Ils veulent, coûte que coûte – et souvent ça leur coûte un max d'oseille - nous représenter à la Chambre des représentants où, d'ailleurs, ils ne se présentent pas tous les jours. Au fond, ils n'aiment pas beaucoup ce qu'ils font. Mais, à l'instar de leurs confrères et consœurs les ministres, nos représentants et leurs collègues les conseillers font tout ce qu'ils font, quand ils le font, rien que par amour pour le pays, par amour pour la patrie, et, bien sûr, par amour pour le peuple. C'est-à dire NOUS. Alors, crions tous en chœur : Vive l'amour !