Un secteur qui emploie 1,3 million de Marocains dans 975.000 points de vente, dont 40% informels. Une structure atomisée qui engendre des obstacles considérables pour la modernisation de la profession. Quel interlocuteur peut fédérer le commerce de proximité ? Des limites économiques, sociales et culturelles. En attendant, les grandes enseignes de commerce moderne en ressortent gagnantes. De 12 GMS en 1999, leur nombre est passé à 103 à fin 2010 975.000, c'est le nombre de points de vente recensés dans le pays, toutes tailles et toutes catégories confondues. Une pléthore de commerçants qui renseigne sur l'état encore archaïque du secteur de la distribution. Cette activité est d'autant plus désorganisée que sur ce chiffre, plus de 40% sont constitués de structures informelles : marchands ambulants et commerçants saisonniers, principalement en milieu rural. Le Maroc se retrouve ainsi avec l'un des taux les plus élevés au monde de points de vente par habitant : 27 pour mille, contre 11 pour mille en Turquie, 5 pour mille en Espagne et 4 pour mille en France. Ce secteur est par ailleurs vital autant sur le plan économique que social. En effet, il assure le revenu de près de 1,3 million de Marocains, soit 13% de la population active, et génère près de 12% de notre produit intérieur brut. Le commerce et la distribution revêtent donc une grande importance parmi les visions sectorielles stratégiques, et font face au défi d'une modernisation profonde et équilibrée. En effet, le consommateur marocain moyen, même s'il reste assez globalement passif face à ses «fournisseurs», devient de plus en plus exigeant quant à la qualité de service et d'approvisionnement. Le département d'Ahmed Réda Chami mise sur l'année 2011 pour accélérer le processus de réformes, après une période difficile d'initialisation. Marchés de gros, zones d'activité commerciale et modernisation du commerce de proximité en sont les points les plus saillants. 70% des Marocains exigent la modernisation Et lorsqu'on sait qu'à peine 15% de la distribution commerciale est assurée par les structures modernes, c'est principalement le commerce traditionnel de proximité qui doit relever le plus de défis : s'adapter, s'organiser, se moderniser et se regrouper pour continuer à tirer son épingle du jeu face à la concurrence de plus en plus marquée des grandes enseignes. «Les résultats d'un sondage que nous avons récemment mené font ressortir que 70% des consommateurs marocains exigent la modernisation du commerce de proximité», révèle la direction du commerce et de la distribution au ministère de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies. C'est là l'un des chantiers prioritaires du Plan Rawaj 2020, qui se fixe notamment comme finalité de porter la contribution du secteur du commerce et de la distribution dans la valeur ajoutée nationale à 15% et de créer plus de 450.000 emplois additionnels. Sauf que ce chantier se heurte à des obstacles structurels intrinsèques au secteur. À leur tête son atomisation, qui entrave l'organisation de la profession d'épicier. L'on ne trouve donc pas d'interlocuteur représentatif qui peut se prononcer au nom de la profession, défendre ses intérêts et fédérer ses parties prenantes. Mais également le profond manque de formation et de qualification, qui plonge même les structures formelles dans des pratiques d'improvisation assimilables à l'informel. Et les implications de cette situation ne sont pas négligeables, car impactant à la fois la sécurité sanitaire des consommateurs et la qualité de service qu'ils attendent de leur fournisseur habituel. Ici, la relation de cause à effet est difficile à définir. En ce sens où le phénomène de l'emploi des enfants touche la distribution traditionnelle. En effet, au sein de la même famille, le plus souvent aux origines rurales, les enfants abandonnent leur scolarité pour devenir apprentis chez un parent commerçant en milieu urbain. Grandes et petites surfaces, le circuit moderne gagne du terrain. De l'autre côté, les grandes enseignes se développent à pas certains, capitalisant sur les changements des habitudes de consommation des Marocains et l'émergence de la société consumériste. La grande et moyenne surface opérant en réseau a connu une croissance soutenue durant la dernière décennie avec une évolution annuelle moyenne en termes de points de vente qui dépasse 20%. C'est ainsi que leur nombre est passé de 12 en 1999 à 103 à fin 2010 répartis en 44 hypermarchés à prédominance alimentaire et 59 supermarchés opérant en réseau. Que ce soit par l'ouverture d'hypermarchés, de galeries commerciales ou de commerces modernes de proximité, ces grands groupes investissent de plus en plus tous les segments du marché. Car malgré l'échec qu'ont connu certaines tentatives, telle celle du groupe FinanceCom avec Hanouty, d'autres groupes, nationaux et internationaux, se sont positionnés sur le segment du commerce moderne de proximité en adoptant des modèles économiques différents. L'on peut citer deux principaux intervenants avec chacun une orientation différente : Label'Vie Express et BIM. La première se différenciant par la largeur de son offre, alors que le hard discounter turc mise sur l'optimisation des coûts pour proposer des prix inférieurs à ceux des enseignes classiques sur l'ensemble de son offre de produits. Contactées à maintes reprises sur la question, les grandes enseignes n'ont pas jugé utile de se prononcer sur la structure cible du secteur et sont donc restées muettes sur le sujet, seul BIM a répondu présent. Mais de toute façon, les plus grands gisements de rentabilité pour ces groupes résident dans leurs grandes surfaces, capables de générer des volumes de vente conséquents. Dans ce registre, le marché est sur le point de connaître un tournant décisif avec la montée en puissance annoncée des magasins Carrefour. Une enseigne exploitée en franchise par Label'Vie, et qui est appelée à gagner du terrain après le rachat de Metro, dont les magasins vont être transformés en hypermarchés Carrefour. Une bataille commerciale acharnée s'annonce donc pour la grande distribution, dont Marjane et Carrefour seront les principales parties Carrefour/Label'Vie, partenariat stratégique Fondée en 1985, Hyper S.A. est l'enseigne du groupe Best Financière, qui donnera par la suite naissance à Label'Vie. C'est en 2001 que l'ensemble des supermarchés «Hyper» sont rebaptisés «Label'Vie», qui deviendra le nom commercial de la société. En 2008, la société fait son entrée à la Bourse de Casablanca et change de dénomination juridique pour devenir Label'Vie S.A. Plus récemment, le 20 novembre 2010, le groupe rachète le distributeur METRO Maroc pour la valeur de 1,2 milliard de dirhams, et marque ainsi son entrée dans une nouvelle phase de développement accéléré. Le groupe se positionne ainsi comme concurrent direct des hypermarchés Marjane, puisque les magasins Metro seront tous transformés en hypermarchés Carrefour, exploités sous franchise, à l'horizon 2012. Côté supermarchés, une trentaine d'ouvertures sont prévues d'ici 2011 à Casablanca, Mohammédia, Sala Al Jadida, Agadir, Safi, Fès, Oujda, Tanger, Marrakech, Meknès... Globalement, le plan stratégique 2008-2011 de l'enseigne prévoit de porter le nombre de points de vente à 40 magasins : 34 supermarchés et 6 hypermarchés. Ynna Holding Aswak Assalam, l'enseigne de grande distribution créée en 1998 par le Groupe Chaâbi compte 9 hypermarchés dans les villes de Rabat, Marrakech, Kénitra, Oujda, Témara, Tanger, Agadir et Casablanca. L'entreprise, filiale de Ynna Holding, se différencie des autres enseignes concurrente par son refus de référencer les boissons alcoolisées parmi les produits offerts, une initiative très appréciée par une certaine catégorie de clientèle conservatrice. Une politique commerciale en phase avec les convictions personnelles et religieuses de Miloud Chaâbi, patron du groupe. L'enseigne incorpore également des galeries marchandes et des activités de loisir et de restauration. La surface de ses hypermarchés est également plus restreinte par rapport à celles de Marjane et de Carrefour. L'enseigne se positionne à mi-chemin entre Marjane et Acima ou encore entre Carrefour et les supermarchés Label'Vie. Marjane Holding Marjane Holding est la plus ancienne enseigne de grande distribution marocaine. Filiale du Groupe ONA, l'entreprise a été lancée en 1990, avec l'ouverture de son premier hypermarché sur la rive droite du Bouregreg à Rabat. Au mois d'août 2007, au terme d'un bras de fer pour le contrôle, le groupe français Auchan revend ses 49% de parts dans Marjane à la holding ONA, qui en possédait les 51% restants. Marjane Holding contrôle désormais trois pôles de distribution sur quatre segments de marché: Marjane pour les hypermarchés, Acima pour les supermarchés et Electro Planet pour l'électroménager. Avec plus de 18 millions de clients par an, le groupe est toujours leader sur le marché marocain devant ses principaux concurrents. Marjane Holding dispose de 22 grandes surfaces dispatchées sur toutes les grandes villes du pays. Bim Store En moins de deux ans d'activité au Maroc, Bim a pu implanter et développer pour la première fois le modèle Hard Discount dans le pays. Ainsi, depuis avril 2009, le groupe turc coté à la Bourse d'Istanbul a pu lancer 49 points de vente au terme de l'exercice 2010. «Le bilan de l'année écoulé est très satisfaisant, puisque nous avons dépassé nos objectifs en termes de chiffre d'affaires et de fréquentation, même si nous n'avons pas pu atteindre nos objectifs d'ouverture sur l'année», estime la direction de Bim Maroc. En effet, sur 65 ouvertures budgétées pour 2010, seules 44 ont pu être concrétisées. Une situation liée à la difficulté de trouver du foncier urbain adapté à l'implantation de nouveaux magasins. Pour 2011, l'enseigne table sur l'ouverture de 49 magasins supplémentaires, pour atteindre un total d'environ 90 points de vente d'ici la fin de l'année. Le management du Hard discounter estime qu'il n'y a pas de profil type pour la clientèle de Bim. «Toutes les catégories sont visées, et nous capitalisons sur le concept de Smart Shopping». En proposant un assortiment limité, mais à des prix très concurrentiels, l'enseigne mise sur les consommateurs en recherche continue de bonnes affaires, d'où le positionnement «Achetez malin». A saisir 33 hectares, c'est la surface de vente globale exploitée par les grandes et moyennes surfaces. Son taux de croissance annuel moyen est de 17% entre 1999 et 2010. 5%, c'est le taux d'évolution du nombre de points de vente entre 2008 et 2009. Ils sont passé de 928.000 à 975.000 sur la période. 12%, c'est la part du commerce et de la distribution dans le PIB. L'objectif du plan Rawaj 2020 est d'atteindre une part de 15%.