La pénurie persistante de médicaments essentiels en pédiatrie et en réanimation suscite une vive inquiétude au sein de la communauté médicale. Face à une situation qui s'aggrave depuis plusieurs mois, la Société marocaine de pédiatrie tire la sonnette d'alarme. Elle revendique la nécessité d'actualiser la liste des médicaments essentiels, dont celle de la pédiatrie qui a été établie pour la première fois. Du côté des industriels, des solutions sont en gestation. La santé pédiatrique est menacée, en raison d'une pénurie de médicaments essentiels pour la prise en charge des enfants, notamment en pédiatrie et en réanimation. Une situation devenue préoccupante selon un consensus de médecins pédiatres, puisqu'elle persiste depuis quelques mois. L'ampleur de cette pénurie est telle que la Société marocaine de pédiatrie a tiré la sonnette d'alarme en sollicitant l'intervention pressante du ministère de la Santé pour trouver une solution à cet état de fait persistant. Indisponibilité Pour la Société marocaine de pédiatrie, ces médicaments, dont une liste exhaustive a été établie par consensus des médecins, pédiatres et spécialistes de néonatologie, sont indispensables à la prise en charge de pathologies graves chez l'enfant. De plus, ces médicaments, qui peuvent parfois représenter la seule option thérapeutique, sont souvent utilisés dans des situations critiques en réanimation pédiatrique. «Leur absence sur le marché expose nos jeunes patients à des risques considérables, notamment des complications graves, des séquelles irréversibles, et, dans les cas les plus tragiques, une augmentation de la mortalité infantile. Les conséquences pour la santé publique, et en particulier pour nos enfants, sont potentiellement désastreuses si des mesures immédiates ne sont pas prises», alertent les spécialistes. En dehors de cette pénurie, les spécialistes en néonatologie déplorent l'indisponibilité au Maroc de certains médicaments. «Ces médicaments sont vitaux et pourtant nous n'en disposons pas. Il est difficile de prodiguer des soins de qualité lorsque les traitements de première nécessité font défaut. Pour y remédier, nous avons établi, pour la première fois, une liste de médicaments essentiels propre à la pédiatrie. Elle est entre les mains de la direction des médicaments et nous espérons une réactivité des pouvoirs publics dans les plus brefs délais», revendique Amina Barakat, présidente de la Société marocaine de néonatologie. Une problématique qui met à mal même les pharmaciens, qui se retrouvent les mains liées face à certaines ordonnances. Et ce n'est pas que la pénurie qui suscite l'ire des praticiens. L'actualisation de la liste des médicaments essentiels tarde à voir le jour. «Il est d'usage de se réunir avec l'ensemble des parties prenantes pour rafraîchir la liste des médicaments essentiels, laquelle, par ailleurs, n'a pas été revue depuis 2012. Il y a des réunions avec la direction des médicaments, les laboratoires et les autres parties prenantes, mais le processus s'est arrêté, et il est impératif qu'il reprenne, surtout lorsqu'il s'agit de telles urgences», regrette Saïd Afif, président d'honneur de la Société marocaine de pédiatrie. Une réalité déplorée également par les pharmaciens d'officine qui réclament, de leur côté, la liste des médicaments essentiels établie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). De ce fait, Hafid Oualalou, pharmacien d'officine et spécialiste en économie de la santé, évoque le manque d'information et de communication des pouvoirs publics. Pour ce qui est du dispositif de remboursement des nouveaux médicaments, c'est une autre paire de manches. Quelles solutions ? Quant aux raisons de cette rupture, Mohamed El Bouhmadi, président de la Fédération marocaine de l'industrie et de l'innovation pharmaceutique (FMIIP), a souligné que certains médicaments importés, ce qui est le cas pour la plupart des médicaments concernés, connaissent une pénurie à l'échelle internationale. Toutefois, il dévoile que, suite à ce problème, une commission spéciale a été créée par le ministère de la Santé pour trouver les solutions appropriées. Néanmoins, les industriels indiquent que les prix homologués au Maroc restent bas, ainsi la rentabilité est moindre. Les industries pharmaceutiques se disent prêtes à produire à moindre marge, mais pas à perte pour répondre à la problématique. Des réflexions sont menées dans ce sens. Au niveau des importations, le processus d'enregistrement peut durer près d'un an. La taille du marché fait défaut. Comparé à d'autres marchés, le Maroc ne représente pas une part importante, notamment pour ce genre de médicaments. Et pour produire localement, cela nécessite de gros investissements. Dans le même sillage, Hafid Oualalou a fait allusion à la dépendance aux matières premières qui proviennent de Chine et d'Inde. Cependant, des solutions existent pour se procurer les médicaments dans des cas d'extrême urgence. Il s'agit de l'autorisation temporaire d'utilisation, mais elle est délivrée sous conditions. Quoi qu'il en soit, les professionnels de la santé restent optimistes, notamment avec la création de la nouvelle Agence des médicaments. Maryem Ouazzani / Les Inspirations ECO