Après la pénurie du « Levothyrox », médicament prescrit aux patients souffrant des troubles de la thyroïde, une pénurie de plusieurs médicaments a été observée au Maroc par les patients traitant différentes maladies, notamment mentales, le cancer ou encore le diabète. Selon Ali Lotfi, président du « Réseau marocain pour la défense du droit à la santé, droit à la vie », l'épuisement de ces médicaments a commencé à se faire sentir il y a un an. Une rupture d'approvisionnement « qui se multiplie que ce soit dans les pharmacies et les officines, les centres hospitaliers ou encore les centres hospitaliers universitaires (CHU)», souligne notre source. Notre interlocuteur relève ainsi qu'il s'agit de médicaments qui traitent plusieurs maladies, notamment les anticancéreux, l'insuline pour les diabétiques et un certain nombre de médicaments très importants pour le traitement des malades mentales et les maladies chroniques. Parmi les médicaments, presque inexistants sur le marché et qui traitent les troubles mentaux il y a le « Leponex », prescrit pour les cas de schizophrénie, poursuit Ali Lotfi, qui note que «ce médicament ne se trouve nulle part, que ce soit dans les pharmacies ou dans les hôpitaux, et les malades doivent le prendre quotidiennement entre 4 à 12 comprimés par jour. Et les familles sont obligées de l'amener d'Espagne ». Il nous explique à ce propos que malheureusement « il y a énormément de jeunes qui sont touchés par la schizophrénie au Royaume et qui sont obligés de prendre ce médicament sinon, ils rechutent. Et cette rechute mène les jeunes à quitter leur foyer, peut-être même à créer des problèmes à leurs familles ». Face à cette situation, le président du « Réseau marocain pour la défense du droit à la santé, droit à la vie » a indiqué à Hespress Fr avoir signalé cela au ministère de la Santé, pour qu'il trouve une solution à cette pénurie et pour une bonne gestion du stock. « Malheureusement le ministère de la Santé est impuissant devant les firmes et les multinationales pharmaceutiques qui produisent ces médicaments et les vendent au Maroc et même les laboratoires qui les produisent ici. Et il se trouve qu'il est également incapable d'imposer à ces sociétés d'avoir un stock de sécurité », met-il en avant. Et d'ajouter que « le vrai problème au Maroc aujourd'hui, c'est que les sociétés qui sont dans l'industrie du médicament ne disposent pas d'un stock de sécurité. Et dans la loi et le cahier de charge, il est exigé que chaque société marocaine qui produit des médicaments doit avoir un stock de sécurité de 8% pour chaque médicament, selon une liste qui a été approuvée bien sûr par le ministère de la Santé ». Ce que dit la loi Dans une circulaire du ministère de la Santé datant de 2012, il est souligné qu'en vertu de la loi n°17-04 portant code du médicament et de la pharmacie, notamment son article 84, « les établissements pharmaceutiques industriels et grossistes répartiteurs sont tenus de détenir un stock de sécurité des médicaments qu'ils fabriquent, importent ou distribuent pour assurer l'approvisionnement continu et régulier du marché national, conformément à la législation et la réglementation régissant les stocks de sécurité, en l'occurrence la loi n°009-71 du 12 octobre 1971 relative aux de sécurité ». De même, la circulaire indique que « cette obligation qualifiée de service public est explicitée par les dispositions de l'arrêté du ministre de la Santé n°263-02 du 30 rabii I 1423 (12 juin 2002) relatif aux stocks de sécurité des médicaments aux termes desquelles les établissements pharmaceutiques industriels sont tenus de constituer un stock de sécurité qui doit, en quantité, être égal au 1⁄4 du total des ventes de leurs spécialités pharmaceutiques au cours de l'année précédente ». Pour les établissements pharmaceutiques grossistes répartiteurs, la circulaire exige que ces derniers « doivent détenir un stock de sécurité égal au 1/12 du total de leurs ventes au cours de l'année précédente, constitué d'au moins de 80% de l'ensemble des spécialités autorisées sur le marché marocain », soulignant que « ces stocks de sécurité ne peuvent être entamés qu'en cas de force majeure dûment justifiée et après autorisation du ministère de la Santé ». Mais le pire dans cette affaire, erlève Ali Lotfi, est que « même le département des médicaments au sein du ministère de la Santé ne dispose pas de ce stock de sécurité pour les maladies chroniques. Et il rencontre aujourd'hui des difficultés énormes pour trouver les médicaments et subvenir aux besoins des malades pour les garder en vie ». « Il y a également des patients qui ont du mal à trouver les corticoïdes, et dans quelques cas même les vaccins pour les enfants, et les médicaments pour les hypertensions. Pour le traitement de la thyroïde, la pénurie du médicament qui est le « Levothyrox » fait la une de tous les journaux, et le problème persiste toujours », poursuit-il à ce sujet. Ce que font les lobbys Ali Lotfi n'a pas manqué de rappeler que cette affaire de pénurie de médicaments a été soulevée au Parlement, cette semaine lors des questions orales à la deuxième chambre, indiquant que « les députés marocains ont insisté pour que le gouvernement et la tutelle interviennent auprès des sociétés de médicaments et prennent les mesures nécessaires pour sanctionner ces sociétés qui font en sorte, exprès, qu'il y ait cette pénurie». Cependant, est-ce que gouvernement a le pouvoir d'intervenir ou de sanctionner face ces grandes sociétés et ces multinationales ? Interrogé sur ce point, notre interlocuteur affirme qu'il s'agit bel est bien de « lobbys très puissants qui imposent leur dictâtes sur le politique ». Cela dit, Ali Lotfi fait savoir que la pénurie de médicaments « inquiète aujourd'hui les familles, les patients, mais aussi les médecins et les pharmaciens ». « Le médecin se trouve incapable de traiter ses patients puisqu'il n'y a pas de médicaments, et quand les patients se dirigent vers la pharmacie ils ne trouvent pas leur traitement, donc il y a urgence », met-il en garde. Pour conclure, le président du « Réseau marocain pour la défense du droit à la santé, droit à la vie » tire la sonnette d'alarme et appelle le « gouvernement à agir en urgence pour mieux gérer cette rupture inexpliquée et inacceptable de médicaments au Maroc ».