Pas à pas, tel un enfant, le Festival international de danse contemporaine fait le défi du langage des grands et arbore, par la grande porte, un monde où la danse contemporaine n'est pas à ses débuts. L'enfant-festival fait désormais la part belle aux danseurs du monde entier. Et de cette maîtrise de l'outil du corps, il parcourt son existence vers un nouvel environnement. Plus mature, pluriel, sans restriction ni difficultés d'échanges avec le reste du monde. Une date pour la danse Venus d'ici et d'ailleurs, les danseurs seront plus nombreux que jamais, soit à faire leurs premiers pas sur les planches de la ville ocre, soit à flirter dans les intérieurs marocains, sinon à marcher de pair avec le public ... Et avec le discernement de l'âge adulte, 2010 sera témoin de l'habileté du festival à s'affirmer dans la cour des grands. Et cela, malgré une absence notable d'accompagnement et de soutiens réconfortants. «Même avec de grandes difficultés financières et juste un soupçon de soutien institutionnel, nous continuons d'exister», regrette sans pour autant se sentir démotivé Taoufiq Izediou, danseur chorégraphe et directeur de «On marche». Et de protester: «Comment concevoir que tous les continents soient de la partie, alors que l'on peine au niveau national à retenir toute attention. N'est-il pas vrai que Marrakech est le berceau des festivités et des rencontres de tous bords?». Ce festival unique au Maroc, voué au corps, augure pourtant d'une des plus grandes manifestations de danse. Ouvert à tous et gratuitement du 23 au 30 janvier 2010 à Marrakech, il donnera le ton aux débutants, au monde arabe, à la formation, à la pédagogie, à la vidéo, aux rencontres chorégraphes et professionnels de la danse...l'ensemble y trouve sa place. Corps à corps avec la danse contemporaine Aussi nombreux soient-ils, nous retiendrons l'essentiel des rendez-vous que comprend la programmation du festival initié par la compagnie de danse Anania. D'ailleurs, on commencera à danser avant même le début officiel du festival. Les 10, 11 et 12 janvier, c'est Danse contre nourriture, qui aura la noble tâche de s'inviter aux domiciles des habitants de la ville ocre. «C'est une approche humaine, qui vise à enrichir un public, toutes générations confondues», interprète Taoufiq Izediou. Autre pièce de cet édifice: la Plateforme 1er pas. Comme à l'accoutumée, les rencontres chorégraphiques internationales lancent un appel d'offres à la création contemporaine. À l'issue d'une vingtaine de propositions de créations contemporaines reçues par le festival, huit noms ont été retenus. Des Marocains, des Français et un Malgache, ébranleront les planches de l'Institut français de Casablanca (15 et 16 janvier) et de Rabat (20 et 21 janvier). «L'appel à candidature des jeunes danseurs est une étape à laquelle le festival prête toute son attention. La constitution d'une troupe étant un moteur de création, c'est là la bonne façon de poursuivre la recherche artistique dans une structure et à plus grande échelle », argue le directeur du festival. Ne faisant pas les choses à moitié, une prestation-rencontre avec les professionnels des métiers de la danse est généreusement programmée les 28 et le 29 janvier. Un hiver contemporain Dominique Boivin ou l'homme-pelleteuse fera l'ouverture officielle du festival, samedi 23 janvier à 15h. C'est à travers une imagination par l'engin, d'une mise en images drôle, enfantine et libératrice de tout «procédé de faire», que ce «duo ovni» pivotera au cœur de la place du 16 novembre, avant de séduire les touristes et autres chalands de la place Jamaâ el-Fna le 25 janvier. Les particularités de l'édition 2010 sont plurielles et toutes clairvoyantes. Le festival occupe tant d'endroits, du théâtre Dar Attaqafa Daoudiate, à l'Institut français de Marrakech et à l'Ecole supérieure des arts visuels, en passant par la Place du 16 Novembre, la place Al Massira et la place Jamaâ el-Fna. Et de là, une programmation des plus éclectiques vient se conjuguer à ces multiples endroits. «La programmation comprend plusieurs compagnies de danse du monde arabe. La Tunisie, le Liban, l'Algérie, l'Egypte et la Syrie marcheront avec nous!», se félicite le jeune chorégraphe. Il ne manque d'ailleurs pas d'expliquer que «c'est de cette manière que l'on peut dire au public marocain que ces pays regorgent de créativité». Une manière de dire «que plus on est des fous et plus on danse!». De la danse à voir Sans studios, sans espaces de répétition, ni budget, les Marocains continuent à faire bouger les choses...pour bouger. La danse s'apprend surtout à la maison, là où la transmission de la culture est orale et familiale. Les écoles de danse sont rares. C'est de là que la compagnie Anania creuse, s'installe et forge une plaque tournante, moderne et contemporaine. Elle donne même à danser par l'image. Un diaporama de films rares de danseurs du monde arabe s'emparera exclusivement des planches et murs du théâtre Dar Taqafa Daoudiate et ceux du Goethe Institut. Et pour rendre hommage à la chorégraphe allemande Pina Bausch, morte en juin dernier à l'âge de 68 ans, films et photographies évoqueront un prodige, une révolutionnaire et une réalisatrice des plus engagées. Pendant 53 ans de carrière, la jeune femme a veillé à dénoncer les codes de la séduction, la solitude dans le couple et a travaillé sur la communication dans les rapports hommes-femmes. Tout cela, par la danse.