L'aventure écologique dans laquelle s'est engagé le Maroc depuis quelque temps n'en finit pas de générer des projets, les uns plus ambitieux que les autres. Le dernier - ou plutôt les derniers - portent sur la vision de faire des localités de Salé et de Benguérir des « villes vertes ». La définition de ce concept serait ici inutile, puisque les mots parlent d'eux-mêmes. Ces deux projets, qui ont été lancés presque simultanément (2009), ont tout pour se ressembler, mais portent sur deux villes aux caractéristiques bien différentes : la première jouxte la capitale administrative, Rabat, et connaît depuis deux ans une mutation en infrastructures et projets d'aménagements publics. Réputée ville-dortoir de par sa position à la périphérie du centre-ville de Rabat, Salé s'est résolu à changer cette image et à se positionner sur un nouveau créneau, celui d'une ville référence en matière d'écologie et de sauvegarde de l'environnement. La seconde localité, Benguerir, est située à 70 km au nord de Marrakech et se trouve au cœur du système d'exploitation du phosphate géré par l'OCP. Cette dernière caractéristique a été pour beaucoup dans la décision prise d'en faire une «ville verte», connaissant le caractère hautement polluant de ce minerai. Il y a lieu donc de voir d'un peu plus près ce que constituent ces deux projets, en termes d'apports aussi bien environnementaux qu'économiques. Salé, le privé met la main à la «pâte verte» Il y a à peine une semaine qu'un atelier international s'est tenu à Salé, avec la participation d'experts nationaux et étrangers. Les travaux avaient été consacrés à l'initiative de faire de Salé une «ville verte» à l'horizon 2020. De multiples projets ont été évoqués en attendant leur mise en œuvre effective, avec à la clé la participation d'acteurs publics et privés. Le secteur public est, bien sûr, représenté par la Commune urbaine et les autorités des différents arrondissements, et le privé par des entreprises s'activant dans le cadre de la protection de l'environnement, à l'image de Tecmed Maroc. Cette société vient d'ailleurs de s'engager dans un contrat pour la prise en charge des déchets ménagers et assimilés et la propreté des voies et lieux publics de l'arrondissement de Lamrissa. «Au-delà de la convention que l'on vient de signer avec la Commune, ce partenariat entre dans le cadre de la vision 2020 et c'est une façon pour nous d'y contribuer», déclare Abdallah Brakez, directeur d'exploitation de Tecmed Maroc. Cette contribution verra la création de 500 emplois et des investissements d'une valeur de 17 millions de dirhams pour la société. Salé «ville verte», c'est également des projets de transport propre avec le tramway, actuellement en chantier et qui sera bientôt mis sur les rails. Cela laisse supposer de nombreux nouveaux postes d'emplois et des projections de recettes pour la collectivité locale et, surtout, moins d'émissions de CO2. La ville bénéficie d'autres atouts naturels sur lesquels elle souhaite jouer. Il s'agit en effet du littoral fluvial et maritime, ainsi que de vastes espaces forestiers actuellement soumis à de très fortes agressions humaines de diverses natures. Citons, entre autres, la destruction progressive de terres agricoles et de la forêt de la Maâmora au profit de l'urbanisation croissante et anarchique. «La croissance et la paupérisation qui caractérisent une bonne partie de la population menacent beaucoup l'environnement», nous explique un ingénieur en BTP résidant dans la même ville. Le projet «Salé, ville verte» devra aussi prendre en charge la promotion des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique, deux éléments phares en matière de protection de l'environnement. Ainsi, Salé et la ville bélarusse de Polotsk font partie d'un vaste projet de coopération internationale, visant le développement de ce type d'énergie. Intitulé «Sure», ce projet est en partie financé par l'Union européenne (UE), en partenariat avec les villes allemande et espagnole de Friedrichshafen et de Murcia. Il entre dans le cadre du programme «Pays voisins et partenaires de l'Europe», développé par l'UE. À cela s'ajoute le programme «Maison d'énergie» initié avec le Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD) au profit des jeunes promoteurs immobiliers de la ville. Salé s'est ainsi fixé l'objectif de ne plus avoir recours aux énergies fossiles d'ici 2050. Par «ville verte», on comprend facilement la place que doit y occuper la verdure. Ce point a également été pris en charge à travers le lancement d'études qui appellent à la multiplication des espaces verts «pour alléger la pression sur la forêt», ainsi qu'à l'intégration d'un «plan vert» dans l'aménagement urbain. Benguerir emboîte le pas à l'OCP Nous sommes à Benguérir, à 70 km au nord de Marrakech. Une autre ville qui veut aussi se mettre au «vert» pour 2020. Parmi les financeurs de ce projet, en plus de l'Etat marocain, figure principalement l'Office chérifien des phosphates, l'une des industries minières les plus polluantes. Plus précisément, le projet consiste à construire une «ville verte» s'intégrant au tissu urbain actuel de Benguérir. Le projet s'étend sur une superficie de 650 hectares et prendra en compte toutes les infrastructures de base telles qu'une cité sportive, un complexe hospitalier, des équipements publics et des ensembles résidentiels destinés à accueillir près de 90.000 habitants. Le coût global pour faire sortir de terre ce havre de paix – pour les habitants et pour la nature environnante - s'élève à pas moins de 2 milliards de dirhams. Ici, pas de tramway en vue, mais plutôt des bus électriques avec zéro émission de CO2. Pour la gestion des ressources hydriques, le projet prévoit des systèmes d'alimentation de dernière génération, assurant une utilisation optimale de l'eau. La valorisation des déchets et le développement d'énergies renouvelables sont également prévus... ainsi que d'autres éléments à prendre en compte dans le développement d'un nouvel espace de vie «durable». L'OCP, qui assure l'extraction et le traitement chimique du phosphate brut, exploite quatre sites répartis sur le territoire national, dont celui de Benguerir, situé à 17 km de la ville. L'Office est également en phase de mettre en œuvre un important projet de pipeline pour le transport du phosphate, avec une portée environnementale très importante en vue. La certification LEED-ND, c'est quoi ? Le cahier des charges du projet de ville verte de Benguérir contient des projets certifiés LEED for Neighbourhood Development (LEED-ND). Ce label est un système d'évaluation qui prend en charge des critères relatifs aux principes de «croissance intelligente», d'urbanisme et de bâtiment écologique pour la conception des milieux de vie collective. La certification LEED est attribuée par une instance indépendante. LEED for Neighbourhood Development est une collaboration entre l'US green building center (USGBC), le Congress for the new urbanism (CNU), et le Natural resources defense council (NRDC). Toutes ces structures nord-américaines œuvrent dans le but de promouvoir des cadres de vie collective respectueux de l'environnement. Ils participent à plusieurs projets écologiques à travers différentes villes du monde. Un label «vert» pour les villes Stockholm, la «Venise du Nord», deviendra, en 2010, la première «capitale verte de l'Europe». Hambourg lui succèdera en 2011. Le label «capitale verte de l'Europe» est un prix important qui récompense les initiatives environnementales. Son objectif est de faire prendre conscience à l'ensemble des pays européens de ce que font les autres villes en la matière. Les projets qui ont valu cette distinction à Stockholm sont, entre autres, liés à l'amélioration de la qualité des eaux et l'introduction de péages urbains pour réduire les embouteillages. Cet exemple de label est très important dans la mesure où, appliqué au Maroc par exemple, cela encouragerait les différentes villes du royaume à se développer en pensant «vert». L'espace urbain ne se réduit pas à des bâtiments, des infrastructures et des habitants, mais il s'intègre aussi dans son environnement naturel. La ville de Stockholm en est un parfait exemple. Elle a en effet su intégrer les aspects environnementaux à chaque étape de ses projets. Dans cette même ville se trouve le quartier durable de Hammarby Sjöstad, une ancienne zone portuaire et industrielle devenue aujourd'hui une référence en matière d'écologie. Depuis 2004, ce quartier, jadis à forte densité, a subi plusieurs adaptations au fil du temps. Les travaux de transformation sont toujours en cours et devraient s'achever en 2016, 4 ans plus tôt que ceux prévus à Salé et Benguérir. «La propreté des plages sera dorénavant prise en compte»:Noureddine Lazrak, président de la Commune urbaine de Salé Les Echos : Qu'apportera la convention signée avec Tecmed? Noureddine Lazrak : Nous avons signé ce contrat afin de lui déléguer la gestion intégrale des déchets urbains, concernant l'arrondissement de Lamrissa, allant de la collecte à la prise en charge. Cela a un coût certes, mais si nous sommes prêts à débourser 14 millions de dirhams (ndlr : montant de la convention) pour un secteur aussi sensible que les déchets, c'est justement parce que nous en avons senti le besoin. Et, bien sûr, tout cela entre dans le cadre des travaux entamés au courant de 2009 visant à ériger Salé en «ville verte», d'ici 2020. Avez-vous procédé à des ajustements aux contrats précédents? Oui, ils concernent surtout la prise en charge du littoral, qui est un des actes importants de la convention conclue avec Tecmed. Cet aspect n'était pas pris en compte dans la convention précédente signée avec la société SOS. Cela posait un grave problème environnemental au niveau de nos plages et surtout aux abords du fleuve Bouregreg. Mais dorénavant, avec ce nouveau contrat la propreté des plages sera prise en compte. Avez-vous d'autres projets dans le pipe? Ce n'est qu'un début en effet, d'autres projets viendront plus tard compléter notre stratégie, sans oublier bien sûr celui du tramway qui est actuellement en cours. Mais pour réussir tout cela, nous aurons besoin de sensibiliser la population locale aux nouveaux défis écologiques, notamment l'importance de rationaliser la consommation de l'énergie électrique, puisqu'elle représente un élément essentiel pour la préservation de l'environnement. Il faudra aussi les sensibiliser à l'utilisation des énergies renouvelables et propres et mettre l'accent sur la nécessité de préserver l'eau et de rationaliser sa consommation.