La Fédération nationale pour l'investissement agricole et touristique a tenu une rencontre à Fès pour discuter de l'évolution du cadre légal des terres collectives au Maroc. Les investisseurs privés ont exprimé leur incertitude quant à l'avenir de leurs projets dans ces zones. La Fédération nationale pour l'investissement agricole et touristique a récemment organisé une rencontre à Fès pour examiner les évolutions concernant les terres collectives (Soulaliyates) au Maroc, mettant en lumière le contraste entre la réalité sur le terrain et les dispositions juridiques en vigueur. Cette réunion a été l'occasion pour les participants de discuter des nouvelles avancées législatives relatives aux terres collectives et de leur impact sur les investisseurs privés qui ont contribué significativement au développement du monde rural et à la création d'emplois. Lors de cet événement, Fouad Bennouna, président de la fédération, a soulevé des questions essentielles concernant le sort des investisseurs privés dans les terres collectives. Ces investisseurs, selon lui, se retrouvent actuellement dans une situation d'incertitude quant à l'avenir de leurs projets dans ces zones. Il a notamment mis en avant l'article 20 de la nouvelle loi sur les terres collectives, qui a émis un signal positif en évoquant la possibilité d'accorder la propriété de ces terres aux investisseurs privés, sans toutefois préciser les modalités. Selon Bennouna, la mobilisation de ces terres collectives pourrait contribuer de manière significative à la valorisation de la production agricole nationale et au renforcement de la sécurité alimentaire. Ceci revêt une importance particulière, notamment dans des localités comme El Hajeb, Meknès, Mhaya, Taoujtate et Guigou, qui sont réputées pour leur importante production de pommes de terre et d'oignons. «La fédération vise à améliorer le cadre légal pour garantir la sécurité des investissements privés dans les terres collectives, permettant ainsi de libérer le potentiel agricole de ces terres au profit de l'économie nationale et de la sécurité alimentaire», précise son président. Comment concilier investissements privés et protection des ayants droit ? L'exploitation des terres collectives par des investisseurs privés revêt des enjeux importants au niveau légal et socioéconomique. En effet, une grande partie des terres collectives, principalement situées en milieu rural, ont été acquises au fil des ans par des acteurs privés via des procédures opaques. Bien que ces transactions aient été officialisées par des actes légalisés auprès des autorités locales, le flou juridique entourant le statut de ces terres ouvre la porte à des dérives. Concrètement, la cession des droits d'usage de ces terres aux investisseurs se fait le plus souvent par le biais d'actes de renonciation signés par les ayants droit. En échange de compensations financières non déclarées, ces derniers acceptent de transférer leurs droits sur les terres à des tiers. Or, la réglementation interdit formellement la vente des terres collectives. Ce vide juridique crée ainsi un terreau propice à des pratiques illicites comme le blanchiment d'argent ou la spéculation foncière. Paradoxalement, les investisseurs privés ont injecté des millions de dirhams dans des projets touristiques, agricoles et industriels sur ces terres collectives. Ils contribuent ainsi au développement économique de régions rurales. Face à ces enjeux, plusieurs spécialistes soulignent la nécessité de clarifier le cadre légal afin d'encadrer l'exploitation des terres collectives par des intérêts privés. La «Melkisation» des terres collectives par les femmes La loi 62-17 adoptée en 2019 constitue une avancée majeure pour les droits des femmes dans les terres collectives. Nohad Safi, actrice de la société civile, a mis en lumière son impact significatif en mettant fin à des décennies de pratiques coutumières excluant les femmes de la propriété de ces terres. En effet, l'article 6 de cette loi accorde désormais aux femmes le droit de s'approprier et de gérer ces terres collectivement possédées. Concrètement, elles peuvent devenir propriétaires, créer et gérer des coopératives agricoles, et s'investir pleinement dans le développement local de leur région. Cette réforme ouvre la voie à la «Melkisation» (appropriation par les exploitants) des terres collectives par les femmes, leur donnant les mêmes droits que les hommes dans ce domaine. Il s'agit d'une avancée majeure vers l'égalité du genre et l'autonomisation des femmes rurales, après des décennies d'invisibilisation de leurs droits fonciers dans les tribus. Mehdi Idrissi / Les Inspirations ECO