La mobilisation des ayants droit a fini par donner ses fruits puisque la première opération de «melkisation», à titre gracieux, a été lancée. L'enveloppe prévue s'élève à 33 millions de dollars. Alors que les directives du souverain insistaient de plus sur la melkisation des terres collectives, à titre gracieux, au profit des ayants droit des terres collectives situées à l'intérieur des périmètres d'irrigation, l'Exécutif a enfin pris le taureau par les cornes en lançant une opération pilote de près de près de 67.000 Ha de terres collectives situées dans les périmètres d'irrigation du Gharb et du Haouz. Cette opération pilote de melkisation est appuyée par Millenium Challenge Corporation dans le cadre de l'activité «Foncier rural», relevant du programme de coopération «Compact II». Dotée d'un budget de 33 millions de dollars, cette initiative a pour principal objectif «l'amélioration du niveau de vie de la population cible à travers l'accroissement des investissements agricoles, la dynamisation du marché foncier, l'accompagnement socio-économique des bénéficiaires et la création d'emplois», explique le ministre de l'Agriculture, Aziz Akhannouch. Il s'agira principalement en la transformation de la propriété dans l'indivision des terres collectives situées dans les périmètres d'irrigation en propriétés individuelles au profit des ayants droit. L'opération de melkisation sera mise en oeuvre selon une nouvelle procédure optimisée en termes de délais et de coûts, élaborée par les différentes parties prenantes concernées et formalisée par une circulaire conjointe des ministres de l'Intérieur et de l'Agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts datant de juillet 2018. Il faut dire que le chantier juridique est titanesque. Les terres collectives au Maroc sont en effet soumises à un régime juridique codifié par le dahir de 1919 qui régit le «droit de propriété des tribus, fractions, douars ou autres groupements ethniques sur les terres de culture ou de parcours dont ils ont la jouissance à titre collectif». Placées sous la tutelle du ministère de l'Intérieur, elles sont gérées par une assemblée de délégués (appelés les nouâb) représentant la collectivité (ou jmâa) qui a le droit d'utiliser les terres en question. S'étendant sur une superficie estimée à 15 millions Ha, cette catégorie foncière est particulièrement touchée, aujourd'hui, par l'intensification de l'accaparement des terres agricoles et pastorales au profit de projets économiques de grande envergure. Si elles ont fait leur entrée dans le débat public, c'est principalement en raison de la multiplication de mobilisations protestataires de populations locales s'opposant aux modalités de cette privatisation. Parmi ces mobilisations, celles portées par des femmes sont aujourd'hui les plus visibles. Appelées Soulaliyate (en référence à la soulala, qui est le lien qui unit les membres d'une collectivité ethnique), ces dernières protestent dans différentes régions du pays contre leur exclusion des listes d'ayants droit établies à chaque fois que des compensations sont remises aux membres de leur collectivité en échange des terres collectives cédées. Plus généralement, elles protestent contre les usages coutumiers qui les excluent – en tant que femmes – du droit de jouissance sur ces terres. Une situation qui risque de basculer avec la mise en place de l'opération pilote. Ainsi, près de 51.000 Ha des terres collectives situées dans les provinces de Kénitra, Sidi Slimane et Sidi Kacem et 25.000 ayants droit sont concernés par cette opération au niveau du périmètre d'irrigation du Gharb. Cette opération couvrira également près de 16.000 Ha de terres collectives situées dans la province de Kelâa des Sraghna et bénéficiera à 5.800 ayants droit au niveau du périmètre d'irrigation du Haouz. Pour maximiser les retombées économiques et sociales de cette opération de melkisation, des mesures d'accompagnement sont également prévues pour assurer une meilleure valorisation agricole des terres melkisées et garantir un développement inclusif de la population cible en favorisant sa qualification et son autonomisation. Ces mesures portent notamment sur la facilitation de l'accès aux crédits bancaires, le renforcement des capacités techniques et professionnelles des agriculteurs et le développement d'activités génératrices de revenus et d'emplois en faveur des femmes et des jeunes. Ces mesures d'accompagnement sont en cours de développement avec l'Initiative nationale pour le développement humain (INDH), le Groupe Crédit Agricole du Maroc, l'Office national du conseil agricole (ONCA) et l'Agence nationale de lutte contre l'analphabétisme (ANLCA). Ont également pris part à cette cérémonie les directeurs généraux et les représentants des différentes parties prenantes à la mise en oeuvre de l'activité «Foncier rural».