L'augmentation «inexpliquée» de la valeur référence des tissus et bonneterie importés a suscité l'ire des importateurs qui pointent du doigt le lobby des grands industriels. Cette hausse de 25% provoquerait une pénurie sur le marché local puisque bon nombre d'entre eux ont suspendu les importations, sans parler de l'impact sur le produit fini. Le secteur de textile et de bonneterie est menacé d'une pénurie. Et pour cause, une augmentation faramineuse de la valeur du tissu et de la bonneterie importés par des fournisseurs. En effet, il y a un peu plus d'un mois, les importateurs d'étoffes de bonneterie ont été surpris par une hausse de la valeur au niveau de la direction des douanes qui a appliqué, sans préavis, 25% à la valeur des produits en question. Ainsi, la valeur de la bonneterie est passée de 40 dirhams par kilo à 50 DH. Ce qui a exaspéré les importateurs qui n'ont même pas été prévenus de cette augmentation alors que ces fournisseurs sont tenus par des contrats et se mettent d'accord sur le prix au préalable. Cette nouvelle donne a fait grimper le prix du conteneur de 70 000 DH supplémentaires compromettant l'accord ex ante avec les clients qui sont principalement des industriels de taille moyenne. Une hausse sans préavis Pour s'enquérir des raisons de cette augmentation, la direction de la douane s'est contentée d'expliquer aux importateurs que la valeur de référence est fixée suivant le règlement intérieur de l'administration laissant ainsi ces derniers dubitatifs sur la base de calcul prise en compte. Or, le prix est déterminé en fonction de la devise, des frais de transport et du prix de vente sur le marché international. Ce manque de communication n'a fait que renforcer l'exaspération des opérateurs du secteur qui subissent d'ores et déjà des contraintes et des lobbyings. «Nous ne sommes pas contre une augmentation de la valeur, mais la moindre des choses est qu'on soit avisés des changements afin de prendre nos dispositions vis-à-vis de nos clients avec lesquels on s'est mis d'accord sur un prix de vente donné. Pire, aucune raison valable ne justifie cette augmentation. Certes, il y a l'inflation, mais actuellement le dollar s'est déprécié par rapport à une certaine période. Même le fret maritime a connu un retour à la normal», s'indigne Younès El Mofti, président de l'Association marocaine des importateurs de tissu et de bonneterie. A noter que le prix du fret maritime continue d'enregistrer des baisses pour s'établir entre 2.000 et 3.000 dollars le conteneur de 20 pieds. Toutefois, les importateurs se plaignent de la non-répercussion de cette baisse sur la valeur référence. Au lieu de cela, c'est plutôt une revalorisation qui s'est opérée. Baisse de régime Pour rappel, le secteur du textile habillement a connu une augmentation de l'ordre de 10% depuis le déclenchement du mouvement inflationniste, résultante de l'envolée des prix des matières premières. Aujourd'hui, avec cette mesure «inexpliquée», selon les opérateurs du secteur, les prix vont derechef repartir à la hausse. Pire, une pénurie pourrait toucher le marché national. «La disponibilité sera éventuellement de l'ordre de 30 à 40%, car les importateurs craignent une nouvelle révision à la hausse. Chose qui va impacter toute la chaîne de valeur et l'écosystème du secteur qui emploie, à lui seul, entre 500.000 et 600.000 personnes. Certes, bon nombre d'usines opèrent dans l'informel, mais l'impact risque d'être désastreux sur le plan social», prévient le secrétaire général de l'Association des importateurs de tissu. Le doute et l'inquiétude commencent à s'installer surtout que le climat des affaires demeure volatil. À cet égard, des importateurs ont réduit drastiquement leurs importations tandis qu'actuellement le marché international du tissu propose des prix promotionnels. Pour tenter de trouver une solution, l'association a soumis le problème à un parti de l'opposition. Il est ainsi prévu de soumettre une question orale et écrite lors d'une séance parlementaire. Mais, elle ne compte pas s'arrêter là. Les opérateurs sollicitent une rencontre avec le ministère de l'Industrie et du commerce, lequel a répondu favorablement à une rencontre. Néanmoins, les importateurs souhaitent ouvrir le dialogue avec le ministère délégué chargé du Budget pour débattre des difficultés dont pâtit le secteur et émettre des propositions. En effet, il s'avère que les importateurs sont assujettis à de nombreuses contraintes. «Sous prétexte que nous n'apportons pas de valeur ajoutée au secteur, nous sommes l'objet d'un lobbying exercé par les grands industriels qui nous barrent la route. Or, nos principaux clients restent des usines à l'image des industriels de l'Amith, qui bénéficient d'un abattement de 25% sur les droits de douane parce qu'ils importent des produits semi-finis. Ce qui est notre cas également. Par ailleurs, il ne faut pas se leurrer, l'industrie locale n'est pas en mesure de subvenir aux besoins de toute la population. Ceci dit, nous combattons les produits turcs qui concurrencent fortement le produit local», dévoile un importateur. L'autre contrainte soulevée concerne le grammage des tissus importés qui ne doit pas excéder 260 grammes, sous peine de payer 40% de droits de douane supplémentaires. Une injustice, selon les importateurs de bonneterie qui estiment que les industriels de textile veulent garder le monopole sur le marché. Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO