Malgré une croissance au ralenti, les rentrées d'impôt marquent une spectaculaire progression de 22% au premier semestre. Cette décorrélation des recettes fiscales de l'évolution du PIB n'est pas une exception. Elle s'est installée depuis plus de dix ans, balayant les conclusions des simulations économétriques. Personne n'a l'explication de ce «miracle» marocain. Depuis dix ans, malgré d'énormes contraintes et le ralentissement de la croissance, les recettes fiscales gardent le tempo. Excepté le petit trou d'air de 2013 (baisse de 2 milliards de dirhams) et le creux de 2020, dû à la pandémie du Covid-19, les rentrées d'impôt continuent d'augmenter, balayant le lien avéré entre l'assiette de l'impôt et l'évolution du PIB. C'est d'ailleurs sur cette élasticité que les gouvernements se basent pour bâtir leur projet de budget. La déconnexion des recettes fiscales de la croissance est un miracle permanent au Maroc. Les mauvaises langues disent que c'est cette «baraka» qui pousse les gouvernements à faire moins d'effort d'optimisation des dépenses publiques. Il reste que la très faible élasticité du rendement de l'impôt, par rapport au PIB, surprend même au ministère des Finances, et donne du tournis aux équipes de la DGI pour établir leurs prévisions, censées être fin prêtes dès ce mois d'août car le projet de loi de Finances doit être remis dans les délais au Parlement. L'exercice est pour le moins complexe car, en la matière, la «pifométrie» peut s'avérer suicidaire. L'année en cours confirme ce «miracle» marocain que certains économistes expliquent, en partie, par la forte polarisation de la charge de l'impôt sur une population réduite de contribuables et le poids de l'évasion fiscale que rattrape en partie les contrôles. Le cercle des habituels grands comptes du Trésor s'élargissant de moins en moins, ceux qui assurent les fins de mois de l'Etat ne semblent pas trop pâtir du ralentissement de la croissance. Alors que le PIB ne devrait progresser que d'un petit 1,3%, la performance des recettes fiscales à la moitié de l'exercice est plus que surprenante. Les recettes de l'impôt sur les sociétés nettes (de restitutions) se sont établies à 35 milliards de DH à fin juin, en hausse de 57,3% ! Globalement, sur la même période (source : TGR), les rentrées d'impôt ont explosé de 22% ! Très peu d'économies peuvent se prévaloir d'une telle performance dans un contexte de croissance molle. Le moteur de l'import fonctionne à plein régime, porté par une flambée sans précédent de prix pétroliers qui élargit, de fait, l'assiette des droits de douane, en hausse de 22,3%, et de la TVA à l'importation (+32,3%). Au niveau domestique, et ce n'est pas le moins surprenant, les recettes d'impôt augmentent de 21,6% ! L'IR sur les salaires maintient son rendement avec une hausse de 5,3%. Les recettes nettes de l'impôt sur le revenu, à fin juin 2022, ont enregistré une hausse de 5,1% par rapport à la même période de 2021, à 25,5 milliards de dirhams malgré le décrochage de l'IR sur les profits immobiliers en baisse de 4,6%. Le Trésor reste sur un millésime budgétaire 2021 de bonne facture marqué par une hausse des recettes de toutes les catégories d'impôts, à l'exception de l'IS. Par ailleurs, les rentrées d'argent provenant de financements, dits innovants (11,9 milliards de dirhams), ont permis de contenir le coût de la dette et la flambée de dépenses de compensation. Abashi Shamamba / Les Inspirations ECO