Professeur de néphrologie, président de la Société marocaine de néphrologie Les contaminations dépassent les 2.000 cas quotidiens. En réaction, le gouvernement a annoncé, le lundi 19 juillet au soir, le durcissement des restrictions. Par ailleurs, un nouveau communiqué du ministère de la Santé élargit la population bénéficiaire du vaccin à la tranche d'âge des 30-34 ans. Dr. Tarik Sqalli Houssaini aborde ces sujets, avec un focus sur les patients souffrant de maladies chroniques. Est-ce que le Maroc connaît une accélération des contaminations ? Le nombre de nouveaux cas bruts ne reflète pas forcément le nombre réel de contaminations, lequel risque d'évoluer à la hausse ou à la baisse, selon la capacité de dépistage du virus. Il est impossible d'identifier tous les cas circulants. Mais le taux de positivité est susceptible de donner une idée sur la fréquence du portage du virus dans la population, à condition d'effectuer suffisamment de prélèvements. Et c'est ce que le Maroc est en train de réaliser actuellement. Sur une semaine, plus de 170.000 personnes ont été testées. Nous pouvons donc conclure que le pays connaît effectivement une accélération des contaminations. D'ailleurs, le taux de reproduction du SARS-CoV-2 le confirme, en s'établissant à 145% à la date du 18/07/2021 contre 132%, une semaine auparavant. Le nombre de prélèvements étant en hausse, il est logique de voir le taux de positivité grimper…. Effectivement, le nombre de prélèvements étant en hausse, le nombre de cas positifs relevés ne peut qu'augmenter, surtout lorsqu'on sait que le variant delta, caractérisé par sa très forte contagiosité, est maintenant bel et bien présent dans notre pays. La progression du taux de positivité, relativement indépendant du nombre de tests réalisés, puisqu'il s'agit d'un pourcentage, nous donne une idée sur la dissémination du virus. Il continue de croître dans toutes les régions du Maroc. Personne ne peut prédire la date du pic à venir ni le nombre de cas que nous risquons d'atteindre. Tout dépend des mesures prises et leur respect effectif. Les dernières décisions gouvernementales, annoncées le lundi soir, s'inscrivent dans cette logique. Certains continuent de faire preuve de relâchement, prétextant qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Qu'en pensez-vous ? Au contraire, il faut redoubler de vigilance. Si l'augmentation du nombre de cas était prévisible après l'assouplissement des restrictions, il n'en demeure pas moins que la prudence reste de mise. Le nombre de patients en réanimation a dépassé les 500, dont les deux-tiers sont sous ventilation artificielle, invasive ou non. De plus, le nombre quotidien de décès est amené à s'inscrire dans la même tendance haussière, avec un décalage de deux à trois semaines par rapport à l'augmentation du nombre de cas signalés. Le ministère de la Santé vient élargir le cercle des bénéficiaires du vaccin à la tranche d'âge des 30-34 ans. Pourquoi c'est une bonne nouvelle ? Cette tranche d'âge des 30-34 ans est une catégorie réputée active et très mobile. Ce sont 2,8 millions de Marocains supplémentaires qui deviennent ainsi éligibles à la vaccination. Cette décision arrive à un moment où le Maroc annonce la réception de deux millions de doses de vaccin, et reflète la volonté d'accélérer le rythme de vaccination, afin de réduire le temps nécessaire pour atteindre l'immunité de groupe. Notons, au passage, que le précédent communiqué ouvrant la vaccination aux personnes âgées de 35 à 40 ans remonte à neuf jours seulement. Cette période a connu la vaccination de 32% de la nouvelle tranche de population cible, à un rythme moyen d'environ 100.000 premières doses par jour, dimanche inclus, alors que nous avions eu besoin de 47 jours pour couvrir la tranche d'âge précédente, des 40-45 ans. L'effort vaccinal est considérable, et les espoirs de freiner la pandémie reposent sur la couverture vaccinale. Nos jeunes, et moins jeunes non encore vaccinés, ont un devoir citoyen de répondre massivement à l'appel à la vaccination. De nombreux Marocains souffrent de maladies chroniques, notamment de diabète, de pathologies respiratoires ou d'insuffisance rénale. Quelles sont les maladies chroniques éligibles au vaccin contre la Covid-19 ? Merci pour la question qui me permet d'insister sur ce point très important. Les personnes âgées, et celles suivies pour maladies chroniques, sont plus à risque de développer une forme grave de la Covid-19, avec davantage de séjours en unités de soins intensifs ou en réanimation et une mortalité plus élevée. Elles sont donc, non seulement éligibles au vaccin contre la Covid-19, mais doivent être prioritaires pour le recevoir. La priorisation de ces patients, quel que soit leur âge, relève d'ailleurs de la stratégie adoptée au Maroc, et partout dans le monde, puisque le rapport bénéfice/risque est largement en faveur de la vaccination. Depuis la survenue de la Covid-19, il est devenu plus difficile, sous d'autres cieux, de poursuivre le traitement ou la prise en charge de patients souffrant de maladies chroniques, du fait de la peur, que manifestent certains, de développer une forme sévère de Covid-19. Que pouvez-vous dire sur le sujet, en tant que président de la Société marocaine de néphrologie ? C'est une réalité vécue sur le terrain au Maroc aussi, particulièrement au début de la pandémie. La réquisition de nombreux services d'hospitalisation pour l'activité Covid-19, durant plusieurs semaines en 2020, avait eu aussi un certain impact sur les délais et la qualité de la prise en charge des autres patients. Heureusement, nous avons appris, depuis, à mieux nous organiser. Pour l'activité d'hémodialyse chronique, il n'y a jamais eu d'interruption de la prise en charge des patients. Des circuits de soins et des protocoles ont été établis pour assurer la continuité du traitement des patients dialysés, à la fois en conditions normales et en cas d'infection Covid-19 surajoutée. Par ailleurs, l'activité de transplantation rénale, qui avait été suspendue à cause de la pandémie, reprend progressivement. Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO