Convoqué par les députés de la commission des secteurs productifs, Moulay Hafid Elalamy a tenu un discours rassurant sur la mise en œuvre du plan d'accélération industrielle, chiffres à l'appui. L'heure est à la mobilisation pour relever les défis, dont la décarbonation de l'industrie et l'augmentation du taux d'intégration. Les perspectives de développement sont prometteuses pour l'industrie marocaine. Le ministre de l'Industrie, du commerce et de l'économie verte et numérique, Moulay Hafid Elalamy, en est convaincu. Lors de la réunion de la Commission des secteurs productifs à la Chambre des représentants, mercredi dernier, il a exprimé son optimisme quant à l'avenir de ce secteur qui a connu une évolution notable au cours des dernières années grâce au plan d'accélération industrielle, en dépit de certaines contraintes qui demeurent encore posées. Pour étayer son propos, le ministre a brandi plusieurs chiffres rassurants. Par exemple, de 2014 à décembre 2020, quelque 565.483 postes d'emploi ont été créés dans l'industrie. Un exploit, selon le chef du département de tutelle, qui pointe du doigt les « débats futiles » autour des chiffres pendant cinq ans. « Des institutions marocaines publient des chiffres erronés qui sont pris en compte par des institutions internationales », a-t-il déploré. Rappelons à cet égard que la méthodologie du ministère de l'Industrie est différente de celle du Haut-commissariat au plan (HCP), ce qui donne lieu à des résultats éloignés les uns des autres. Les statistiques du ministère sont élaborées sur la base du fichier de la Caisse nationale de sécurité sociale comprenant la liste des entreprises industrielles formelles, déclinée par secteurs, par écosystèmes, par villes et par régions. Et cette bataille des chiffres n'est pas encore totalement tranchée. Le sujet a, d'ailleurs, été évoqué, à plusieurs reprises, notamment au parlement, car depuis de longues années, le torchon brûle entre le gouvernement et le HCP à propos de la méthodologie de calcul des postes d'emploi. Quoi qu'il en soit, Moulay Hafid Elalamy continue de défendre bec et ongles sa méthodologie et d'afficher la mine des grands jours, quand il s'agit de la santé de l'industrie nationale. Les indicateurs sont, en effet, au vert. À titre d'exemple, le secteur de l'automobile a enregistré de grandes performances, avec plus de 80 milliards d'exportations en 2019. Quant à la valeur ajoutée du secteur, elle est passée de 28 à 60%. Le royaume est devenu très compétitif en termes de coûts de production. Il figure en effet dans le Top trois mondial, après l'Inde et la Chine, défend fièrement le ministre. Pour autant, le Maroc ne compte pas s'arrêter en si bon chemin, car l'espoir est de faire mieux au cours des prochaines années. Ceci, d'autant plus que la crise de la Covid-19 a démontré la capacité du royaume à se surpasser, à condition d'y croire, comme le précise le responsable gouvernemental. Parmi les objectifs affichés : atteindre un taux d'intégration de 80 % dans le secteur automobile et un volume d'exportations dépassant les 240 milliards de dirhams. Pour atteindre les desseins escomptés, l'approche partenariale a changé au fil du temps, grâce aux atouts du Maroc, qui ne se contente plus d'attirer les investisseurs de renommée internationale, mais qui parvient aujourd'hui à imposer ses conditions dans le cadre d'un partenariat gagnant-gagnant, comme le laisse entendre Elalamy. L'enjeu actuel est ainsi de capitaliser sur les acquis et de se fixer des objectifs encors plus ambitieux d'autant plus que le manque à gagner est très grand, comme l'atteste la mise en œuvre du chantier de la substitution des importations par des industries marocaines. En six mois, on a pu atteindre quelque 35,5 milliards de dirhams en matière de substitution au lieu des 34 milliards qui étaient visés initialement. Une prouesse rendue possible grâce à la batterie de mesures mises en place, dont une banque de projets, des business-plans, des subventions pour les nouveaux investisseurs, une mise en contact avec des co-investisseurs potentiels... Sont concernés le textile, les transports, les industries mécaniques et métallurgiques, la plasturgie, l'électrique/l'électronique, l'agroalimentaire, la parachimie, le cuir et les autres filières. Jusque-là, huit régions ont adhéré à la politique de substitution dans l'attente que les quatre autres rejoignent cette initiative qui permettra une démultiplication certaine de la création d'emplois et de la valeur. La substitution est considérée, par certains députés, comme un moyen d'atteindre enfin l'équité territoriale en matière d'industrie. C'est dire que la balle est dans le camp des opérateurs privés que Moulay Hafid Elalamy n'a pas hésité à tancer, en raison du peu d'engouement dont ils font preuve dans la prise de risque. Un autre défi de taille doit également être relevé, en l'occurrence la décarbonation de l'industrie. Loin d'être un choix, il s'agit d'une nécessité dictée par les orientations européennes. À partir de 2023, l'Europe appliquera la taxe carbone à ses frontières en vue de limiter les importations de CO2 et les délocalisations environnementales. Pour le Maroc, c'est le moment ou jamais de mobiliser une partie des énergies renouvelables produites localement au service de l'industrie, car 65% des exportations marocaines sont destinées au continent européen. L'accélération de la cadence s'impose, ainsi, pour approvisionner les zones industrielles en énergies renouvelables. S'agissant des accords de libre-échange, la politique marocaine est devenue plus agressive. Elle se base maintenant sur le principe de réciprocité, d'après le ministre de tutelle. Dans ce registre, l'exemple du tumultueux épisode avec la Turquie est suffisant pour attester. Le bras de fer avec ce pays a, en effet, visiblement donné des résultats probants, puisque quelques marques de vêtements ont commencé à produire au Maroc. Le royaume entend d'ailleurs poursuivre sa stratégie de contrôle et de réglementation aux frontières pour lutter contre la concurrence déloyale et sauvegarder la sécurité des Marocains. Jihane Gattioui / Les Inspirations Eco