Les pharmaciens rejoignent l'Association marocaine des psychiatres d'exercice privé dans son combat contre le projet de loi élaboré par le ministère de la Santé relatif aux modalités de prescription et de dispensation des médicaments à base de substances psychotropes. L'Association marocaine des psychiatres d'exercice privé (AMPEP) n'est plus seule dans son combat contre le projet de loi élaboré par le ministère de la Santé, relatif aux modalités de prescription et de dispensation des médicaments à base de substances psychotropes à usage humain. Aujourd'hui, les médecins spécialisés en santé mentale peuvent compter sur le soutien du Conseil régional des pharmaciens d'officine du Sud (CRPOS). «Je partage entièrement l'avis des psychiatres», déclare Saadia Motaouakkil, présidente du CRPOS, pour qui les malades doivent pouvoir s'approvisionner correctement en médicaments dans les pharmacies sans être stigmatisés «ni par rapport à leur maladie ni par rapport à leur traitement». Or, le projet de loi élaboré par le ministère de la Santé, qui aurait été développé suite à une demande de l'Ordre national des pharmaciens, viserait à stigmatiser davantage les malades psychiatriques qui «constituent par principe une population fragile et vulnérable», alerte l'Association marocaine des psychiatres d'exercice privé. «Non seulement, elle frôlerait le Code de déontologie médicale, mais porterait aussi atteinte à leur dignité et à leurs droits les plus élémentaires. Nous serons un des rares pays, sinon le seul dans le monde, à avoir des lois discriminatoires envers les malades psychiatriques», explique l'AMPEP dans un communiqué soulignant que le concept de «psychotrope» est ambigu et se définit comme une substance/médicament qui agit chimiquement sur le psychisme. «Il nous arrive, nous les pharmaciens, de nous voir taxés de dealers de drogue», regrette Saadia Motaouakkil. «Le projet de loi fait référence à la convention des Nations Unies de 1971 sur les psychotropes comme inspiration de base. Dans cette convention, la qualité de psychotrope est déterminée par son inclusion dans un de ses quatre Tableaux (I-II-III-IV). Par contre, dans l'esprit de la majorité des pharmaciens d'officine de notre pays, est psychotrope presque tout médicament prescrit par un psychiatre», indique l'Ordre. Pour Pr Nadia Kadiri, si cette loi passe, «beaucoup de personnes auront des difficultés pour s'approvisionner en médicaments car la sécurisation des ordonnances voudrait dire que ces derniers seront dans l'obligation d'effectuer au moins une visite médicale chez un médecin». Or, souligne Pr Kadiri, de nombreux Marocains concernés ne pourront pas s'offrir ce luxe. Les obliger à consulter une fois par mois, conduirait également à les obliger à arrêter leur traitement et à rechuter, ce qui alourdirait le système d'hospitalisation en psychiatrie, milieu déjà défaillant et submergé, indique la présidente de l'Association marocaine des psychiatres. Par ailleurs, d'après l'AMPEP, la grande majorité des médicaments prescrits dans la pratique psychiatrique n'entraîne pas de dépendance (antidépresseurs, antipsychotiques, stabilisateurs de l'humeur...). Les individus qui en font un usage addictif ne sont généralement pas ceux qui vont vers les psychiatres. Ce sont ceux qui utilisent d'autres réseaux, notamment ceux des délivrances frauduleuses de certains anxiolytiques sans ordonnance. Et d'ajouter que généralement, les malades psychiatriques ont des pathologies chroniques (diabète, hypertension artérielle, maladie de Crohn, dysthyroïdie...) et ont besoin de prescriptions de longue durée, seules garantes de leur stabilité. L'AMPEP souligne également que le Maroc dispose actuellement de lois suffisantes pour le contrôle des prescriptions médicales. Il existe déjà, comme partout dans le monde, le carnet à souches pour la prescription de certains produits. «Si la mise en place d'une ordonnance médicale ordinaire sécurisée doit se faire, elle doit concerner tous les prescripteurs d'ordonnances (généralistes, spécialistes...) et elle serait la bienvenue. Elle ne peut que contribuer à la sécurité de nos malades», affirme-t-on dans la profession. Cependant, sécuriser les ordonnances c'est bien, mais prévenir pour lutter contre les conséquences liées aux prescriptions frauduleuses, serait encore mieux. «Nous les pharmaciens, sommes tout le temps confrontés à des ordonnances falsifiées», confirme Saadia Motaouakkil avant d'ajouter que certains pharmaciens sont souvent agressés physiquement lors qu'ils refusent de délivrer certaines ordonnances douteuses. Dès lors, poursuit notre interlocutrice jointe au téléphone, s'il devait y avoir une sécurisation des modalités de prescription et de dispensation des médicaments à base de substances psychotropes, il faudrait davantage protéger les pharmaciens et les patients tout en leur facilitant l'accès aux médicaments. Au moins 48% des Marocains présentent un trouble de santé Selon une étude comparative entre les médicaments psychotropes et les plantes alternatives, réalisée par des chercheurs de l'université Mohammed-V de Rabat en 2018, au Maroc au moins 48% de la population présentent un trouble de santé mentale. Dans le détail, 40% des Marocains âgés de 15 ans et plus souffrent d'un trouble mental: soit 26,5% de troubles dépressifs, 9% d'anxiété généralisée et 5,6% de troubles psychotiques. Les femmes sont plus touchées que la gent masculine, 48,5 contre 34,3%. Ce qui explique l'accroissement du recours aux médicaments psychotropes. La phytothérapie est une alternative intéressante pour les personnes qui se méfient de la médication moderne et veulent soulager des symptômes d'intensité modérée qui ne nécessitent pas de recourir à des médicaments de synthèse, dont les effets secondaires sont parfois importants. Cela permet en outre de réduire les dépenses en médicaments et d'éviter d'éventuelles dépendances. Elle est aussi utile pour les personnes qui souffrent d'allergies à certains composants synthétiques. Khadim Mbaye / Les Inspirations Eco