Mission accomplie. C'est le sentiment partagé par la majeure partie – sinon la totalité – des 68 entreprises marocaines de la «Caravane de l'Export» qui a pris fin dimanche, à Abidjan. En effet, «Cette mission de prospection et de recherche de partenariats», comme le précise Saad Benabdellah, directeur général de Maroc export, a vu la concrétisation de plusieurs contrats et la création de nouvelles filiales dans les trois grandes capitales visitées. Le bilan chiffré sectoriel des retombées de ces visites d'affaires nous en dit tout autant. En banque et services financiers, pour commencer, le groupe Attijariwafa bank s'est illustré par sa présence majoritaire, depuis novembre 2007, dans le capital de la Compagnie bancaire d'Afrique Occidentale (CBAO) (79%), à Dakar, et de la Banque internationale pour le Mali (BIM), à hauteur de 51%. En fin de semaine dernière, la banque marocaine a conclu un accord d'intégration dans le capital de la Société ivoirienne de banques (SIB), 5e banque du pays, à hauteur de 51%, les 49% restants étant détenus par l'Etat ivoirien. Un bijou de plus dans le giron d'Attijariwafa Bank. L'acquisition de la SIB s'inscrit dans le cadre du processus de rachat de l'intégralité des actions détenues par Crédit Agricole SA dans cette banque, ainsi que dans celle de la SCB, 3e banque au Cameroun, de l'Union gabonaise de banques (UGB), du Crédit du Sénégal et du Crédit du Congo. Cette dernière opération de prise de contrôle de la SIB confirme ainsi les ambitions grandissantes du groupe bancaire sur le continent africain. C'est ce que souligne Abdeslam Taadi, responsable Promotion commerce extérieur et investissements du groupe : «Notre stratégie de croissance s'oriente vers le renforcement de notre présence au Maghreb et en Afrique de l'Ouest ». Au-delà de la dimension bancaire et purement financière, le groupe veut aussi s'imposer au Sénégal, au Mali et en Côte d'Ivoire comme principal interlocuteur en termes de «conseils en financement» et «projects finance». L'électricité, un bilan à double portée Autre secteur d'envergure, fortement représenté dans cette caravane, l'électricité, à travers notamment la Fédération nationale de l'électricité et de l'électronique (FENELEC). Le bilan dans ce secteur est à la fois commercial et institutionnel. Commercial, d'abord, avec «la société Les Câbleries du Maroc, qui a signé plusieurs commandes à Dakar, Bamako et Abidjan, d'une valeur totale de plusieurs centaines de milliers d'euros» selon Youssef Tagmouti, Directeur général des Câbleries du Maroc et par ailleurs président de la FENELEC. Pour INGELEC, autre société dans le domaine électrique, c'est un contrat de 300.000 euros qui a été signé à Dakar, à travers sa filiale sénégalaise, avec des opérateurs locaux. Même succès chez Manar SA, qui représentait la marque de distribution de matériels électroménagers Sièra, avec un contrat de livraison d'une commande test de 2 conteneurs, toujours à Dakar. Quant à Poteaux Bois Maroc (PBM), filiale de Schiele Maroc, spécialisée en poteaux électriques en bois, Mohammed Benzekri, chef du Département commercial et export nous confie avoir rencontré les autorités publiques du domaine de l'électricité, dans les trois pays, dans le but de se faire agréer comme prescripteur et distributeur. «Le bilan est donc très positif, puisque des opportunités d'affaires concrètes ont été décelées et des entreprises ont pu concrétiser quelques opérations», conclut Tagmouti. Pour ce qui est de l'aspect institutionnel, c'est le projet initié par la FENELEC, pour la création de la Confédération africaine de l'électricité (CAFELEC) qui s'est imposé. L'idée est d'ailleurs déjà en phase de mise en œuvre, puisque les homologues sénégalais, maliens et ivoiriens de la FENELEC ont signé la convention d'adhésion à la CAFELEC. À travers la création de cette confédération, dont le secrétariat général est assuré par la FENELEC, en attendant la tenue d'une assemblée élective dans les mois à venir, «l'ensemble des signataires ont compris la nécessité de se fédérer et de faire de la CAFELEC un espace de réflexion sur le secteur de l'électricité en Afrique», explique Youssef Tagmouti. Les TIC font une bonne entrée en matière Concernant les TIC marocains, un secteur qui, jadis, avait encore du mal à s'exporter et était encore en retrait par rapport à d'autres, les résultats déclarés sont tout aussi intéressants. CBI, par exemple, a conclu un contrat d'un million de dollars avec les Impôts du Sénégal, à Dakar. L'autre évènement phare est l'ouverture de filiales d'IB Maroc dans les trois capitales visitées, dont la dernière est celle d'IB Côte d'Ivoire, inaugurée en grande pompe vendredi dernier à Abidjan. Pour DataPlus, autre enseigne du secteur avec la marque de matériels informatiques italienne Olivetti, c'est entre autres résultats, «des engagements verbaux» qui ont été pris dans le cadre de l'ouverture d'une enseigne en février 2010, à Bamako. Uniforce Informatique a, quant à elle, ouvert une filiale Uniforce Sud à Dakar, lors de la première étape de la caravane. Le groupe GFI, éditeur de solutions informatiques, n'a pas été en reste. Présent depuis 2006 en Afrique, «on souhaite renforcer notre position et passer à la vente à l'indirect, en détectant des opportunités de partenariat et de création d'antennes», commente Hassan Abni, directeur adjoint de GFI Maroc. Le défi pour ces entreprises est, à présent, de poursuivre cet élan d'expansion vers le continent, de façon individuelle, avec ou sans le support du ministère du Commerce extérieur et de Maroc Export, dont l'initiative et le sens de l'organisation d'une caravane d'une telle envergure, a été unanimement saluée par les dirigeants ayant participé à cette tournée. Les secteurs clés de l'export marocain La pharmacie, l'agroalimentaire et les BTP figurent parmi les secteurs les plus porteurs d'intérêt pour les pays visités par la «Caravane de l'export». Concernant le premier domaine, celui de l'industrie pharmaceutique, beaucoup de potentialités demeurent encore inexploitées dans ces pays encore confrontés à des maladies comme le paludisme, ce qui explique sans doute la participation d'une dizaine d'opérateurs marocains comme Sterifil, Santis, Pharma 5 et Laprophan. «Avant, on disait que les médicaments étaient au nord et les patients au sud, aujourd'hui, le Maroc avec une industrie pharmaceutique classée deuxième sur le continent après l'Afrique du Sud, a démontré que les médicaments existent aussi au sud et sont de très bonne qualité», déclare Danielle Tobias, Export Manager chez Laprophan. Ce dernier laboratoire, par exemple, est présent depuis 1996 à Dakar, et opère aussi dans plusieurs autres pays de la région subsaharienne. L'agroalimentaire n'est pas en reste, avec notamment Tria, «venu beaucoup plus en confirmation qu'en prospection, puisque nos produits sont déjà très présents dans une douzaine de pays en Afrique», nous explique Idrissa Yero Sow, Responsable Export. Dans le domaine des BTP, le temps était beaucoup plus à la première approche pour la plupart des entreprises présentes. C'est le cas, par exemple, de la société Kaab Entreprise, représentée par son administrateur Karim Benamour qui reconnaît néanmoins «avoir noué des partenariats qui restent encore à étudier et à développer dans le temps». «Sortir les entreprises vers des marchés encore inconnus»:Abdellatif Maâzouz ministre du Commerce extérieur Les Echos : Vous venez de conduire une forte délégation d'hommes d'affaires dans trois pays différents. Pourquoi ce besoin s'est-il fait sentir, tout d'un coup ? Abdellatif Maâzouz : Ce besoin est, en effet, fondé sur trois dimensions. La première est politique et relève des orientations du Roi Mohammed VI en ce qui concerne le développement des partenariats sud-sud, notamment avec les pays d'Afrique. La deuxième est née d'un travail que nous avons réalisé au préalable et qui s'oriente vers des marchés où nos produits et services peuvent être marketés. Si vous avez bien remarqué, les secteurs qui ont participé à cette mission sont ceux qui ont été pris en compte dans notre stratégie de développement de l'export et qui présentent un attrait important pour les pays que nous avons visités. La troisième dimension est, à la fois, pédagogique et commerciale. Il fallait faire sortir les entreprises marocaines vers des marchés qui leur sont encore inconnus. C'est pour cela que cette délégation est aussi forte, très concentrée en secteurs, mais tout aussi diversifiée en typologies et natures des entreprises la composant. Pensez-vous que l'entreprise marocaine soit prête à résister à la concurrence et à se faire une place sur le marché continental ? Vous savez, une action comme celle-ci peut avoir un effet d'entonnoir. Elles sont 65 entreprises à avoir participé à cette tournée. Alors, même si, à la fin du parcours, ce n'est que le tiers d'entre elles qui a su développer des relations commerciales ou de partenariat pérennes, nous aurons réussi. Je voudrais aussi souligner que les produits marocains sont très bien perçus surtout en termes de qualité, en comparaison avec des produits d'autres pays. Et cette image, il faut savoir la préserver et l'exploiter à bon escient à travers justement ces entreprises. Le protocole d'accord d'investissements et de commerce entre le Maroc et l'Union économique et monétaire ouest-africaine tarde à se réaliser. Où se situe le blocage ? L'UEMOA est composée de huit pays. Nous venons d'en visiter trois et l'accord de commerce et d'investissements avec l'UEMO a été discuté longuement. Le dernier round de ces négociations remonte à novembre 2008, pour une signature et une entrée en vigueur dès janvier 2009. Mais, entre temps, certains pays ont eu, soit des élections, soit d'autres types de contretemps du même genre, ce qui a par conséquent occasionné un retard dans le processus de concrétisation de cet accord. Ce qui est certain, c'est que les trois pays que j'ai visités ne montrent aucune résistance par rapport à cet accord. Certains d'entre eux ont, toutefois, émis la volonté de revoir quelques éléments de l'accord, compte tenu du fait que le Maroc bénéficie d'un niveau économique quelque peu supérieur aux leurs.