En politique, la marche vers la parité se fait à pas de tortue. Il s'avère difficile de briser le plafond de verre en dépit des nouvelles dispositions des lois électorales. La représentativité politique des femmes demeure encore en deçà des aspirations tant au sein du parlement que dans les instances locales et l'équipe gouvernementale. La représentation politique féminine sera-t-elle, enfin, boostée après les élections de 2021? Rien n'est moins sûr, même si les nouveaux textes électoraux instaurent de nouveaux mécanismes pour augmenter la présence féminine au sein des instances élues. Au niveau de la Chambre des représentants, le projet de loi organique remplace la liste nationale qui était partagée avec les jeunes et qui consacrait 60 sièges aux femmes par des listes régionales qui permettront à 90 femmes de gagner le précieux sésame de la députation grâce au quota. Le processus a été, en effet, verrouillé. Les deux premières places de chacune des 12 listes doivent être réservées exclusivement aux femmes. Le nouveau mécanisme permettra d'atteindre un taux de représentativité de 22%, loin de la parité escomptée. Actuellement, le taux de représentation féminine à la Chambre des représentants est de 21%. Le Maroc demeure toujours derrière des pays similaires comme le Soudan et la Tunisie où le taux de représentativité politique féminine est de 30%. L'évolution est, ainsi, timide par rapport aux ambitions. Une grande responsabilité incombe de fait aux instances dirigeantes des partis politiques pour accréditer des femmes au niveau des circonscriptions locales. En 2016, seules 10 femmes ont pu accéder à la Chambre des députés à travers les listes locales. Au niveau de la Chambre des conseillers, la représentativité des femmes ne dépasse pas les 11,66%. Quelque 14 conseillères uniquement ont accédé à la Chambre haute en 2015. À ce titre, les formations politiques sont vertement critiquées. Les syndicats ont, en effet, su se montrer davantage paritaires que les partis politiques. Sur le plan des instances élues locales, le gouvernement et les partis politiques ont convenu de donner un véritable coup de fouet à la participation politique féminine aux prochaines élections. Le projet de loi organique modifiant et complétant la loi organique relative à l'élection des membres des conseils des collectivités territoriales met en place un mécanisme garantissant la représentativité des femmes en accordant le tiers des sièges aux femmes dans chaque Conseil préfectoral ou provincial à travers une liste en deux parties, dont la seconde doit consacrer le tiers des sièges aux femmes. Il s'agit aussi d'augmenter le nombre de sièges réservés aux femmes dans les Conseils communaux. À titre d'exemple, le nombre de sièges consacrés aux femmes dans les circonscriptions soumises au scrutin uninominal passera de quatre à cinq. Pour les communes dont le nombre d'habitants ne dépasse pas 100.000, le nombre des sièges des femmes est fixé à huit. Ce nombre passe à 10 au niveau des communes de plus de 100.000 habitants. Quant aux communes divisées en arrondissements, le nombre de sièges consacrés aux femmes est de trois dans chaque arrondissement et de quatre au niveau du conseil d'arrondissement. En dépit de ces nouvelles dispositions, la société civile reste sceptique et estime que ces mécanismes restent insuffisants par rapport aux ambitions car ils ne permettront pas de se rapprocher de la parité dans les instances élues. Encore une fois, les partis politiques sont pointés du doigt car ils préfèrent les hommes aux femmes pour les accréditations aux circonscriptions locales, comme en attestent les chiffres. Même si le taux des élues communales est passé de 12,38% à 21,18%, le mouvement féminin critique le manque de volonté des principales formations politiques aussi bien après l'annonce des résultats des élections que lors la phase de la cooptation des candidats. Aux dernières élections locales et régionales, aucune femme n'avait été propulsée à la tête des Conseils régionaux ou communaux des grandes villes. Les deux femmes qui sont actuellement présidentes de régions n'ont été élues qu'après le départ des anciens présidents hommes dans un contexte très difficile. Dans la plupart des circonscriptions en 2015, rappelons-le, les formations politiques se sont contentées d'appliquer la loi en cooptant des femmes dans les listes dites «additionnelles». Sur les listes générales, les femmes ont été quasi-absentes ou meublaient souvent le décor. Peu d'entre elles ont, en effet, été mandataires de ces listes. S'agissant du gouvernement, le constat n'est pas non plus reluisant. L'Exécutif reste un bastion masculin. Le pourcentage des femmes ministres n'est que 16,66%. Au niveau de la fonction publique, le taux des femmes responsables ne dépasse pas les 21,5%. Le chemin est encore long ! Les limites de la discrimination positive Le système de quotas a permis aux femmes d'accéder aux instances élues après une longue période de vide absolu. Mais, il a montré ses limites. Force est de constater que le recours à des quotas ou à des sièges réservés aux femmes décharge les partis politiques de leurs responsabilités démocratiques envers les femmes. À cela, s'ajoute un élément important : le choix des profils des femmes bénéficiaires de la discrimination positive qui n'est pas basé sur la méritocratie au sein de plusieurs formations politiques. Le clientélisme au niveau de certains partis a décrédibilisé ce système. Il est grand temps de franchir un nouveau palier pour booster la participation politique féminine et mettre fin aux obstacles qui empêchent les femmes de percer aux élections, dont le système électoral. Certes, le scrutin proportionnel est généralement plus favorable aux femmes. Mais, il peut être également un obstacle lorsqu'il s'agit de circonscriptions réduites. La parité pourrait être atteinte, entre autres, grâce à des listes zébrées (alternance femme/homme) au niveau des conseils régionaux, préfectoraux et provinciaux et des conseils des communes soumises au scrutin de liste. Jihane Gattioui / Les Inspirations Eco