C'est reparti. Le Maroc et l'Union européenne viennent de reprendre les pourparlers en vue d'une reconduction - sous de nouvelles règles - d'un partenariat controversé dans le secteur de la pêche et rejeté il y a près d'une année par le Parlement européen, pour des raisons politico-techniques. Les deux parties ont en effet tenu, jeudi dernier, un premier round de négociations pour la remise à flots de cet accord, dont la mouture opérationnelle est constituée par l'autorisation d'un certain nombre de navires de pêche européens à opérer dans les eaux territoriales du royaume. Toutefois, à ce stade des négociations, cette première reprise de contact entre les autorités des deux parties s'est passée dans les secrets des quatre murs d'une des salles de réunion du ministère marocain de l'Agriculture et de la pêche maritime. De part et d'autres des équipes de négociateurs institutionnels : motus et bouche cousue. Du côté marocain, Zakia Driouich, la directrice de la pêche maritime et de l'aquaculture, est à la tête des négociateurs. Pour leur part, les professionnels marocains du secteur s'en donnent à cœur joie et prennent, d'ailleurs, la communication comme une arme de lobbying en faveur de leur position. Cette position n'a d'ailleurs guère évolué et se fonde sur les mêmes principes. «Aucun professionnel ne vous dira qu'il est d'accord pour cet accord, mais nous le soutenons, d'abord, pour des raisons purement patriotiques», nous répète Hassan Oukacha, le président de la Fédération de la pêche maritime de la CGEM. «Au-delà de cette priorité, nous souhaitons le respect des principes de préservation de la ressource et du renforcement des contrôles des captures. Ces exigences sont d'abord valables pour les opérateurs nationaux. Il va alors de soi qu'elles le sont également pour les opérateurs étrangers», complète le responsable. Accord évolutif La vision des professionnels marocains – qui a d'ailleurs été déjà partagée avec les autorités du secteur, en vue de ces négociations - prend également en compte le fait de faire évoluer les principes opérationnels de cet accord. «Il ne devrait plus s'agir d'un partenariat classique de pêche où la matière première est exploitée puis exportée sous sa forme brute. Nous souhaiterions plutôt qu'une composante "valorisation" soit prise en compte dans cet accord», ajoute le président de la FPM. Pour ce dernier, les deux parties ont tout intérêt à insister sur cet aspect. Pour la première, marocaine, ce sont des garanties d'investissements et de création d'emplois à revenus stables et le développement de la filière industrielle du secteur halieutique, comme visés dans la stratégie de développement «Halieutis» qui sont en jeu. Pour l'Union européenne, ce sont des opportunités de développement à l'international pour une industrie de la pêche en quête de marchés exutoires et non épargnée par la crise, dans certaines économies comme dans celle du voisin espagnol. «Nous sommes persuadés que nos négociateurs sont sur la même longueur d'ondes que nous, s'agissant de ces intérêts. Encore faut-il, toutefois, que les rapports de force induits par ces négociations, puissent s'orienter en notre faveur», poursuit cet opérateur du secteur. Il faut en effet savoir que tout devrait se jouer – ou ne pas se jouer – à partir des capacités de lobbying du royaume. Pour la plupart des professionnels du secteur, le royaume a tout intérêt à déployer tous les canaux de sa «diplomatie parallèle» pour défendre ses intérêts. «Ce n'est pas la seule affaire de la tutelle directe du secteur. Les parlementaires, ainsi que le ministère des Affaires étrangères ont également un rôle important à jouer en termes de lobbying», pense le président de la FPM. Une façon d'appliquer les leçons apprises lors des négociations de l'accord agricole. Une reprise «capitale» pour la politique commune de pêche UE Cette reprise des négociations entre le Maroc et l'Union européenne n'aurait pas plus tardé à se concrétiser. Les approches de l'Union européenne, à travers les nombreuses visites de sa commissaire à la Pêche, Maria Damanaki et les relances incessantes de l'Espagne via son ministre de l'Agriculture et de la pêche, Miguel Arias Canete, ont fini par payer. Le gouvernement marocain – qui n'a d'ailleurs rien à gagner ni à perdre, dans la reconduction ou non de ce partenariat – ne manifestait jusque-là aucune impatience à retrouver la table des pourparlers. Pour les autorités européennes, en tous cas, les enjeux de ces retrouvailles sont plus qu'importants, pour ne pas dire vitaux au secteur de la pêche. «La coopération avec le Maroc est essentielle pour nos efforts vers une gestion plus efficiente de nos stocks halieutiques», a commenté Damanaki sur la page d'accueil de son site officiel, le jour même de la reprise des négociations à Rabat. «Le nouveau partenariat en négociation devra être en ligne avec la réforme de notre politique de pêche commune, et plus précisément de sa dimension extérieure», a complété la même source. Pour rappel, le texte du partenariat rejeté – unilatéralement par le Parlement UE - en décembre dernier, prenait en compte l'octroi de 119 licences de pêche par le Maroc à l'Union européenne, sur la période allant de février 2011 à février 2015. Une bonne centaine de ces licences, devaient bénéficier à l'Espagne. Au total, le royaume devait percevoir, en retour, une contrepartie financière annuelle de 36,1 millions d'euros, dont 13,5 millions d'euros affectés au soutien de la politique sectorielle marocaine de la pêche.