Dans le cadre de son cycle de conférences ‘'Regards vers le futur'', l'Institut CDG a organisé un webinaire sur la gestion des déchets au Maroc dont le thème était «Interroger le modèle national de gestion des déchets, à l'aune de l'urgence et des opportunités économiques». Un thème intéressant quand on sait que le Maroc, qui produisait 5,3 millions de tonnes de déchets urbains en 2014, devrait produire jusqu'à 7 millions de tonnes en 2020, selon les estimations. «Interroger le modèle national de gestion des déchets, à l'aune de l'urgence et des opportunités économiques», tel était le thème d'un webinaire récemment organisé par l'Institut CDG. Pour débattre de cette question, l'institut a invité Kenza Elazkem, porte-parole de l'association Zero Zbel, Hassan Chouaouta, président de l'Association marocaine des experts en gestion des déchets et en environnement, Christian Ngô, directeur d'Edmonium, conseil et ex-membre du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et Badiaa Lyoussi, professeur à l'Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès. D'entrée de jeu, Christian Ngô laisse entendre que tant qu'il y aura des hommes, il y aura de la pollution et des déchets. Il estime que la gestion des déchets ne sera efficace que si les individus adhèrent à cet objectif et non en imposant des lois. Selon lui, il existe deux effets contradictoires : «Il y a le fait qu'aujourd'hui, on gère beaucoup mieux les déchets qu'hier ; en revanche, on est beaucoup plus nombreux qu'hier, ce qui fait qu'on a, au final, beaucoup de nuisance à cause de cela». Plus loin, Christian Ngô dira que les progrès en matière de gestion des déchets sont lents mais continus, avant d'ajouter que «l'objectif de nos sociétés est d'essayer de réduire la quantité de déchets». Il souligne également l'importance des impératifs économiques en ces termes : «Il est vrai que dans un pays où la main-d'œuvre est moins chère que dans un autre, on gérera les déchets de manière différente». De son côté, Badiaa Lyoussi n'a pas manqué de souligner que l'analyse de la gestion des déchets doit comporter et comptabiliser à la fois les impacts qui sont générés comme la collecte, le transport, les procédés de traitement, que les impacts évités tels que l'économie des matière premières». Elle souligne également la nécessité d'enregistrer une amélioration et, pour ce faire, avoir une stratification et des leviers prédominants comme la prévention de la production des déchets. Elle a également mentionné l'impératif d'une augmentation du taux de recyclage et d'emballage ainsi que d'une amélioration au niveau logistique, notamment l'usage de véhicules de collectes et l'optimisation des tournées de collectes. Kenza Elazkem a, elle, laissé entendre que le principal souci dans la gestion des déchets au Maroc concerne le plastique. Elle rappelle, à ce propos, un audit réalisé par l'association Zero Zbel en 2018 sur 25 plages marocaines qui avait permis de recenser plus de 36.000 unités de déchet. «85% étaient en plastique et trois grandes entreprises sont à l'origine de ces déchets», a-t-elle souligné sans donner plus de détails sur l'identité de celles-ci. Kenza Elazkem a également indiqué que, malgré la crise de la Covid-19 et les contraintes qu'elle a engendrées, l'association Zero Zbel a tout de même réalisé un autre audit dans différents grands oueds du Maroc. Il en ressort que 70% des déchets sont en plastique. Pour Hassan Chouaouta, qui abonde dans le sens de Christian Ngô, plus l'humanité se développe, plus la production de déchets augmentera. D'ailleurs, il fait constater que la production de déchets au niveau mondial est, aujourd'hui, de 4 milliards de tonnes par an avant de souligner que cette quantité augmentera dans les pays en développement. «Aujourd'hui, les solutions qui ont fait leurs preuves sont mises en place dans les pays occidentaux qui représentent 10% de la population mondiale, alors que les 90% restants sont confrontés à la problématique de la gestion des déchets». Hassan Chouaouta estime également que le principal problème au Maroc est que le déchet n'est pas assez valorisé. Il poursuit : «Nous avons un potentiel de valorisation de 20% mais, aujourd'hui, le taux de valorisation et de recyclage n'est que de 7%. Si on prend par exemple le taux de recyclage et de récupération des déchets plastiques au Maroc, il est de 11%. En France, ce taux est de 24%, et il est de 38% en Allemagne. Nous sommes donc très loin d'une vraie politique de valorisation de déchets». Pour conclure, il dira : «on ne peut pas mettre en place des filières sans la contribution des industriels, et on ne peut avoir une très bonne gestion des déchets ménagers et collecte de valorisation sans une bonne contribution et une conscientisation collective. Nous avons besoin de travailler sur certains aspects, et l'Etat devrait se pencher sur la réglementation, la politique, les stratégies mais surtout le contrôle». Rappelons que le Programme national des déchets ménagers vise à assurer la collecte et le nettoiement des déchets ménagers pour atteindre un taux de collecte de 90% en 2020, entre autres objectifs. Mariama Ndoye / Les Inspirations Eco