Décidément, il est toujours dur de faire des affaires au Maroc. Le classement Doing business 2013 vient refroidir les ardeurs des officiels marocains qui se targuent des efforts déployés pour l'amélioration du climat des affaires et ce, en classant le Maroc trois rangs plus bas que dans la version précédente. Le royaume figure désormais à la 97e place après avoir été 94e dans l'édition 2012, qui l'avait même consacré comme «best reformer». Pourtant, beaucoup s'attendaient à ce que le Maroc continue sur la lancée de l'année dernière, vu le nombre de réformes réalisées depuis l'élaboration du rapport précédent. Parmi ces réformes, il y a eu par exemple la loi sur les délais de paiement et son décret d'application, ainsi que l'élimination du capital minimum pour la création des SARL. Ce genre de mesures étaient ainsi censées conforter la marche en avant du Maroc en matière d'amélioration du climat des affaires. Force est de constater que malgré les réformes engagées, le Maroc n'arrive pas cette année à se hisser dans le classement, de quoi écorner son image auprès des investisseurs étrangers. Qu'est-ce qui explique donc cette contreperformance plutôt inattendue ? Afin de répondre à cette question, il faut d'abord rappeler qu'entre octobre 2011, date à laquelle a été publié le rapport 2012 du Doing business et la rentrée 2013, le Maroc est passé par un contexte assez particulier marqué par trois phases. La première était le flottement qui a marqué la scène publique avec les enjeux électoraux du scrutin de novembre 2011, ainsi que le retard accusé dans la formation du nouveau gouvernement. Ensuite, les quatre premiers mois de l'année 2012 ont été marqués par le manque de visibilité induit par le retard dans l'adoption de la loi de finances 2012. Ce n'est qu'après qu'est intervenue la troisième phase qui constitue la véritable entame du travail du gouvernement actuel. Or, pendant cette période, plusieurs chantiers de réformes étaient mis en stand by. Même le Comité national pour l'environnement des affaires a dû attendre jusqu'à fin mai dernier pour faire valider son plan d'action par le chef de gouvernement. Du coup, les espoirs nourris lors de la publication du Doing business 2012 quand à la poursuite du dynamisme des réformes ont été confrontés à un contexte d'attentisme ayant retardé plus d'un chantier. Quoi de plus normal donc, que de voir le Maroc perdre une nouvelle fois l'occasion de se distinguer dans le cadre d'un rapport faisant référence auprès des investisseurs étrangers. Les raisons du recul Dans le détail, ce qui est «reproché» à l'économie marocaine dans le Doing business n'est pas loin des chantiers qui devaient être entamés durant les douze mois écoulés. Ainsi, le Maroc paie surtout le prix du retard dans la facilitation des transferts de propriété. Rappelons qu'en 2012 déjà, le classement du Maroc avait été fortement impacté par les difficultés liées à la construction. Depuis, les problématiques liées au volet immobilier n'ont fait qu'empirer avec un classement au 163e rang, soit avec les derniers de la classe. Selon les experts du Doing business, cette contreperformance est principalement due au fait que «le Maroc a rendu le transfert de propriété plus cher en augmentant les droits d'enregistrement». Le rapport estime ainsi que le coût que doit supporter un investisseur pour l'enregistrement d'une propriété est désormais de 5,9% de la valeur du bien, soit le 16e coût le plus cher de la région Mena. Ceci alors qu'en parallèle, le nombre de procédures à accomplir ou encore le nombre de jours pour obtenir le précieux sésame n'ont pas été réduits. En effet, il faut toujours au moins 8 procédures pour l'enregistrement et l'investisseur doit attendre près de 75 jours pour obtenir son document. Ce sont là les principales lacunes relevées par le Doing business sur ce volet. À cela, il faudra ajouter le retard accusé dans les facilités d'accès au crédit. Là encore, le Maroc se classe au-delà du 100e rang (104e). À ce titre, le rapport déplore que depuis la mise en place du Crédit bureau en 2009, rien de concret n'a été fait pour la facilitation de l'accès au crédit. De quoi alimenter davantage la polémique autour du financement par les banques de l'économie marocaine. Au moment où les patrons d'entreprise dénoncent avec ferveur le fait que les banques ont durci les conditions d'octroi des crédits aux entreprises, le secteur bancaire lui, réfute ce qui concerne le financement des PME. La version 2013 du rapport Doing business vient donc remuer le couteau dans la plaie en faisant du Maroc l'un des pays où il est le plus difficile d'accéder au crédit. Sur un autre registre, il faut noter également que le Maroc n'a pas de quoi être fier en matière de protection des investisseurs. Le Doing business 2013 considère que le Maroc n'a pas fait les efforts qu'il fallait et le classe 100e parmi les 185 économies retenues dans le rapport sur ce critère. Il faut dire que depuis 2011, il n'y a pas eu de grandes réformes à ce niveau au Maroc. Les dernières mesures dans ce sens remontent à 2010, année où le Maroc avait imposé aux entreprises d'intégrer plus de détails dans leur rapport annuel et en 2011, où il a été permis aux actionnaires minoritaires d'obtenir tout document non confidentiel des entreprises au cours d'un procès. Depuis, c'est le stand by également à ce niveau. La fiscalité trop chère Enfin, l'autre volet sur lequel le Maroc est resté à la traîne est celui du paiement des taxes. Déjà, en nombre, Doing business recense en moyenne 17 paiements à effectuer par les investisseurs chaque année. Ensuite, ce sont les délais de paiements qui coûtent plus de 238 heures par an aux entreprises. Ceci vient s'ajouter au coût des taxes qui reste l'un des plus élevés au monde. En moyenne, Doing business retient un taux de 49,6% des profits comme taxes à supporter par les entreprises chaque année. Au final, ces trois facteurs classent le Maroc à la 110e position sur le critère du paiement des taxes. C'est dire le nombre de chantiers qui attendent le Maroc pour améliorer son climat des affaires. Certes, un plan d'action pour y remédier existe, il reste maintenant à l'activer avant que Doing business ne finisse par pénaliser pour de bon l'attractivité du Maroc. Lire aussi : Les bons points se font rares Singapour se maintient en tête Singapour, champion du monde des affaires. Le pays arrive en tête du classement sur la facilité de faire des affaires pour la septième année consécutive. La liste du top 10 du Doing business comprend aussi Hong Kong, la Chine, la Nouvelle-Zélande, les Etats-Unis, le Danemark, la Norvège, la Grande Bretagne; La République de Corée, la Géorgie et l'Australie. Par ailleurs, c'est la Pologne qui remplace le Maroc dans cette version 2013 comme Best reformer de l'année. Le pays est, en effet, l'économie qui a le plus amélioré la facilité de faire des affaires au cours des 12 derniers mois. Notons par ailleurs que selon le rapport, qui fête sa 10e édition cette année, les entrepreneurs locaux dans les pays en développement estiment qu'il est plus facile de faire des affaires aujourd'hui qu'au cours des 10 dernières années, soulignant les importantes améliorations de la réglementation des affaires à travers le monde. «Au fil des ans, les gouvernements ont fait d'importants progrès pour améliorer leur réglementation des affaires et pour réduire l'écart qui les sépare des meilleures pratiques au niveau mondial», a déclaré Augusto Lopez-Claros, directeur de l'unité de recherche sur les indicateurs et analyste du groupe de la Banque mondiale, en marge de la publication du rapport. Selon lui, «bien que les réformes que nous mesurons ne donnent qu'une image partielle du climat économique d'un pays, elles sont essentielles pour améliorer les principales performances économiques, telles qu'une croissance rapide de l'emploi et la création de nouvelles entreprises».