La deuxième rencontre des «Marocaines d'ici et d'ailleurs», tenue à Marrakech les 18 et 19 décembre, vient de clôturer ses travaux sur trois recommandations de taille ayant fait l'unanimité parmi les participants : la création d'un observatoire de l'immigration féminine, l'encouragement des femmes immigrées à s'impliquer dans la vie publique et la création d'un fond d'appui aux futures retraitées désireux de s'installer au Maroc. Ce séminaire scientifique, organisé par le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME) et qui s'est tenue sous le thème «féminisation de la migration : dynamiques internationales et spécificités marocaines», a permis de faire connaître les travaux les plus récents sur les Marocaines émigrées dans la plupart des pays d'immigration. Selon Driss Yazami président du CCME, ce colloque vise à mettre en lumière des phénomènes existants mais jusque-là invisible comme le vieillissement des migrants, le chômage, la discrimination et le racisme,... «L'idée est de contribuer à l'élaboration de nouvelles politiques publiques plus adaptées aux attentes et aux aspirations de l'ensemble des émigrés». Une approche genre... Dans la même optique, les communications présentées par divers experts lors de ce colloque alimenteront le rapport stratégique que le CCME doit élaborer tous les deux ans. Selon les données recueillies par le CCME à travers de nombreuses études et sondages, la migration des Marocaines présente une multitude de statuts et de situations (femmes peu qualifiées issues de milieux populaires, mais aussi cadres et catégories socioprofessionnelles élevées). Selon Amina Enneceiri, psychosociologue et Présidente du groupe de travail «approche genre et nouvelles générations», l'émigration marocaine «connaît en particulier une très forte féminisation : près d'un immigré sur deux est une femme». Les jeunes générations de Marocaines nées dans les pays d'immigration présentent aussi des profils encore plus diversifiés et des problématiques spécifiques liées à la multi-appartenance culturelle. Dans le même esprit, le CCME avait organisé l'année dernière à Marrakech sa première manifestation publique sur le thème «Marocaines d'ici et d'ailleurs : mutations, défis et trajectoires», qui avait regroupé près de 450 femmes. «La communauté marocaine à l'étranger est traversée par une interrogation identitaire»:Driss El Yazami, Président du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME) Les Echos Quotidien : Quel est le profil des femmes Marocaines immigrées ? Driss El Yazami : La féminisation touche toutes les couches sociales et pas uniquement les couches défavorisées, elles proviennent de toutes les régions du Maroc. Aujourd'hui, pour élaborer une politique ambitieuse pour les Marocains de l'étranger, il faut avoir une approche genre en permanence. C'est pour cela que le CCME a créé un groupe de travail, genre et nouvelles générations, qui travaille aussi avec tous les autres groupes. Cette rencontre essaye de prendre conscience de cette mutation et d'amplifier notre connaissance scientifique de la féminisation. C'est pour cela qu'un séminaire scientifique se tient pour la première fois au Maroc pour débattre de cette question. La rencontre de Marrakech vise aussi à créer des partenariats entre les Marocaines d'ici et d'ailleurs. Toutes les participantes ont été choisies sur la base d'un questionnaire qu'elles avaient rempli dans les pays d'accueil, elles sont de tous les horizons. Plus de 400 femmes et 100 associations participent à la rencontre. Les questions d'intégration et d'identité se posent-elles toujours pour les MRE ? On essaye de travailler sur le concept de «processus d'enracinement» dans les pays d'accueil au lieu «d'intégration». Il y a, effectivement, chez les Marocains de l'étranger un processus d'enracinement dynamique et en même temps complexe. La question ne se pose pas de la même façon en France, en Italie ou dans les pays arabes. Il y a une diversité de modèles d'intégration, il y a aussi des catégories sociales qui connaissent une réussite d'intégration et d'autres qui connaissent au contraire un processus de marginalisation, notamment pour l'accès à l'emploi. La nouvelle génération est intégrée culturellement mais, en partie rejetée sur le plan socioéconomique. C'est un double mouvement qu'il faut prendre en compte. Il y a un processus d'enracinement réel et en même temps un processus de discrimination sous jacent. Est-ce que le malaise identitaire touche aussi toutes les catégories, y compris les Marocaines de l'étranger ? Toute la communauté marocaine à l'étranger est traversée par une interrogation identitaire. Pour les parents, ils sont habités par le souci de transmette à leur enfants leur héritage culturel. Ils découvrent de plus en plus qu'ils n'arrivent pas à le faire. L'essentiel pour les enfants de la communauté marocaine est de construire un cheminement identitaire au moment où les pays d'accueils les assignent à résidence et mettent en cause leurs origines. Cette situation pousse les jeunes générations à se poser la question de leur identité. Nous disons au CCME que l'offre culturelle marocaine dans les pays d'immigration doit être forte et diversifié, c'est un des premiers défis.