Un bon salaire et les Marocains seront heureux, ou presque ! C'est en tout cas ce que relève l'étude fraîchement livrée par le Haut commissariat au plan (HCP) sur le bien être. Selon l'étude, réalisée entre janvier et février dernier, bien qu'ils considèrent, à hauteur de 60%, le logement comme l'une des premières conditions pour se satisfaire de la vie, près de neuf Marocains sur dix mettent en avant la bonne rémunération du travail comme facteur du bien-être. Dans l'ensemble et selon les conclusions du HCP, les sources de bien-être pour les Marocains sont relatives d'abord à la vie matérielle (logement et revenu), ensuite aux domaines sociaux (emploi, santé et éducation) et enfin à l'aspect sociétal (vie familiale ou culturelle). Pour le détail, l'enquête révèle des faits assez illustratifs des préoccupations actuelles des Marocains. Par exemple, le logement qui procure le bien-être est un logement personnel, pour 38%, doté des équipements domestiques nécessaires et pour 36%, un logement qui dispose des services d'eau, d'électricité et d'assainissement. Les attentes et les conditions diffèrent, en effet, en fonction de l'âge, du milieu de résidence et même du niveau d'éducation des répondants au sondage ayant servi de base à l'enquête. S'agissant de la rémunération, pour une large partie des Marocains, c'est un salaire consistant (87%) alors que seul moins d'un Marocain sur cinq évoque un bon pouvoir d'achat et seulement une infime partie de la population définit un bon salaire par l'indépendance à toute assistance ou à recours au crédit. Pour les dimensions sociales du bien-être, les facteurs évoqués par la population portent, par exemple pour l'emploi, d'abord sur les bonnes conditions de travail évoquées, ensuite sur l'équité dans l'accès à l'emploi et enfin dans la rémunération et sur la protection sociale et la retraite. Selon les mêmes données, près de la moitié des Marocains mettent en avant la gratuité des services comme facteur de bien-être, la proximité des établissements sanitaires est aussi évoquée, tout comme la qualité des services de santé qui constitue, d'ailleurs pour 36% de la population, un déterminant de son bien-être dans ce domaine. Cette dernière condition est, également, mise en avant concernant l'éducation, puisque c'est sur l'aspect qualitatif que se focalisent les réponses de près de huit Marocains sur dix, alors qu'ils ne sont que six sur dix à faire de la proximité des établissements scolaires une exigence pour leur bien-être dans le domaine de l'éducation. Dans l'ensemble, ils sont un tiers de Marocains à reconnaître être satisfaits, actuellement de leur condition de vie, alors que un peu moins de la moitié (45,7%) se disent peu ou pas satisfaits et 24,5% moyennement satisfaits. L'enquête s'est basée sur un échantillon de 3.200 personnes âgées de 15 ans et plus, dont 2.080 en milieu urbain avec deux questionnaires, dont l'un portant sur les ménages et les caractéristiques sociodémographiques et les conditions de vie de leurs membres et l'autre porte sur le bien-être de la population. Au service des autorités L'enquête du HCP apporte donc un certain éclairage sur les réelles préoccupations des Marocains, qui peuvent servir le gouvernement au moment où il s'attelle à chercher les mesures nécessaires destinées à préserver, voire améliorer, les conditions de vie et de travail des citoyens. C'est d'ailleurs l'un des aspects mis en avant par le Haut commissaire du HCP, Ahmed Lahlimi, pour justifier la pertinence d'une telle enquête. «Cette pertinence me semble procéder de sa vertu à éclairer les décideurs dans leurs choix des politiques publiques destinées à améliorer les conditions de vie de la population, afin que les objectifs recherchés rejoignent les attentes de celle-ci», a indiqué Lahlimi lors de la présentation des résultats préliminaires de l'enquête. Le poids relatif que la population donne à chacune des dimensions de ses conditions de vie pourrait donc être considéré comme indicateur de la hiérarchie des besoins sociaux dont la population attend la prise en compte par les politiques publiques, justifie t-on au HCP. Par ailleurs, en déclinant les facteurs qu'elle estime déterminants pour l'effectivité du bien-être, dans chacun des domaines de sa vie, la population révèle par là-même sa perception de ce que devrait être le contenu qualitatif des politiques publiques de nature à améliorer ses conditions de vie et élever son niveau de bien-être. En résumé, a conclu Lahlimi, «la mesure du bien-être par le niveau de satisfaction des populations est en définitive un indicateur pertinent qui, une fois régulièrement actualisé, pourrait devenir une référence pour l'évaluation périodique de l'efficience des politiques publiques sous l'angle du bien-être des citoyens». Bien-être et progrès social Aussi révélateurs que soient pourtant ces résultats, ils sont à prendre avec une certaine dose de prudene. La principale raison est qu'il n'existe véritablement pas de véritable définition de la notion de «bien être». Pour la réalisation de cette enquête, la première du genre, le HCP s'est largement inspiré de la méthodologie et des indicateurs adoptés par l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), bien qu'elle n'en reprend pas tous les critères. Parmi les raisons exposées par le HCP, «le souci de ne pas soumettre nos réalités économiques et sociales à des axes de recherche élaborés à partir de modèles économiques, sociaux et culturels de pays développés». Il faut dire que c'est justement dans ce cadre que s'inscrit la démarche du HCP qui veut se démarquer du classement qu'établit annuellement le Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD), à travers l'Indice de développement humain (IDH). Le Maroc, qui a considéré, ces dernières années, que le classement qui se base plus sur la croissance du PIB, ne reflète pas véritablement les réelles avancées enregistrées par le pays à travers notamment l'Initiative nationale pour le développement humain (INDH), s'oriente de plus en plus vers une nouvelle approche. L'enquête entre dans le cadre des travaux du HCP sur le progrès social mesuré par le bien-être et la qualité de la vie, selon les explications données, en amont, par Jamal Bourchachen, secrétaire général de l'institution. Il faut rappeler, d'ailleurs, que la thématique a fait l'objet d'une grande conférence africaine organisée conjointement par le HCP et l'OCDE en avril dernier à Rabat, dont les conclusions seront présentées par le HCP au forum mondial sur «Le bien-être pour la promotion du développement et la mise en place de politiques efficaces» qui se déroulera en octobre prochain à New Delhi, en Inde. Le Maroc n'est pas, en effet, le seul pays à réfuter le classement du PNUD. L'essentiel pourtant est que les autorités publics disposent de données statistiques leurs offrant plus de visibilité dans le cadre de l'élaboration de leurs politiques publiques. C'est en tout cas le seul intérêt de ces enquêtes ou classements, qui vaille pour les Nation- Unies qui ont, en juillet 2011, adopté une résolution qui a invité ses Etats membres à «élaborer de nouvelles mesures qui tiennent mieux compte de l'importance de la recherche du bonheur et du bien-être pour le développement, afin d'orienter leurs politiques nationales».