À voir la structure actuelle du marché du GPL, il est clair que le chantier de réorganisation lancé par la tutelle ne devrait pas être de tout repos. En effet, bien qu'on ne le présente pas aussi souvent comme tel, le secteur est l'un des plus stratégiques pour l'économie marocaine. Selon les données du ministère, le secteur du GPL, essentiellement constitué de butane commercial conditionné en bombonne de 12,3 et 6 kg, pèse pour plus de 2 millions de tonnes écoulés en 2011. Le butane, véritable nerf de la guerre pour le gouvernement en raison de la subvention, constitue à lui seul 93% du poids du gaz sur le marché, au moment où le propane, commercialisé essentiellement en vrac à hauteur de 90%, n'est consommé qu'à hauteur de 147.000 tonnes. Au-delà de cette répartition, c'est principalement l'évolution sur laquelle s'est inscrite la consommation nationale de gaz sur les vingt dernières années qui pose problème. En effet, le Maroc qui ne consommait que 352 mille tonnes de butane en 1990, a multiplié par 6, voire 7, ses besoins. Or, ne produisant que 2 à 3% de la consommation du marché, le Maroc a subi de plein fouet cette envolée conjuguée à celle des prix du gaz sur les marchés internationaux. Ceci a fortement alourdi la ponction sur les caisses de l'Etat, qui a été contraint d'augmenter le montant des subventions sur le butane pour maintenir le pouvoir d'achat des ménages. En parallèle, la nécessité d'assurer la continuité de l'approvisionnement du marché a poussé le Maroc à se doter de plusieurs installations portuaires, notamment à Nador, Mohammédia, Jorf Lasfar, Agadir et Laâyoune. «En ce qui concerne le stockage, le Maroc dispose actuellement de 176.800 tonnes de capacité de stockage de butane, soit l'équivalent de 34 jours de consommation», souligne-t-on auprès du ministère de l'Enérgie. La tutelle s'est même inscrite dans une stratégie visant à l'encouragement de la réalisation de centres emplisseurs à travers le royaume, dans le cadre d'une politique de décentralisation visant à renforcer la sécurité de l'approvisionnement au niveau régional et de réduire les frais de transport des bouteilles de gaz, et donc les prix de vente au public. Dans ce contexte, 35 centres emplisseurs ont déjà vu le jour, pour une capacité de 2,4 millions de tonnes. Malgré ces efforts pour assurer l'approvisionnement, le ministère de l'Energie reconnaît que «l'approvisionnement du pays en butane connaît certaines perturbations». La cause en est d'abord le climat de la période allant de décembre à février. Le mauvais temps qui sévit dans les ports de chargement ainsi que dans les ports de déchargement marocains occasionne des retards dans la réception des butaniers. Ensuite, la coupure des routes causée parfois par de fortes inondations ou des précipitations de neige ou encore les divers travaux d'entretien et de maintenance, sont avancés comme les raisons de ces perturbations, au même titre que les capacités de stockage qui sont considérées comme «insuffisamment dé-régionalisées». C'est ce qui explique donc cet intérêt porté aujourd'hui à la réorganisation de ce secteur, que ce soit dans sa structure ou dans sa tarification. Libéralisation à moyen terme L'aspect lié au subventionnement du butane complique davantage le dossier de la tarification du gaz. Alors que le prix du butane commercialisé en vrac (destiné aux industriels) est fixé par l'Etat, mais non subventionné, celui de la bouteille de gaz butane, est en effet fortement subventionné. Sur la subvention globale accordée aux prix de tous les produits pétroliers, le butane représente même la part la plus importante. Rappelons à ce titre que si une bonbonne de gaz est aujourd'hui commercialisée à 40 DH, son prix réel est de 130 DH. Pis encore, «le prix bon marché de la bouteille a encouragé l'utilisation de la bouteille, dans des conditions non sécurisées, dans le pompage de l'eau, pour les besoins de l'agriculture», reconnaît-on auprès du ministère de l'Energie et des mines. C'est l'une des raisons qui motivent le chantier de réorganisation lancé aujourd'hui. Cependant, il est aujourd'hui difficile pour l'Etat de toucher immédiatement au prix du gaz tant que le schéma même de cette réforme n'est pas définitivement arrêté. Et à ce titre, le ministre chargé des Affaires générales rappelle que «les prémices de la réforme seront pour 2013 mais la réforme dans sa globalité ne pourra se faire que progressivement sur plusieurs années». En revanche, en lançant le chantier de la réorganisation, le gouvernement donne un signal fort qu'il se prépare à cette réforme qui risquera certainement de marquer fortement de son emprunt son mandat.