Coïncidence ou hasard du calendrier? Alors que la caisse de compensation a pratiquement épuisé son enveloppe budgétaire annuelle, le ministère de l'Energie et des mines vient de commanditer une étude pour la révision du système de compensation du gaz butane. «Encore une étude, pour confirmer ce que l'on sait déjà», lance Moulay Abdellah Alaoui, président de la Fédération nationale de l'énergie. «De précédentes études ont déjà permis d'identifier des pistes de réforme, nous avons à présent plus besoin de courage politique pour les mettre en application», explicite le président. Si le sort de l'étude sur la compensation (voir encadré) paraît joué d'avance, un autre volet accompagnant la même étude, semble promis à un meilleur avenir. Outre, la décompensation du gaz butane, le département de Benkhadra prépare le terrain à une réorganisation de cette filière. Le besoin est bien là. En effet, la filière du gaz butane est grevée par plusieurs contraintes qui ressortent dès l'approvisionnement. Cette phase est compliquée par plusieurs perturbations. Il y a d'abord, le mauvais temps qui sévit dans les ports de chargement et de déchargement, ce qui occasionne des retards dans les réceptions des butaniers. On évoque également la coupure des routes causée parfois par des fortes inondations ou précipitations de neige. À cela s'ajoute enfin les travaux d'entretien et de maintenance ainsi que les capacités de stockage, insuffisamment dé-régionalisés. Pour parer à ces contraintes, plusieurs pistes sont envisagées par le ministère de l'Energie dont la diversification des sources d'approvisionnement en gaz butane, la multiplication des points d'entrée (infrastructures portuaires et terminaux de réception du butane) ou encore le développement de la logistique du transport primaire (butane vrac), surtout le piping et le transport ferroviaire. L'étude commanditée par le ministère de l'Energie et des mines devrait, à cet effet, faire des propositions concrètes sur la base de ces orientations. Après l'approvisionnement, le stockage. L'étude du ministère de l'Energie s'intéresse aussi à ce maillon. L'objectif est de développer de nouvelles règles en matière de stocks stratégiques en gaz butane, améliorant la capacité du Maroc à faire face aux crises d'approvisionnement (crise pétrolière internationale, grève de la navigation, imprévoyance dans la gestion des importations de certains pays, etc...). Il s'agit également d'atténuer les difficultés locales créées ou aggravées par une défaillance ou un encombrement des circuits habituels d'approvisionnement (infrastructures portuaires, de transport, etc.), d'avoir une répartition équilibrée des stocks sur le territoire national et aussi de permettre l'utilisation efficace de ces stocks. En raison du caractère particulier du gaz butane, qui ne peut être commercialisé que sous forme conditionnée en bouteilles, ou livré en vrac, la chaîne de commercialisation de la bouteille de gaz butane est caractérisée par la multiplicité des intervenants. Il en résulte une cascade de marges rémunérant : l'emplissage, la distribution, le dépositaire et le détaillant. En plus, «la rationalité essentiellement financière des opérateurs les conduit à privilégier les seules performances financières, au détriment du développement de nouveaux investissements», juge-t-on au ministère de l'Energie et des mines. Partant, l'objectif poursuivi par la réorganisation est de simplifier et de moderniser les modes de gestion de la distribution. Un autre aspect auquel devra s'intéresser l'étude lancée par le ministère de l'Energie concerne la libéralisation et le désengagement total de l'Etat de la filière du gaz. Rappelons qu'un vaste mouvement de privatisation mené durant les années quatre-vingt-dix a restructuré l'industrie pétrolière marocaine en général, et gazière (GPL) en particulier. Le souci de l'Etat de contrôler un secteur hautement stratégique, a mené à une logique de gouvernance hybride du secteur des GPL, lequel s'en est trouvé certes privatisé, mais où l'Etat reste en dernier ressort celui qui coordonne, l'ensemble des opérations. L'idée, aujourd'hui, est d'initier la libéralisation et le désengagement total de l'instance publique de la fixation des prix. Cela devrait permettre au gaz butane, de retrouver une utilisation rationnelle dictée uniquement par les lois du marché, qui lui a fait défaut jusqu'à présent. Cela nécessite néanmoins de passer par une étape intermédiaire pour l'examen et l'amélioration des structures de prix actuelles en tenant compte des marges bénéficiaires accordées au secteur et de la subvention des prix. En somme, un chantier colossal se prépare pour la filière gazière. Le casse-tête de la décompensation du butane La tarification du gaz butane est basée, en amont, sur des prix indexés sur le marché international, les prix de vente au public, en aval, sont gelés depuis 1995, et c'est l'Etat qui fixe le niveau des marges, à tous les stades de commercialisation de la bouteille. Aussi, alors que le prix du butane commercialisé en vrac (destiné aux industriels) est fixé par l'Etat, mais non subventionné, celui de la bouteille de gaz butane, est fortement subventionné. Sur la subvention globale accordée aux prix de tous les produits pétroliers, le butane représente une part importante (voir graphique). Partant, la décompensation du prix de la bouteille constitue une problématique socio-économique. En effet, elle représente une première étape-clé, vers une libéralisation ultérieure des prix, ce qui sera bénéfique à l'économie de marché et à l'allègement des charges de l'Etat. Elle peut également nuire au pouvoir d'achat et au niveau de vie des citoyens, et aggraver le problème de la déforestation. Par ailleurs, le prix bon marché de la bouteille subventionnée a encouragé son utilisation, dans des conditions non sécurisées, dans le pompage de l'eau, pour les besoins de l'agriculture, alors que la subvention a été initialement conçue pour les besoins de cuisson et de chauffage de l'eau des ménages, surtout les foyers démunis. Cette subvention profite, aussi, à toutes les activités économiques et à tous les foyers, y compris les foyers relativement aisés.L'une des solutions possibles, largement débattue, est de recourir au ciblage de la subvention, et d'en faire bénéficier, uniquement, les foyers démunis, «encore faut-il instaurer des garde-fous», relativise-t-on au ministère de l'Energie. L'étude lancée aujourd'hui par le ministère devra être examinée en vue d'identifier les difficultés possibles, d'évaluer l'impact socio-économique et de proposer lesdits garde-fous à mettre en place dans le cadre de la décompensation du gaz butane.