Une porte de sortie... Serait-ce cela que recherche l'industrie turque du textile et de l'habilement au Maroc ? C'est du moins ce que laisse à penser la levée de rideau hier sur «Maroc Textiles 2012», à Casablanca. La capitale économique accueille durant trois jours la première édition de cette manifestion commerciale et professionnelle. Dans les stands de la cinquantaine de PME turques présentes, quasiment tous les segments de produits sont représentés, mais avec une part belle aux matières de base du secteur telles que le coton, les fibres et tissus synthétiques, etc. «Il s'agit d'une opération commerciale de repositionnement sur le marché marocain. C'est un véritable marché de croissance pour nos produits», explique aux Echos Ezra Gezmis, directrice de projet chez Meridyen, l'entité entrepreneuriale organisatrice de l'évènement. En effet, la plupart des enseignes participantes à l'évènement en sont à leur première opération d'approche, il faut savoir que l'offre textile turque est déjà bien présente dans les importations du royaume, notamment pour les matières premières textiles. Depuis que la demande européenne a commencé à décliner dangereusement, du fait d'une conjoncture économique défavorable, les entreprises turques du textile semblent se redéployer vers d'autres marchés pour éviter la déroute de la dernière crise économique 2008-2009 (20% des entreprises du secteur avaient mis la clé sous le paillasson). L'idée est désormais de renforcer les acquis sur d'autres marchés de niches, dont le Maroc. «Le royaume offre effectivement beaucoup d'opportunités pour les produits de base du secteur», explique Ezra. Le coton est l'un de ces produits. Rien que pour l'année 2010, près de 17% des importations du royaume opérées sur le coton proviennent de ce marché, pour une valeur cumulée annuelle de plus de 100 millions de dollars US. Les «étoffes de bonneterie» constituent le deuxième plus important groupe de matières premières textiles importées par le Maroc, avec une valeur de plus de 30 millions de dollars US en 2010. En troisième lieu, interviennent les fibres synthétiques ou artificielles discontinues, avec des importations totalisant un peu plus de 28 millions de dollars US. Ces chiffres devraient être en amélioration continue dans les années à venir, puisque les deux pays sont en train de négocier un élargissement de l'accord de libre-échange en vigueur depuis 2006 entre les deux parties. Toutefois, la Turquie n'est pas uniquement vue sous la casquette du fournisseur de matières premières, à une industrie marocaine majoritairement à vocation sous-traitante. Partenaire ou concurrent ? Ce pays est également - et surtout - un des concurrents les plus coriaces de l'offre locale sur les marchés des produits finis, en l'occurrence celui de l'espace européen. Avec un poids de 11% du PIB et environ deux millions de personnes employées (7% du PIB et 40% des emplois nationaux, pour le Maroc), la Turquie est actuellement le huitième plus gros exportateur mondial de textile et le quatrième pour l'habillement Ce géant est fortement bien implanté dans son marché de prédilection et de proximité, l'Union européenne, juste derrière la Chine, devenue leader du secteur depuis la suppression des quotas d'importation européens à partir de 2005. Mieux, depuis l'avènement du «printemps arabe», la crise européenne ne semble plus avoir d'effets sur le textile turc. Les perturbations politiques qui prévalaient dans la région nord africaine ont en effet provoqué une réorientation massive du peu de commandes européennes qui restaient jusque là malgré la crise, vers la Turquie. Cela a eu des effets rapides : les exportations de produits textiles de la Turquie ont retrouvé la voie de la croissance avec +30% en 2011. «Pour la sous-traitance, je pense que certains pays se sont spécialisés face à l'invasion de produits chinois et que les Turcs ou les Marocains doivent trouver des niches de marché car, pour les grosses commandes, l'Asie est en train de se profiler sérieusement en tant que concurrent», commente un connaisseur du secteur.