La première rentrée patronale sous l'ère Bensalah risque de faire bien des déçus. Celle ci est bien partie pour se faire par la même porte que celles des années précédentes ; ni trop grande pour s'inscrire dans l'exceptionnel, ni trop petite pour tomber dans le limitatif. Affichant un air routinier de déjà-vu, cette rentrée ne devrait en effet pas trop se différencier de celles auxquelles le patronat nous a pendant longtemps habitué. Ce qui explique la petite note de déception de ceux qui s'attendaient à une certaine rupture et un ton nettement différent vis-à-vis du gouvernement. Pour l'heure en effet, «la préparation des débats et le vote de la prochaine loi des finances devraient être au centre de nos principales préoccupations pour les trois prochains mois», confie aux Echos un responsable du staff de communication du patronat. Sur ce dossier en particulier, la confédération n'a pas fait attendre l'opinion publique. La patronne des patrons n'a pas dérogé à la tradition des propositions fiscales de la CGEM. Toutefois, pour certains observateurs, si cette rentrée patronale devait être vide en «gros» dossiers, Meriem Bensalah dispose d'une circonstance atténuante liée au fait qu'elle vient à peine de s'installer dans son nouveau fauteuil de présidente de la CGEM. «Et comme toute nouvelle élection, il lui faudrait à elle et à son équipe, une sorte de délai de flottement avant d'asseoir sa politique, le temps de s'imprégner des dossiers courants et de la conjoncture particulière dans laquelle est intervenue son élection», pense pour sa part, ce responsable d'une fédération professionnelle membre de la structure patronale. Une position que la patronne des patrons avait déjà exprimée il y a quelques jours, en marge de la présentation de ses propositions à la presse nationale. «Bien sûr, la question centrale qui se pose aujourd'hui est celle de comment gérer cette période transitoire? Il y a des opportunités à saisir en améliorant le climat des affaires et en libérant l'initiative privée, ainsi qu'en réformant la fiscalité», a-t-elle commenté. Sa politique semble en tout cas, jusque là, bien à l'écoute des «maux» macroéconomiques du royaume. Le gouvernement aura donc à faire avec un patronat «solidaire» - ou fair-play - au vu de la mauvaise posture des finances publiques. Cela a d'ailleurs été démontré à travers les doléances transmises au ministère de l'Economie et des finances. Dans le document, le patronat s'est bien gardé de négocier des exonérations et abaissements fiscaux quels qu'ils soient, avec le gouvernement. Le privé sait pertinemment que l'Etat est très mal positionné actuellement d'un point de vue budgétaire, pour se permettre le luxe de la défiscalisation à quelque niveau et niche d'imposition que ce soit au profit du privé. Les doléances des professionnels ont donc surtout trait à des «mesures non budgétaires», portant notamment sur le soutien à la compétitivité des entreprises et l'amélioration de la relation avec le contribuable. Reprise ? Certes, néanmoins la rentrée 2012-2013 ne sera pas faite uniquement de cela. D'autres perspectives attendent indirectement le patronat d'ici l'année prochaine. L'une d'elles porte sur l'évolution de la conjoncture économique dans la zone euro, partenaire commercial privilégié du privé marocain, et sur la reprise de la demande extérieure. Un début de fin de crise, prévu pour le dernier trimestre de 2012 par plusieurs récents rapports de structures nationales (Haut commissariat au plan, Centre marocain de conjoncture, etc...) et internationales (Fonds monétaire international). Au troisième trimestre 2012, une croissance de 1,3%, en variation trimestrielle, du commerce mondial, faisait espérer au HCP une reprise parallèle de la demande mondiale adressée au Maroc. Celle-ci était en effet attendue en progression au cours de la même période, à un rythme supérieur à celui enregistré au second trimestre, soit +1,2% en variation trimestrielle. Cela constitue un bon présage pour les carnets de commandes des opérateurs locaux, si la tendance se maintient pour ce dernier trimestre de l'année. La diète financière L'autre grande inconnue de la rentrée patronale concerne directement les trésoreries du privé. Les banques et autres institutions financières s'enlisent de plus en plus dans le gouffre du défaut de liquidités, d'où une frilosité accrue attendue pour les prochains mois, en termes de financement des activités du privé. «L'accès au financement bancaire a été jugé globalement difficile au cours du deuxième trimestre 2012, avec un solde d'opinion de 24%», relève-t-on à partir des résultats de la dernière enquête conjoncturelle de Bank Al Maghrib. De plus, «le coût des crédits a connu une augmentation dans l'ensemble des branches», selon les observations de BAM. Cette situation touche particulièrement le secteur des industries chimiques et parachimiques. Par ailleurs, la trésorerie des entreprises a été affectée essentiellement par les difficultés de recouvrement et par les charges non financières, ce qui accentue la pression sur la tête des patrons. ...Et à plusieurs vitesses Energie Ce sera peut-être l'une des rentrées sectorielles les plus dynamiques. Dans le secteur des énergies renouvelables, en particulier, le privé attend l'aboutissement du processus d'adjudication des grands projets d'ici à la fin de l'année. C'est le cas de la première phase du plan solaire marocain à Ouarzazate, portant sur une capacité installée de 500 MW. En effet, même si les responsables de la Moroccan agency for solar energy n'ont encore rien indiqué dans ce sens, il est quasi certain que les résultats d'adjudication de cette première phase du projet, devraient tomber dès la reprise des affaires. La deuxième phase devrait ensuite être mise sur le marché public avant la fin de l'année. Sur une autre filière, celle du gaz en l'occurrence, de nouveaux dossiers devraient rentrer dans le circuit dès la reprise des activités. Une loi est effectivement déjà en préparation pour le secteur, dans le but de règlementer le marché intérieur, de la production à la distribution, en passant par le transport. De plus, cette mise à jour réglementaire devrait être accompagnée par la mise en place d'une structure publique de régulation et de veille des évolutions de la filière gazière. Agriculture/Agro-industrie Les opérateurs de ce groupe de secteur reprendront leurs activités dans un contexte international très tendu. Pour la filière des agro-industries particulièrement, le marché des matières premières alimentaires se trouve sous la menace d'une flambée des cours, même si la situation reste encore bien loin de celle de 2008-2009. Ces augmentations de prix devraient également peser lourdement sur les activités des opérateurs négociants de céréales et légumineuses. En amont du secteur, les professionnels devraient démarrer la prochaine campagne agricole avec quelques petites nouveautés. C'est le cas par exemple de l'Office national de la consultation agricole, dont le texte de loi portant sur sa création, vient d'être voté par le Parlement. La structure chargée de coordonner les services publics de la vulgarisation agricole, devrait vraisemblablement être opérationnelle dès les prochains mois. Logistique & transports C'est par l'évènementiel que les activités devraient reprendre dans ce secteur. Organisée par la Fédération du transport de la CGEM (FT-CGEM), la deuxième édition de Logistra se tiendra du 5 au 9 septembre prochain. Une centaine d'exposants sont attendus à ce grand rendez-vous. Cependant, pour les professionnels de la FT- CGEM, l'évènement ne constitue pas plus qu'un parfait prétexte pour relancer les problématiques et enjeux du secteur. Parmi ces derniers, le retard accusé dans la réalisation de la stratégie logistique nationale. Prévue dans le cadre des réalisations du contrat-programme 2010-2015 conclu avec l'Etat, l'Agence marocaine pour le développement de la logistique tarde encore à entrer en opération. L'agence est censée servir de catalyseur à la concrétisation des objectifs des professionnels du transport, qui se sentent encore loin de la dynamique compétitive recherchée à travers la mise en œuvre du contrat-programme avec l'Etat. Cet air d'attentisme devrait se prolonger dès la prochaine reprise des activités. Offshoring La rentrée se fera dans le même climat qu'au début de la trêve estivale : tumultueux. Le redressement productif entamé par le gouvernement Hollande et géré par Arnaud Montebourg, se veut intransigeant et continue de brandir la menace du rapatriement de tous les centres d'appels délocalisés de France, sinon une bonne majorité. À un peu moins de quinze jours de la rentrée des patrons, le sujet domine plus que jamais l'actualité. La dernière polémique en date est liée à ce que la presse française appelle déjà le «scandale» du syndicat des transports d'Île-de-France (Stif). La structure a en effet attribué un contrat à la représentation marocaine d'un prestataire connu dans la gestion de clientèle délocalisée : B2S. Notons que cela se fait au détriment de la nouvelle politique anti délocalisation de la France «Hollandaise». Le gouvernement français a en effet demandé au Stif de revoir son contrat avec B2S Maroc afin de garantir que les emplois qui seront créés par ce contrat, ne le seront qu'en France. Pendant ce temps, la Fédération des technologies de l'information des télécommunications et de l'offshoring prépare la riposte : un projet de refonte de l'offre marocaine devrait démarrer dès cette rentrée. Banques et finances Les vacances ont dû être très courtes pour les professionnels de ce secteur et la reprise se prépare dans un climat de liquidité à sec. Bank Al Maghrib multiplie depuis plusieurs mois ses interventions sur le marché monétaire, pour soutenir les liquidités bancaires qui se creusent au fur et à mesure que l'année avance. Officiellement, aux dernières nouvelles, le niveau du déficit de liquidités du système bancaire marocain a dépassé la barre des 71 MMDH à fin juillet. Un triste record pour les banquiers, mais récurrent depuis le début de l'année. En effet, ce déficit s'alourdit d'un mois à l'autre de plus de 10 MMDH. La Banque centrale justifie principalement cette situation par la combinaison de trois grands facteurs : «l'élargissement de la circulation fiduciaire, la baisse des avoirs extérieurs nets du Maroc, ainsi que l'amélioration du compte du Trésor auprès de la Banque centrale». La dernière intervention de BAM pour alléger la pression s'est opérée tout juste la semaine dernière. Elle porte sur un montant de 57,5 MMDH au titre des avances à 7 jours sur le marché monétaire, au taux de 3%. BTP C'est une grande vague d'amélioration de l'activité qui devrait souffler sur ce secteur à partir de la rentrée prochaine, notamment sur le créneau de la règlementation. D'abord, dans la filière des matériaux de construction, le décret d'application de la loi sur les carrières devrait probablement voir le jour dans les prochains mois. La tutelle, en tout cas, n'a de cesse de donner des garanties et d'exprimer sa volonté politique de faire aboutir ce chantier dans les meilleurs délais. Les marbriers, producteurs de granulat et de sable, sont particulièrement concernés par ce texte. Quant au secteur de la construction, après un premier trimestre 2012 partiellement dynamique, la prochaine rentrée ne devrait pas changer grand-chose à la tendance au ralentissement perçue sur les activités du secteur, depuis le second trimestre de cette année. Cette tendance rend «incertaines» les perspectives de croissance de l'activité à court terme, selon le HCP. En outre, malgré la bonne performance des activités annexes à la construction, relevée depuis la deuxième moitié de 2011, le secteur perd progressivement de l'élan et se place une nouvelle fois dans une phase d'essoufflement de l'activité, selon les appréciations du HCP. En quête de compromis Il s'agissait d'une grande rencontre avant le grand démarrage. Le 15 août dernier, le patronat était au bureau du ministre de l'Economie et des finances, Nizar Baraka. La rencontre portait, selon un communiqué officiel, sur «la relance de l'économie nationale et la promotion de l'entreprise citoyenne», sous la présidence d'Abdelilah Benkirane, le chef de gouvernement. Cette réunion a offert une «opportunité de dialogue» entre les autorités publiques et les membres du bureau de la CGEM. Elle a été également l'occasion «d'examiner les moyens de promotion de l'entreprise citoyenne et de relance de l'économie nationale dans un contexte mondialisé», selon la même source. Benkirane a par ailleurs promis «l'engagement de son équipe à déployer les efforts nécessaires en faveur de la réussite de l'entreprise, de la création de postes d'emploi, de l'immunisation de l'économie nationale et de l'encouragement de l'entreprise marocaine». Les deux parties ont ainsi convenu de maintenir un dialogue régulier concernant les différentes questions, et partant, «d'être en mesure de prendre les décisions adéquates en faveur de la relance de l'économie nationale et du développement social», a-t-il indiqué.