«Sur un horizon à court terme, les tensions sur les liquidités bancaires devraient persister en l'absence d'événements majeurs qui pourraient résorber durablement le déficit de liquidité, qui est devenu structurel», prédit l'équipe de recherche de BMCE Capital Markets pour le compte de l'année 2012, dans son premier quart. «Evénement majeur», autant dire un miracle dans une conjoncture internationale et, in extenso, nationale morose, qui ne laisse que peu de marges de manœuvre, et qui incite de surcroît, dans une économie encore «pré-industrielle», à l'attentisme plus qu'elle ne favorise les initiatives, et donc les prises de risque. D'autant que le déficit de liquidité est «structurel», ce qui nécessite, pour sa médication économique, la mobilisation de moyens et ressources viables plutôt que l'attente de l'avènement d'une solution ponctuelle illusoire. C'est donc la visibilité sur les perspectives de l'économie dans son ensemble qui grève le marché monétaire, la liquidité n'étant qu'un souci parmi d'autres tout aussi structurels et conséquents. «Recours du Trésor au marché local pour financer ses besoins, la réduction des réserves de change, la baisse du rythme de création monétaire due au ralentissement de la distribution des crédits à l'économie, au paiement des recettes fiscales, au paiement des dividendes en faveur des investisseurs étrangers» constituent des facteurs restrictifs pour la liquidité, selon les analystes de BMCE Capital. Combinés les uns aux autres, ces mêmes facteurs rendent inévitable «le maintien du déficit de liquidité actuel» courant 2012 et sont d'ailleurs à l'origine du creusement du déficit de liquidité en 2011. Estimé à 11 MMDH au premier semestre 2011, il se serait aggravé de près de 23 MMDH pour atteindre 34 MMDH à fin décembre, soit au final une dégradation de plus de 200% en une année. Cette «insuffisance de liquidité» contraindra, par conséquent, les autorités monétaires nationales à maintenir leur degré d'intervention sur le marché, comme ce fût le cas en 2011 et toutes les années qui ont précédé. À la seule différence, conjoncture internationale oblige, que ces interventions se feront dans un contexte de plus en plus serré. Bank Al-Maghrib et le Trésor tiendront-ils longtemps face à ce problème? L'année passée, les injections de monnaie centrale se sont appréciées de 7 MMDH, passant de 16,6 MMDH en moyenne quotidienne en 2010, à 23,6 MMDH en 2011, quand en parallèle celles du Trésor ressortent à près de 2 MMDH, en moyenne quotidienne. La question posée aussi pour la Caisse de compensation et, de manière générale, pour la politique d'aides et de subventions généralisées est toujours sans réponse. «Le recours à la planche à billets est probablement une mesure temporaire pour atténuer la crise de liquidité existante», assure BMCE Capital Markets. Des choix devront être faits à ce niveau, et se joueront certainement entre la volonté de gagner la confiance des marchés, et celle des agents économiques. Marché de la dette privée S'il est un marché financier qui gagne au change, c'est bel et bien celui de la dette privée. Il n'est en effet un secret pour personne que l'aversion au risque est la fille ainée de l'incertitude chez tous les investisseurs. Au Maroc, ces derniers n'ont pas fait l'exception. Suivant une logique de «diversification des risques», ceux-ci ont soutenu la dynamique (haussière) des émissions en 2011, valorisant au passage l'encours de la dette privée de près de 21%, soit «150 MMDH (en 2011) contre 122,9 MMDH en 2010». Par composantes principales et sur «un trimestre glissant (T4)», les contributions les plus marquées ont été celles des billets de trésorerie des certificats de dépôt (+ 49% à 16,6 MMDH) et des émissions obligataires (+47% à 7,35 MMDH). «Sur une année glissante», les billets de trésorerie affichent une évolution exceptionnelle. Leur volume est ainsi passé de 590 MDH en 2010 à 1.690 MDH en 2011. Dans l'ensemble, les émissions de la dette privée se sont appréciées de 50%, pour atteindre 27,5 MMDH en fin de 4e trimestre 2011, contre 18,3 MMDH à la même période en 2010. Primes de risques «Les niveaux de primes de risques devraient s'inscrire en légère hausse», prédit le rapport, et pour cause, «l'insuffisance de liquidités chez les investisseurs, et l'approche des ratios d'exposition émetteurs des limites réglementaires», vont certainement maintenir «cette pression sur les spreads». Les remboursements au titre des échéanciers et des engagements de la dette privée vont par ailleurs inciter «les investisseurs à exiger une prime à un taux supérieur», dont les effets, selon le rapport, se manifesteront, dans le secteur bancaire par «une volatilité sur les maturités courtes et MLT», dans le secteur public par «une quasi-stabilité du spread des émissions garanties par l'Etat ou les entreprises publiques (maîtrise du risque de crédit)», dans le secteur immobilier par «une légère hausse des primes de risques», et enfin dans le secteur industriel, par «la hausse des primes de risques des billets de trésorerie au vu de besoins de trésorerie importants des principaux émetteurs, et des émissions obligataires». En conclusion, «la hausse des taux souverains et des primes de risques devraient se traduire par un engouement des investisseurs en faveur du papier spread en 2012». Trésor, entre besoins et courbes de taux Les activités du Trésor alternent certitude et incertitude. Certitude à l'endroit de l'augmentation de ses besoins, incertitude sur la quantification projetée de ces derniers. S'endettant à hauteur de 10 MMDH au premier semestre 2011, les levées du Trésor «se sont accélérées durant le second semestre», avec cette particularité qu'en adjugeant «en fin d'année 2011 une maturité à 30 ans assortie d'une hausse des taux de 105 pbs sur le primaire», le Trésor «a voulu donner un signal au marché sur la préférence pour les maturités longues et ainsi augmenter la durée de vie de la dette souveraine», précise le rapport. Sur le marché primaire donc, la fin de l'année a vu le Trésor «contraint de concéder une hausse des rendements obligataires», après «une quasi – stabilité des taux sur les 3 premiers trimestres de l'année». Le même scénario s'est produit sur le marché secondaire qui a ainsi connu une hausse des taux d'intérêts des maturités CT de 8 pbs, encore «plus significative pour les maturités MLT, allant jusqu'à 18 pbs pour la maturité 30 ans». Par ailleurs, si «le recours massif du Trésor (en 2011) a été un signal fort de la hausse de ses besoins de financement», cette situation risque d'être maintenue en 2012, où «l'échéancier de (sa) dette fait ressortir une tombée de 68,6 MMDH au titre de l'année 2012», un montant que le Trésor «devrait plus que renouveler dans un contexte monétaire marqué par un déficit de liquidité structurel».