Reprise ou pas reprise ? Le secteur du textile cherche toujours la parfaite conjoncture pour prouver son redémarrage. Mais cette reprise tarde à se traduire en réalité concrète et assez durable pour paraître acquise. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. À l'export par exemple, les vêtements confectionnés et les articles de bonneterie, principales composantes des produits finis de consommation, se vendent bien... mais au ralenti. Pour le premier type d'articles, les exportations ont en effet atteint à fin 2012, une valeur cumulée semestrielle de 9,8 MMDH. En comparaison à la même période une année auparavant, leur taux de croissance s'établit à -3,1%. C'est le cas également pour les articles de bonneterie, dont la valeur à l'export a légèrement fléchi de 3.706,5 MDH contre 3.827,3 MDH, au terme du premier semestre 2011, soit une variation négative de 3,2%. Ce n'est pas tout. L'incertitude de la performance du secteur, jadis l'un des premiers employeurs du royaume, s'exprime également à travers une instabilité des niveaux de commandes reçues sur ces trois derniers mois, selon les résultats de la dernière enquête de conjoncture menée mensuellement par Bank Al-Maghrib. Auprès des professionnels, le facteur justificatif de cette situation assez mitigée, est tout désigné. «Cette baisse est principalement due à la crise européenne. Cependant, face à la baisse de la consommation dans plusieurs pays d'Europe du Sud, on peut s'apercevoir finalement que cette baisse constitue en réalité une véritable performance», rassure Mohamed Tazi, directeur général de l'Association marocaine des industries du textile et de l'habillement (Amith). Mais les soucis des professionnels ne semblent pas uniquement se limiter à ce facteur exogène. Virage en douce L'accès au financement est également un des facteurs bloquant la mue entamée par le secteur depuis un peu plus de deux dans maintenant, dont le principal objectif était de passer d'une industrie de sous-traitance à la co-traitance. «Toute transition a besoin de financement. Ces besoins sont multipliés par sept pour le cas précis du secteur textile local», explique Ali Berrada, professionnel du secteur et consultant. «Il faudrait donc un soutien financier pour soutenir les trésoreries et les fonds de roulement des opérateurs, surtout en cette période de baisse de commandes, de faciliter l'accès aux crédits et l'aval de prêts. Mais les banques sont devenues très frileuses». Ces dernières sont en effet de moins en moins promptes à se bousculer au chevet des secteurs en mal de cash. Cela correspond à une tendance globale de plus en plus en affirmation, et qui veut que tous les secteurs industriels soient confrontés à un accès au financement bancaire, jugé globalement difficile au cours du deuxième trimestre 2012. Pour les observateurs du secteur, l'aboutissement de cette transition est d'autant plus urgent que le secteur a besoin de se refaire une offre commerciale et de se pencher sérieusement sur la diversification de ses débouchés. «Il y a un manque d'agressivité commerciale notoire dans le secteur et une nécessité de diversification des marchés. Cependant, tout cela dépend toujours de l'offre», pense un autre responsable de l'Amith. Les professionnels sont en effet tout à fait conscients que rester sur une offre de sous-traitance, comme c'est le cas actuellement, les condamnerait à une dépendance long-termiste des marchés du sud de l'Europe. Là où d'autres régions du monde sont dans la grande distribution. Mohamed Tazi, Directeur général de l'Amith. «L'évolution sera positive en 2012» Les Echos quotidien : Les exportations d'articles textiles ont légèrement reculé de 3% à fin juin dernier. La crise économique européenne est-il le seul argument explicatif de cette situation ? Mohamed Tazi : En s'élevant à 15,2 MMDH, les exportations textiles sont effectivement en légère baisse à fin juin 2012, par rapport à la même période de 2011. Toutefois, et au regard de la baisse de la consommation qui est de l'ordre de 10 à 15% au niveau des marchés espagnols et français, marchés que nous desservons en premier, de la baisse de 8% des importations de l'UE, de l'impact négatif sur nos exportations du taux de change euro/dirham qui, sur la période est de l'ordre de 3 à 4%, on peut s'apercevoir finalement que cette baisse constitue en réalité une véritable performance. Cela explique-t-il également la forte variation des niveaux de commandes observée sur les trois derniers mois ? Après une fin d'année 2011 difficile, l'activité en 2012, mois après mois, s'est sans être exceptionnelle, s'est beaucoup normalisée pour la plupart des segments textiles marocains. Cette normalisation cache en réalité de grands sacrifices au niveau des prix et au laminage des marges. Les délais de livraison sont de plus en plus courts et les paiements sont de plus en plus longs, ce qui au niveau des entreprises se traduit par une trésorerie de plus en plus exsangue. Quelle devrait-être l'évolution estimée du chiffre d'affaires du secteur pour cette année par rapport à 2011 ? L'évolution sera positive et l'on devrait très aisément dépasser les 29,3 MMDH de l'année dernière pour deux raisons au moins. La première est d'ordre structurel, le repli observé des donneurs d'ordres sur l'espace méditerranéen, le second est lié à la saisonnalité et à la météorologie. Ces deux variables, en période de faible visibilité liée à la crise économique, favoriseront indéniablement et en toute logique le sourcing de proximité. Les TUT, l'exutoire ? C'est une aubaine qui semble encore en mal de séduction, en dépit du potentiel qu'elle recèle. Une étude d'opportunité, présentée en 2010 aux membres de l'Amith, avait en effet prouvé la faisabilité d'une orientation stratégique de l'offre marocaine, vers les textiles à usage technique (TUT). Cette filière, qui pèse quelque 88 milliards d'euros à l'échelle mondiale, pourrait être la bonne porte de sortie pour la croissance du secteur, face à la crise de la consommation en Europe. En 2010, l'étude montrait qu'il paraissait possible au secteur local de faire progresser la filière textiles à usage technique à une part de 25% à l'horizon 2020. En effet, étant donné le potentiel de croissance de cette filière, qui devrait être favorisé par la mise en œuvre des stratégies sectorielles lancées par le royaume, ainsi que par les grands projets d'infrastructure des secteurs comme les BTP, l'agriculture, l'industrie chimique et para-chimique. Ces derniers sont en effet fortement demandeurs de ce type de textile.