La détresse psychologique a eu raison du moral des marins de la Comarit, bloqués dans les quais du port espagnol d'Algésiras. Le dernier groupe de l'équipage des quatre navires amarrés et assignés à quai par l'autorité portuaire de la baie d'Algésiras, l'APBA, est rentré au Maroc après sept mois de protestations. Seulement, l'affaire est loin d'être close. Selon une source à la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF), le dossier sera porté devant la justice espagnole. D'ailleurs, des représentants des marins sont attendus dans la province d'Almeria où ils devront signer, chez un notaire, une procuration au profit des avocats désignés par l'ITF, lesquels devront mener une action judiciaire auprès des tribunaux espagnols, car malgré l'atermoiement de leur employeur et le non paiement de leurs salaires et droits, les marins ne se sont jamais dirigés vers les tribunaux, préférant attendre un arrangement à l'amiable avec l'armateur. Ne voyant rien venir, ils ont décidé de recourir à la justice espagnole et marocaine. En effet, deux avocats mandatés par l'ITF, et choisis par lesdits marins, ont d'ores et déjà entamé la procédure au tribunal de Tanger et suivront la même procédure sur le sol espagnol. «À travers cette démarche, nous essayons d'obtenir une reconnaissance de la dette de la part de la justice espagnole car l'armateur marocain a plusieurs créanciers et si la justice décide de vendre aux enchères les bateaux assignés à quai, nous espérons avoir la priorité», nous explique cette source au sein de l'ITF. En effet, selon la loi régissant l'activité du transport maritime, en cas de vente aux enchères pour permettre aux créanciers de récupérer la dette due par le propriétaire, les marins sont considérés comme créanciers prioritaires. D'autant plus que dans le cas de la Comarit, la liste des créanciers est longue, cette dernière étant répartie entre fournisseurs de ravitaillement, factures de travaux de maintenance effectués dans les chantiers navals, les droits de port impayés,... etc. À l'origine des saisies décidées par le tribunal de Cadiz dans le port d'Algésiras, le chantier naval espagnol Navantia qui brandit des impayés de 3 millions d'euros à Comarit. D'ailleurs, auprès de l'APBA, c'est la confusion totale. Jamais dans l'histoire de ce gestionnaire de port, une telle affaire ne s'était produite. «Nous sommes obligés de nous soumettre à la décision judiciaire et de maintenir les navires amarrés, mais nous ignorons jusqu'à quand cette situation va perdurer», explique une source autorisée à l'APBA. De l'autre côté du détroit, c'est le silence radio, malgré les différents appels de détresse lancés par les marins. Certes, la direction a envoyé à la mi-juin une lettre à ses employés, où elle promettait un déblocage rapide de la situation et annonçait des pourparlers «avancés» avec un important groupe de la place pour renflouer ses caisses et effacer l'ardoise, mais il s'agissait de la seule et dernière fois que la direction s'était manifestée auprès de ses employés. En dépit de tout ce qu'ils ont enduré, les marins ont appelé la direction à monter la garde auprès des bateaux abandonnés pour éviter les pillages des machines et des installations, quoique la majorité des bateaux se trouvent actuellement dans un état de délabrement avancé ayant une valeur qui a vertigineusement chuté, à défaut d'entretien technique.