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Appel de détresse depuis Algésiras
Publié dans Les ECO le 22 - 02 - 2012

Depuis trois mois, un décor peu habituel règne dans le port d'Algésiras. Quatre bateaux appartenant à l'entreprise maritime Comarit-Comanav sont assignés à quai par les autorités de ce port. Objets de saisies conservatoires pour des créances impayées, les navires Ibn Batouta, Al Mansour, El Boughaz et Banasa, battant tous pavillon marocain, sont retenus contre les quais espagnols. Cependant, il n'y a pas que les bateaux qui ne sont plus autorisés à larguer les amarres. Les 120 marins marocains, qui forment l'équipage de ces navires, sont eux aussi cloués au sol dans des conditions lamentables. La critique situation financière que traverse l'armateur marocain a fini par s'abattre sur ses employés. Les réserves de victuailles des navires se sont déjà amenuisées et l'électricité est devenue un luxe à bord, à cause du manque de provisions en carburant. Cela sans parler de l'absence d'eau, une denrée rare que l'équipage se démène à préserver. «Cela fait deux semaines que nous ne prenons plus de douches pour économiser nos dépenses en eau potable», raconte la jeune lieutenant, Asmae Jlilat, au bord des larmes. Une odeur nauséabonde se dégage de l'un des bateaux à cause des sacs-poubelles amassés à l'entrée. À l'intérieur, les navires ressemblent à des bateaux échoués et l'absence d'éclairage donne des frissons aux visiteurs. L'équipage ne tient plus le coup après trois mois de blocage contre les quais d'Algésiras. Au début de la crise, l'entreprise acheminait des vivres au compte-gouttes, mais aujourd'hui, les marins survivent grâce à la charité des associations caritatives espagnoles. Outre cette situation d'abandon par l'armateur, les marins disent ne plus percevoir leurs salaires et ceci depuis trois mois. Cette situation a alerté la Fédération internationale des ouvriers du transport, l'ITF. L'Organisation, dont le siège est à Londres, a mandaté ses représentants établis en Espagne pour venir en aide aux délaissés. Une conférence de presse a aussi été organisée pour jeter la lumière sur ce calvaire et lancer un appel aux autorités marocaines pour qu'elles interviennent. D'après José Ortega, le représentant de l'ITF en Espagne, la situation est plus que dramatique. «Nous avons rendu visite aux marins et nous avons constaté que la situation dans laquelle ils se trouvent est lamentable. Ni nourriture, ni accès aux médicaments, et les réserves d'eau sont épuisées», explique-t-il. Grâce à l'intervention des syndicats espagnols, les fournisseurs ont accepté de ravitailler en carburant quelques bateaux afin de tenir quelques jours. Une situation provisoire qui ne rassure guère les concernés. Au fil des jours, le désarroi s'accentue et l'équipage abandonné est encore plus désemparé. D'autant plus qu'ils regrettent que les autorités marocaines ne se soient pas encore manifestées. «Nous nous sommes rendus au consulat d'Algésiras pour solliciter de l'aide, en vain.
Personne n'a daigné nous recevoir. Nous sommes des Marocains en difficulté et notre Etat doit venir à notre rescousse», regrette Bencheki Aziz, qui a à son actif 26 années d'ancienneté au sein de la Comanav. Pour comble de malheur, l'équipage n'est pas autorisé à abandonner les navires, sinon les marins seront licenciés pour abandon de poste et perdront ainsi leurs droits et leurs indemnités. Outre cette situation d'abandon, les marins parlent de véritables drames sociaux au sein de leurs familles laissées au Maroc. «Nous sommes coupés de tout contact avec nos familles, lesquelles souffrent aussi. C'est scandaleux», s'indigne ce marin. Certains salariés de l'armateur sont menacés par les banques de saisie de leurs biens pour défaut de paiement. «La dégringolade de notre situation remonte à bien longtemps. Depuis l'acquisition de Comanav par Comarit, nos acquis ont accusé un coup dur. Nous avons appris à nos dépens que l'entreprise procédait à des rétentions sur nos salaires sans pour autant honorer ses engagements vis-à-vis de la CNSS et de la CIMR, se lamente le Merz Said. L'équipage a adressé une lettre au ministre du Transport mais la réponse se fait toujours attendre. «L'on ne compte pas abandonner le navire. Nous voulons les arriérés de nos salaires et que nos droits soient protégés», exige Said Nogochy, lieutenant-mécanicien et le reste de ses compagnons de fortune. En attendant une issue à leurs problèmes, ils broient du noir dans des navires qui ont fait jadis la fierté de la flotte maritime marocaine.

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