La Fédération nationale des entreprises de travail temporaire (FNETT) expose aujourd'hui, au siège de la CGEM, ses propositions d'amendements aux textes actuels relatifs au travail temporaire au Maroc. Le but affiché de prime abord est celui d'«assurer la protection des droits des salariés intérimaires», au moyen d'une structuration de «l'exercice du métier d'une manière plus rigoureuse et plus professionnelle». Pour la principale fédération concernée, la FNETT, rigueur rime avec «respect des droits des intérimaires», et professionnalisme avec intérim «comme outil de management de la flexibilité» et non «comme outil de la précarité». Deux chapitres non encore réellement clarifiés comme il se doit par la législation actuelle. Pour certains experts, cette situation reflète «le désintérêt du pouvoir exécutif pour la question de l'emploi». Un code de convenance 8 années se sont écoulées depuis que le travail temporaire a fait son entrée dans le code du travail marocain, et pourtant, bien des observateurs, experts, associations et fédérations, ne cessent, depuis 2004 déjà, de remettre sur le tapis, année après année, la nécessité de remédier à «l'absence de règles» qui caractérise encore et toujours le travail temporaire au Maroc. Ce flou juridique trouve en fait autant d'explications qu'il y a d'acteurs concernés par cette question «embarrassante». Elle l'est effectivement du fait de l'absence de courage politique, qui se matérialise chez l'exécutif par la difficulté d'arbitrer entre soutien à l'emploi et défense des droits des intérimaires. En effet, les sociétés incriminées pour manque de conformité aux quelques mesures de loi en vigueur jouent sur cet impératif public de création d'emploi pour rejeter celles de la précarité des intérimaires au second plan. En face, l'Etat invoque la réglementation de 2004 pour «noyer le poisson». Or, explique Jamal Belahrach, président de la FNETT, la loi de 2004 «n'introduit que la reconnaissance du travail temporaire», pour se conformer aux normes juridiques internationales, telles qu'exigées par le BIT (Bureau international du travail) et l'OIT (Organisation internationale du travail), et en cela, elle ne régule ni ne réglemente l'ensemble des pratiques en cours sur le marché du travail temporaire. «Le monde de l'entreprise est en perpétuel mouvement, les pratiques du monde du travail changent par conséquent sans cesse, il n'y a aucune raison donc pour que les règles n'évoluent pas non plus», argue Belahrach. Un coup politique La nature même du métier rend en fait son organisation, et partant sa réglementation, quelque peu compliquées. Le jeu des acteurs qui caractérise le secteur comprend en effet la force de travail (les intérimaires), les sociétés d'Intérim, et les entreprises faisant appel à leurs services. La responsabilité de ces dernières continue à avoir bon dos, dès lors que «la législation est floue», «le contrôle inefficace», et l'Etat aux abonnés absents, explique Belahrach. Le président en appelle aujourd'hui à un «Etat fort». «L'intérimaire aujourd'hui est en situation de liberté provisoire», s'insurge-t-il, et de poursuivre, «engagé pour une mission donnée, on laisse espérer à l'intérimaire une intégration imminente au sein de l'entreprise», à coup de renouvellement de contrat, «au-delà de ce qui est permis», sans qu'il n'y ait réellement d'embauche au final. D'ailleurs, note Belahrach, la durée de trois mois renouvelables (contrats de mise à disposition pour motif d'accroissement de l'activité), «n'existe nulle part ailleurs». Que ce soit le renouvellement abusif (au-delà d'une fois) ou le non-respect des termes du contrat (remplacement avant les trois mois), cette situation finit, pour Belahrach, par créer «des usines à chômage». «En France, le code du travail comprend 250 à 300 pages» pour le seul travail temporaire, avance-t-il, une manière de plaider pour un renforcement de la législation en vigueur. Qui ne pourra cependant être complètement efficace que si les autorités publiques exercent convenablement leur droit de contrôle, quelque peu dépassé par les pratiques sur le terrain. Pour Belahrach, «Il est indispensable de se munir d'outils de contrôle», dont certains seront exposés lors de la conférence d'aujourd'hui. Seront-ils entendus cette fois-ci ? Pour la FNETT et Belahrach, «l'Etat n'a plus le choix, c'est maintenant ou jamais». Ce dernier reste pourtant optimiste, fondant ses espoirs sur «la fibre libérale du chef de gouvernement» et ses promesses de «justice sociale» dans le monde du travail. La FNETT a ainsi un bon coup politique à jouer aujourd'hui, celui de permettre au gouvernement de tenir une de ses promesses de campagne, la justice sociale, en le mettant devant ses responsabilités.