Le secteur de l'intérim a besoin d'un Etat fort et régulateur qui garantisse la liberté d'entreprendre et le respect des droits des salariés par les partenaires sociaux. Un salarié qui accepte une mission temporaire dans une entreprise utilisatrice n'a aucune revendication à faire quant à sa titularisation. Il n'est pas acceptable que les intérimaires soient maltraités par l'entreprise de travail temporaire qui les sous-paye, ne les déclare pas ou les sous-déclare. Pour Jamal Belahrach, président de la FNETT, de Manpower Maghreb & DOM TOM et DG de Manpower Maroc, il n'est pas étonnant que les donneurs d'ordre sélectionnent des sociétés de travail temporaire avec des prix inférieurs au prix de revient d'un SMIG. • Finances news hebdo : Après un engouement certain pour la délégation de certaines tâches par de grandes structures aux sociétés intérimaires, cette pratique se heurte aujourd'hui à un vide juridique qui aboutit à certaines situations génératrices de tensions. Face à cette situation, la Fédération nationale des entreprises de travail temporaire, que vous présidez, a préparé un projet de loi en vue de réglementer le secteur. Quelles sont les grandes lignes de ce projet et quand sera-t-il soumis aux autorités compétentes pour être enfin appliqué ? Et, surtout, à quelles problématiques devra-t-il répondre ? • Jamal Belahrach : Il clarifie les droits et devoirs des différentes parties (entreprise utilisatrice, Etat, entreprise de travail temporaire, salarié temporaire) d'une part et, d'autre part, il propose d'adapter la durée des missions à la réalité économique en fonction de la nature des détachements. Avec le développement de l'économie et les besoins de flexibilité des entreprises, il s'agit d'apporter des réponses efficaces aux entreprises et des emplois à des salariés. La nature du contrat importe peu dès lors que les droits des salariés sont totalement respectés. La responsabilité sociale n'est pas un concept, c'est une attitude du quotidien qui fixe des règles de conduite sans mettre en danger l'outil de production. Il est temps pour le législateur de légiférer dans ce sens pour éviter les drames économiques et sociaux. S'il n'y a pas d'entreprise il n'y a pas d'emploi. Et il n'y a pas d'emploi durable sans entreprise, responsable. Nous avons besoin d'un Etat fort et régulateur qui garantisse la liberté d'entreprendre et le respect des droits des salariés par les partenaires sociaux. • F. N. H. : Beaucoup déplorent la précarité des salariés et le non respect de leurs droits sociaux. D'autres intérimaires insistent pour intégrer définitivement les sociétés clientes ou délégataires. Quels sont les risques pour le secteur face à de pareilles tensions ? • J. B. : Il faut arrêter le populisme primaire. Un salarié qui accepte une mission temporaire dans une entreprise utilisatrice n'a aucune revendication à faire concernant sa titularisation. Son statut est clair. Il est salarié temporaire de l'entreprise de travail temporaire. Juridiquement, il n'a aucun lien avec l'entreprise pour laquelle il est détaché. Si celui-ci découvre que ses droits ne sont pas respectés, il doit se retourner contre l'entreprise de travail temporaire et contre personne d'autre. Dans tous les pays du monde, cela fonctionne ainsi; pourquoi au Maroc cela serait-il différent ? Les intérimaires qui réclament cela sont ceux qui sont maltraités par l'entreprise de travail temporaire qui les sous-paye, ne les déclare pas ou les sous-déclare. Cela n'est pas acceptable et l'Etat doit faire son travail pour que ces mauvaises pratiques soient exclues du marché et ainsi redonner confiance aux acteurs sérieux et aux salariés qui, grâce à une mission d'intérim, se forment et peuvent par la suite être recrutés en CDI en fonction de leurs compétences. Les partenaires sociaux et les ETT doivent se rencontrer pour discuter de ce sujet, en particulier pour clarifier leurs positions sur des bases rationnelles et professionnelles. • F. N. H. : Certaines affaires ont dévoilé un manque de transparence de certaines sociétés intérimaires et, pourtant, elles sont toujours en activité. Est-ce qu'on peut dire que les règles de transparence sont respectées, notamment quand il s'agit de répondre à des appels d'offres publics ? • J. B. : Il n'y pas de transparence dans les appels d'offres d'une part et, d'autre part, quand ces organismes publics ou entreprises sélectionnent des sociétés de travail temporaire à des prix inférieurs au prix de revient d'un SMIG, comment voulez-vous que les droits des intérimaires soient respectés, que ces sociétés payent leurs impôts ? Dans ce secteur, la concurrence est totalement déloyale. Il est temps de faire le nécessaire pour garantir la libre concurrence, saine et efficace pour éviter toute forme de délinquance sociale et fiscale. D'où la nécessité de former toutes les parties prenantes au modèle économique de cette activité pour une meilleur maîtrise. • F. N. H. : Selon l'article 496 du code du travail, les tâches qui peuvent être déléguées sont limitées. Pourtant, nombre de sociétés délèguent des activités que cet article ne mentionne pas. Comment assainir ce secteur d'activité puisque nombre de sociétés intérimaires opèrent de manière anarchique ? • J. B. : Effectivement, il y a lieu de faire une distinction plus nette entre la délégation de personnel, la sous-traitance et l'externalisation de process. Il faudra profiter des amendements du code du travail pour le faire. • F. N. H. : Reconduit à la tête de la Commission Emploi et Relations Sociales pour les trois prochaines années, quel est votre opinion concernant le rappel à l'ordre de ce secteur et, surtout, comment amener les pouvoirs publics à assurer plus de contrôle ? • J. B. : Je pense que la CGEM soutiendra toutes les initiatives que la FNETT pourra porter en vue de professionnaliser ce secteur d'activité qui est important pour nos entreprises et pour notre économie. La flexibilité responsable est nécessaire et nous la défendrons. Par contre, la CGEM ne peut cautionner des comportements qui ne sont pas socialement responsables.