La législation ne protège pas entièrement les intérimaires. Malgré l'absence de statistiques fiables, les professionnels tablent sur une croissance de l'intérim à 2 chiffres en 2011. Aussi bien la CNSS, les organismes sociaux que le Fisc pourraient trouver des contributions additionnelles dans le marché intérimaire. Pour Jamal Belahrach, président de Manpower et président de la Fédération nationale des entreprises de travail temporaire (FNETT), il est urgent d'élargir la loi à une véritable définition des responsabilités et que l'Etat fasse des contrôles plus sérieux. • Finances News Hebdo : Comment définiriez-vous l'environnement socio-économique du Maroc aujourd'hui ? • Jamal Belahrach : Je n'ai pas la prétention de le définir, mais mon sentiment est que le Maroc n'est pas au mieux de sa forme malgré certains indicateurs. Notre création d'emplois reste limitée et totalement insuffisante au regard des besoins de notre économie. Malgré un taux de croissance de plus de 4%, la compétitivité de nos entreprises n'est pas au mieux pour pouvoir lutter dans une économie mondialisée et de plus en plus agressive. Les opérateurs économiques sont en attente de véritables réformes et de signaux pour établir un CAP et une confiance pour doper l'investissement local. Mais, également attirer des investisseurs étrangers et établir une relation de confiance durable avec les partenaires sociaux afin de limiter les conflits sociaux. Le contexte est également marqué par une économie informelle de plus de 40 % de notre PIB qui plombe les acteurs sérieux qui, eux, investissent durablement dans le pays… Cela est du réalisme et nous avons les moyens de redresser les choses si politiquement nous le voulons. Les compétences sont là et la séquence politique est propice, sachons l'exploiter ici et maintenant. • F.N.H. : L'année 2011 a été une année difficile pour les opérateurs économiques marocains ; comment s'est porté le secteur de l'intérim comparativement à 2010? • J. B. : Vous n'êtes pas sans savoir que ce secteur est loin d'être organisé et l'absence de transparence ne nous permet pas d'avoir des chiffres pour mesurer son état de santé. Je pense que globalement le secteur doit être en croissance à deux chiffres dans la mesure où le besoin en flexibilité est croissant. Cependant, l'établissement d'une législation véritablement dédiée pour organiser le secteur devient une urgence car la précarité dans laquelle vivent certains intérimaires est élevée et les partenaires sociaux ont raison de s'en inquiéter. • F.N.H. : Donc 2012 s'inscrit dans un trend haussier ? • J. B. : Le secteur continuera à croître car la tendance à l'externalisation est forte mais cette croissance trouvera sa limite en l'absence de législation. Il faut organiser le secteur à travers des textes dédiés pour fixer les responsabilités des parties prenantes et éviter le dumping social dont s'enrichissent certaines compagnies de travail temporaire. • F.N.H. : Quelle est la contribution de l'emploi temporaire, souvent pointé du doigt, dans le marché du travail et son impact sur le taux de chômage? • J. B. : Pour ma part j'estime le nombre d'intérimaires travaillant avec des Entreprises de Travail Temporaire au moins à 100.000. Si on pousse l'analyse en essayant d'intégrer le nombre des intérimaires opérant directement au sein des entreprises, on pourrait estimer ce marché de l'intérim à au mois 200.000. Cela montre combien il serait urgent que l'Etat s'intéresse à ce secteur car, aussi bien la CNSS, les organismes sociaux que le Fisc pourraient y trouver des contributions additionnelles. Je pense qu'à l'heure actuelle notre budget en aurait grandement besoin. • F.N.H. : Le secteur subit une concurrence déloyale menée par certaines entreprises d'intérim qui ne respectent pas la loi et font du dumping au détriment des droits des travailleurs ; quelles sont les mesures qui s'imposent pour revaloriser le secteur ? • J. B. : C'est exactement ce que je viens de vous dire. Il faut élargir la loi à une véritable définition des responsabilités et que l'Etat fasse des contrôles plus sérieux afin de donner l'exemple et éviter que l'impunité perdure. Il est simple de ne pas payer la CNSS pendant des années et ensuite de dire je veux un moratoire et de fait vous devenez une entreprise fréquentable, alors que des intérimaires ont subi des préjudices pendant ce temps-là…. • F.N.H. : Pensez-vous que l'image du travail temporaire s'est modernisée au Maroc ? • J. B. : Absolument pas. Son utilisation s'est développée au regard du besoin de flexibilité qui est tout à fait normale car les acteurs économiques ont besoin de gérer les fluctuations de leur activité d'une part, et les investisseurs étrangers tiennent compte de cette possibilité et l'intègrent dans la prise de décision d'autre part. Propos recueillis par L. Boumahrou