«C'est un moment historique dans le paysage audiovisuel marocain !» lance Emmanuel Boutterin, vice-président de l'Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires (AMARC). Enthousiaste à l'idée de présenter, hier à Rabat, le premier plaidoyer «en faveur d'une réforme du secteur des communications» pour les médias communautaires au Maroc, le magistrat atteste qu'en la matière, «le Maroc n'est pas en retard, contrairement à ce que l'on pourrait penser». Le travail initié il y a près de 18 mois par le portail de la société civile Maghreb-Machrek «e-Joussour» dans le cadre du programme du forum des alternatives Maroc (FMAS) place, en effet, le royaume parmi la cinquantaine de pays qui reconnaissent officiellement l'existence de radios associatives. Bien que le processus ne soit encore qu'à la phase des concertations avec le Parlement, le projet bénéficie déjà du soutien d'acteurs clés du secteur. Citons notamment, la Haute autorité de la communication audiovisuelle, qui se joint au projet, le CNDH, mais également le ministère de la Communication ainsi que celui des Relations avec le Parlement et la société civile. Si le Maroc a été le premier pays du Maghreb à permettre la création d'une radio privée à la naissance de Medi1, il se veut à travers cette nouvelle initiative, encore une fois, un précurseur en matière de médias de proximité. Qui dit radio associative, dit radio thématique tant par les sujets qu'elle traite –orientés par le but de son association - que par son champ d'activité. Si aujourd'hui, les fréquences radiophoniques nationales se partagent entre privé et public, «il y a encore de la place pour tout le monde», souligne Boutterin. La preuve, dans le nord du Maroc les fréquences régionales sont «sqattées» par les opérateurs étrangers, notamment espagnols. C'est une situation qui toutefois ne saurait durer puisqu'«actuellement, la HACA est en train de négocier pour récupérer ces fréquences», affirme une source au sein du régulateur. Business modèle Néanmoins, y a-t-il également de la place pour tout le monde sur le marché publicitaire?Il faut le reconnaître, qu'elles soient publiques, privées ou communautaires, les radios sont en partie financées par les revenus publicitaires. Au Maroc, les opérateurs privés n'ont de cesse de le répéter, le marché n'est pas encore assez fourni. En effet, le média des PME par excellence, sur d'autres marchés, a encore beaucoup de mal à approcher la cible des (très) petites structures. Encore une fois le spécialiste des radios dites de proximité reste positif: «Nous ne sommes pas des concurrents des radios commerciales», affirme Boutterin. Comment ? Etant essentiellement tournées vers la société civile, les radios associatives remplissent un rôle de service public. Ce statut leur permet donc de bénéficier d'une aide de l'Etat «de 40 à 80% du fonds de roulement pour payer jusqu'à trois salaires», estime l'expert. Dans le plaidoyer présenté la veille, l'association e-Joussour propose qu'un fonds national soit créé pour les radios communautaires marocaines. Celui-ci sera alimenté par les fonds publics. En attendant que ces recommandations soient discutées au Parlement, Boutterin ajoute que les 20 à 60% du financement restant sont généralement comblés par des fonds internationaux, ainsi que des revenus publicitaires issus de très petites entreprises, dont l'activité est généralement régionale. Autrement dit, ce sont les petits commerces et les PME qui agissent dans une région précise et qui n'ont pas la possibilité de payer un média planning commercial, qui sont la cible de ces nouvelles radios. En somme, c'est la création d'un nouveau marché publicitaire que la naissance de ces radios communautaires initie dans la foulée.