C'est une très bonne nouvelle pour le gouvernement, même si elle n'est pas opportune, certainement, en ce moment. Depuis quelques jours en effet le baril de pétrole a sensiblement chuté sur les principaux marchés internationaux. Un ouf de soulagement pour la Caisse de compensation, certes, mais qui tombe au Maroc en pleine polémique sur l'augmentation des prix du carburant, décidée par le gouvernement. Selon les premières déclarations du gouvernement, la décision était, en effet, prioritairement destinée à alléger le poids des subventions des produits pétroliers au sein du budget. C'est en tout cas ce qu'a expliqué le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi.«L'Etat subventionne toujours les produits pétroliers à hauteur de 65%, ce qui constitue un gros fardeau pour le budget de l'Etat» a-t-il souligné. Cela se justifie aisément rien qu'à travers la valeur de la somme allouée à cette rubrique dans le budget de l'Etat, ces dernières années. Avec un baril qui flirtait avec les 120 USD, il y a quelques semaines, la décision du gouvernement était devenue une impérieuse nécessité, même si elle était rejetée par la plupart des fédérations des secteurs concernés, principalement, le transport qui accuse les autorités d'avoir agi dans la précipitation et sans mesures d'accompagnement. La nouvelle donne est que depuis quelques jours, le baril de pétrole n'a cessé de chuter sur les principaux marchés internationaux. Jusqu'à vendredi dernier, le Brent était descendu sous la barre des 100 USD en raison principalement d'un ralentissement de l'économie mondiale qui plombe la demande internationale. Une des répercussions de la crise économique et financière qui frappe de plein fouet les Etats-Unis et l'Europe et dans une moindre mesure, des perspectives assez moroses pour l'économie chinoise. À cela s'ajoute le dégel relatif constaté depuis quelques temps de la situation géopolitique mondiale qui a sensiblement fait grimper les cours mondiaux en début d'année. Selon les analystes qui ont, entre temps, revu leurs prévisions sur le prix du baril sur l'année, cette tendance à la baisse se poursuivra tout au long de l'année en cours. La hausse des cours n'est attendue, dans les conditions actuelles, qu'en 2013, consécutivement aux prévisions de celle de la demande. Ce sont des perspectives heureuses par conséquent pour la caisse de compensation, même si pour le moment cela ne risque d'engendrer qu'un impact limité au niveau national. En attendant l'indexation «Les questions de prix relèvent du gouvernement et la baisse constatée ces derniers jours sur les marchés internationaux n'aura probablement aucun impact sur le marché national» tempère Adil Ziady, président du Groupement pétrolier du Maroc (GPM), contacté par les Echos quotidien. Un avis partagé par le président de la Fédération de l'énergie à la CGEM, Moulay Abdallah Alaoui, qui soutient que cela n'aura aucun impact sur le prix du marché national. Est en cause, au Maroc, le système d'indexation des prix qui permet de répercuter les mouvements des cours internationaux au niveau national, lequel n'est plus en vigueur. «On est, d'ailleurs très loin des prix normaux» fait remarquer Alaoui. Ce qui n'empêche les professionnels du secteur d'espérer un retour à ce système d'indexation dans le sillage de la réforme de la Caisse de compensation promise par le gouvernement et dont la dernière augmentation du prix des carburants n'est que l'amorce. «Le meilleur système viable sera celui de l'indexation à l'international», soutient Moulay Abdallah Alaoui qui planche sur la certitude que «le Maroc va revenir à ce procédé, quitte à subventionner certains produits». En attendant, le gouvernement a, en tout cas, une sérieuse piste à explorer, laquelle qui plus est, s'inscrit en harmonie avec la politique de libéralisation du secteur qu'a promis le gouvernement. Même si, selon certains analystes, le système comporte également ses tares, surtout en cas de hausse sensible des cours à l'international. Il n'est pas exclu, en effet, que le baril renoue avec sa tendance haussière et des niveaux records en cas de facteurs exceptionnels comme un retour de la tension géopolitique ou une accélération de la hausse de la demande à l'international, plutôt que prévue. Pour le moment, la Caisse de compensation voit son budget allégé alors que selon les prévisions initiales elle tablait sur près de 60 MMDH cette année, rien que pour 2012, dont plus de 50 MMDH de facture énergétique. Sauf que le gouvernement, qui a mis en avant la hausse des prix au niveau international pour justifier sa décision, va devoir chercher de nouveaux justificatifs. Surtout que la situation engendrée par cette hausse sur le front social n'est pas prête de se calmer, avec l'entrée en scène des syndicats. Le front social en alerte Après les organisations professionnelles, les syndicats montent au front ! Comme il fallait s'y attendre, l'augmentation des prix du carburant décidée par le gouvernement a amplifié la tension entre ce dernier et les centrales syndicales qui ont commencé à se manifester une semaine après la décision de l'équipe Benkirane, et alors que le gouvernement espère contenir toute répercussion de cette hausse sur le pouvoir d'achat des Marocains. L'Union marocaine des travailleurs (UMT) vient, en effet, de monter au créneau demandant au gouvernement, «l'annulation pure et simple de cette décision impopulaire». La direction de l'organisation s'est, en effet, réunie samedi dernier pour statuer sur la question et au sortir de leur conclave les syndicalistes ont rejeté catégoriquement les augmentations infondées et insupportables sur les carburants qui ne manqueront pas d'impacter négativement le pouvoir d'achat des travailleurs et des classes populaires». La sortie de la centrale d'El Miloudi Moukharik coïncide avec celle de la CDT et de la FDT qui ont également réagi à la décision du gouvernement. Les deux centrales qui avaient déjà commencé à battre le pavé pour interpeller le gouvernement sur sa gestion des affaires publiques ont dénoncé le caractère unilatéral de la décision et ont demandé son retrait pur et simple. Dans leurs sorties médiatiques, elles ont battu en brèche tous les arguments développés par le gouvernement et principalement les explications données par le chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane. Les syndicalistes ont indiqué ne pas hésiter à recourir à la rue pour faire entendre leurs doléances. Un front social en ébullition en perspective car pour le moment, le gouvernement n'envisage pas de revenir sur une décision qui lui permettra d'économiser près de 5 MMDH cette année, selon El Khalfi. Point de vue Adil Ziady, Président du Groupement des pétroliers du Maroc (GPM). Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions par rapport à cette baisse constatée du cours du pétrole au niveau international, qui n'est d'ailleurs que provisoire et qui fait suite à des évènements particuliers qui affectent le contexte international. Le secteur travaille sur l'année et je doute fort que cela puisse avoir un réel impact sur le marché national. Ce qui est certain par contre, c'est que cela va alléger le budget de la compensation si ça continue sur l'année. Les questions de prix relèvent, en effet, du gouvernement et on est loin du niveau normal des prix c'est-à-dire autour des 60 dollars, même si dans l'actuelle loi de finances, le prix du baril a été estimé à 100 dollars. C'est dans ce cadre qu'il faut situer la décision du gouvernement d'augmenter les prix, qui est d'ailleurs, la première augmentation sérieuse des dix dernières années.