Le Maroc aura du mal à financer ses ambitions de développement économique. C'est l'un des constats majeurs que confirme le HCP dans sa note sur les prévisions économiques du royaume. L'institution considère en effet que le taux d'épargne nationale continuerait a baissé cette année, passant de 28% à 26,9% du PIB entre 2011 et 2012. «Ceci témoigne que les Marocains consomment aujourd'hui plus qu'ils ne gagnent», souligne Ahmed Lahlimi, haut- commissaire au Plan. Cette situation rend la mobilisation de l'épargne encore plus problématique dans le sens où elle suit une trajectoire opposée à celle de l'investissement brut dans l'économie. Celui-ci représente selon les données du HCP 35,5% du PIB. «Le gap entre l'épargne et l'investissement, représentant le besoin de financement de l'économie nationale, devrait continuer à se creuser», souligne-t-on auprès du HCP. Celui-ci devrait dans ce contexte atteindre 8,6% du budget en 2012 contre seulement 8% en 2011 et ceci en jumelage avec le maintien du déficit public à 5,2%. En d'autres termes, l'économie marocaine devra trouver un autre moyen de financer l'équivalent de près de 10% du PIB, représentant le besoin en financement en 2012. Ceci conforte encore davantage la piste du recours à des emprunts à l'étranger qui permettraient également de sauver la situation des stocks en devise. À défaut, ces derniers continueraient à s'effriter pour atteindre, selon le HCP, 3,9 mois d'importations en 2012 contre plus de 5,1 mois en 2011 et plus de 7 mois en 2010. «Compte tenu du rôle des stocks de devises dans les contreparties de la masse monétaire, les tensions sur la liquidité continueraient de marquer le secteur bancaire cette année, exigeant la poursuite des interventions de Bank Al-Maghrib sur le marché monétaire», insiste le HCP. Rappelons à ce titre que la Banque centrale devrait tenir son prochain conseil le 19 juin courant. Faudra-t-il attendre de nouvelles mesures pour atténuer cette crise de liquidités, notamment via un rabaissement du taux de la réserve obligatoire ? Rien n'est moins sûr. Ce qui est en revanche certain, c'est qu'avec des taux de plus en plus élevés et qui deviennent insoutenables, les besoins en financement de notre modèle de développement soumettraient les marges de manœuvre des politiques budgétaires et monétaires à rude épreuve, malgré le niveau relativement bas de son endettement extérieur. C'est du moins ce que relève le HCP. La problématique de la soutenabilité de la croissance économique et de la cohésion sociale se pose aujourd'hui avec acuité. «Le choix de réformes structurelles pour y faire face ne semble plus pouvoir être éludé», ajoute-t-on auprès du HCP. Ce dernier insiste sur l'exposition du Maroc à l'ardente obligation d'entreprendre ces réformes. Celles-ci devraient lui permettre d'assainir ses finances publiques, de moduler les programmes et les plannings de ses investissements publics, de rompre avec l'économie et les situations de rente au profit d'une meilleure mobilisation de l'épargne et de l'investissement productif. Il s'agirait surtout de mettre en cohérence son modèle de consommation avec ses réalités économiques. Point de vue : Ahmed Lahlimi, Haut commissaire au plan Il n'y a pas lieu de polémiquer sur les chiffres publiés par les organismes. Des prévisions restent des prévisions. Ce qu'il faut, c'est voir la cohérence des chiffres annoncés et surtout les bases et les hypothèses qui ont été retenues. Aujourd'hui, il faut savoir que personne dans le monde n'a de la visibilité sur l'évolution économique, ni même géostratégique. On ne sait pas combien de temps va durer cette situation, mais une chose est sûre : nous entamons un tournant dans l'ère de la mondialisation. Dans cette situation, le Maroc a besoin de concilier ses ambitions économiques et sociales, son comportement budgétaire... et la réalité de la conjoncture. Il faut garder les pieds sur terre. Il faut revoir les bases qui font le consensus national et discuter des choix et des décisions, afin d'assurer un équilibre entre la répartition des fonds dédiés à la consommation et ceux destinés à l'investissement. Pour les entreprises, les grandes entités ont les moyens de se défendre toutes seules. Il leur faut juste un meilleur cadre macro-économique qui soit viable. Elles ont besoin d'une administration qui assure pleinement son rôle, sans pour autant dépasser ses prérogatives. En revanche, les PME, qui présentent les véritables marges de croissances de l'économie, n'agissent pas dans les décisions politiques et ne sont pas suffisamment représentées pour défendre leurs droits. Il faut garder en tête que ce sont ces entreprises là, qui vont moderniser notre économie.