Difficile de prédire l'avenir, mais il est possible que l'année 2012 soit moins euphorique qu'on ne le laisse croire. A l'inverse du gouvernement qui prévoit un taux de croissance de l'économie nationale de 3,4%, le HCP table, quant à lui, sur une progression du PIB très limitée ne dépassant pas 2,4%. Ces divergences de calculs entre les deux institutions invitent à s'interroger sur la capacité du pays à résister aux impacts négatifs de la crise chez nos principaux partenaires. Il n'y a pas que la chute de 43% de la production céréalière qui explique «le net ralentissement de la croissance économique en 2012». Le HCP aligne une série de facteurs qui sont derrière cette révision à la baisse du taux de croissance, notamment, le recul sensible de la demande extérieure adressée au Maroc, le repli des recettes du tourisme et des transferts des MRE. D'autres éléments viennent compliquer la donne, selon le HCP: le déficit structurel de la balance commerciale, l'aggravation du déséquilibre de la balance des paiements, avec son corolaire un net rétrécissement des réserves de changes. Néanmoins, le HCP estime que l'économie marocaine renouerait avec la croissance en 2013. Selon Ahmed Lahlimi Alami, Haut commissaire au Plan, l'économie nationale s'accroîtrait de 4,3% en 2013, pas loin de son niveau atteint en 2011 à 5%. Ce rebond proviendrait, explique-t-il, lors d'un point de presse mercredi à Casablanca, d'une reprise des activités et plus particulièrement du dynamisme de la demande intérieure, tirée essentiellement par la consommation des ménages. Sauf que le tableau ne sera pas entièrement vert. 2013 enregistrerait une hausse de l'inflation, sous l'effet de l'expansion des importations, un creusement du déficit en matière de financement de l'économie et une baisse de l'épargne nationale. Le décalage entre le taux d'épargne nationale (26,3% du PIB) et le taux d'investissement brut (35,6% du PIB) «créerait un besoin de financement insoutenable de 9,3% du PIB, après 8,6% en 2012», fait remarquer Lahlimi. «Ces déséquilibres se traduiraient par la baisse du stock des réserves en devises qui devraient couvrir 3,9 mois d'importations des biens et services en 2012 au lieu de 5,1 mois en 2011. Et compte tenu du rôle des avoirs extérieurs nets (stock de devises) dans les contreparties de la masse monétaire, les tensions sur la liquidité continueraient de marquer le secteur bancaire cette année, exigeant la poursuite des interventions de Bank Al-Maghrib sur le marché monétaire», lit-on dans la note d'information sur les prévisions de croissance en 2013. Lahlimi a semblé tirer la sonnette d'alarme : «avec des taux, de plus en plus élevés et devenus de toute évidence insoutenables, les besoins de financement de notre modèle de développement selon les estimations pour 2012 et les prévisions pour 2013, soumettraient les marges de manœuvre des politiques budgétaires et monétaires à rude épreuve... dans un contexte international marqué par des incertitudes géoéconomiques, financières et politiques, croissantes. La problématique de la soutenabilité de la croissance économique et de la cohésion sociale se pose aujourd'hui avec acuité. Le choix de réformes structurelles pour y faire face ne semble plus pouvoir être éludé ». Alors faut-il se serrer la ceinture et bien surveiller son « portefeuille » ? Sans doute, car les économies avancées de la planète sont quasiment toutes dans un épouvantable bourbier. Et le Maroc, compte tenu du poids des factures des importations et du caractère pingre -mais aussi volatil- de ses exportations, risque d'être pris dans la galère et sera probablement forcé à maintenir le cap des réformes et doit prier pour que le bateau vogue sans trop de dégâts. M. Lahlimi ne s'est pas empêché de formuler cette recommandation : «notre pays a aujourd'hui l'ardente obligation d'entreprendre des réformes... pour assainir ses finances publiques, moduler les programmes et les plannings de ses investissements publics, rompre avec l'économie et les situations de rente au profit d'une meilleure mobilisation de l'épargne et de l'investissement productif et mettre ainsi en cohérence son modèle de consommation avec ses réalités économiques». Renforcer la discipline budgétaire et accélérer les réformes macroéconomiques sont, d'après Lahlimi, des mesures incontournables. On peut le comprendre d'autant plus que le manque de liquidités sur le marché monétaire et la restriction du crédit bancaire commencent à prendre des allures plus ou moins inquiétantes.