Les hautes autorités des deux présides ont décidé de prendre le taureau par les cornes et d'exiger du gouvernement central des mesures pour «contourner» la fin du commerce de contrebande. Le président de Sebta, Juan Vivas (Parti populaire), et son homologue de Melilia, Eduardo de Castro (Ciudadanos), ont décidé de faire front commun afin de remédier à la situation aux frontières. Les deux maires ont tenu une réunion, lundi à Malaga, pour présenter à l'Exécutif central une riposte concertée contre ce qu'ils dénomment «l'asphyxie des deux villes». Selon le porte-parole de l'Exécutif sebti, qui s'exprimait vendredi dernier, «il est question de mettre au point une stratégie commune pour affronter cette nouvelle situation». De fait, les deux enclaves digèrent mal la décision souveraine des autorités marocaines de mettre fin aux activités liées au transport des fardeaux chargés de denrées alimentaires et de fripes. Pourtant, deux ans plus tôt, c'est le gouvernement de l'enclave qui ne cessait de répéter qu'il était temps d'en finir avec cette activité dégradante et très dangereuse. En effet, plusieurs porteurs ont péri du fait des conditions inhumaines dans lesquelles est pratiquée cette activité. De même, les ONG espagnoles réclamaient de meilleures conditions aux frontières pour éviter ces pertes humaines. Cette semaine, c'est l'interdiction du passage des poissons marocains qui a mobilisé les commerçants et restaurateurs de la ville. Ceux-ci se joignent aux propriétaires d'entrepôts spécialisés dans le commerce contrebandier qui n'arrivent toujours pas à accepter la fermeture du point de passage Tarajal II, consacré au commerce dit «atypique». Selon les médias espagnols, la déléguée du gouvernement central à Sebta, Salvadora Mateos, s'est envolée samedi pour Madrid afin de discuter avec le gouvernement l'interdiction de passage des poissons marocains. En effet, d'après plusieurs témoins, les produits de la mer en provenance des pêcheries marocaines sont désormais interdits d'entrée à Sebta. L'enclave ne dispose pas de halle aux poissons puisque qu'elle s'approvisionnait exclusivement de la province de Tétouan à un prix défiant toute concurrence. A présent, les deux gouvernements estiment que la situation est critique, et qu'un plan d'urgence doit être esquissé pour remettre l'économie des deux présides sur les rails. Aussi, ils considèrent qu'il est temps de mettre en place des stratégies à long terme pour ne plus dépendre du Maroc. C'est la troisième fois, en l'espace d'un an, que les deux hautes autorités des enclaves se réunissent avec, à l'ordre du jour, la situation aux frontières. De son côté, le Parti populaire de Melilia a proposé la mise en place d'un plan spécial pour contourner le gel des activités liées au commerce transfrontalier. Le chef de file de l'opposition en Espagne a souligné que la formation se penche sur un plan choc, à la fois économique et politique, pour redynamiser l'enclave suite à la fermeture de la douane commerciale. De même, il a indiqué avoir transmis, par l'intermédiaire de ses députés, des questions écrites afin d'interpeller le gouvernement central sur la situation aux frontières. Face à cette tension, qui monte chaque jour d'un cran, les partis régionaux représentant la population musulmane appellent au dialogue et à la retenue. C'est ainsi que la formation locale CpM a proposé au gouvernement central de réactiver le traité de bon voisinage signé entre le Maroc et l'Espagne en 1993. De plus, les dirigeants sebtis de ce parti exhortent Madrid à mettre en place un protocole permettant une meilleure gestion de l'espace frontalier, «dans le cadre du bon voisinage, sans tabou ni complexe».