«Emergent aux pieds d'argile», c'est ainsi que Ludovic Subran qualifie le Maroc. Le chef économiste et directeur de la recherche a fait le déplacement au Maroc pour exposer ses analyses quant à l'évolution de l'économie marocaine face à la crise de la dette européenne et le printemps arabe. Une première dont Jean Christophe Battle, directeur général d'Euler Hermes Maroc, annonce d'ores et déjà la reconduction et qui plus est de manière régulière. Le royaume prend donc encore plus d'importance aux yeux de l'équipe de recherche de l'assureur crédit qui estime qu'il a traversé la crise grâce à de bonnes politiques publiques. De là à ce qu'ils pronostiquent une année rose en termes de croissance, il n'y a qu'un pas qu'ils se gardent bien de franchir. Plus encore, le pronostic de croissance avancé par Subran est même plus mesuré que celui émis dernièrement par la Banque modiale. Le chef économiste d'Euler Hermes table ainsi sur un taux de croissance de 2,5% en 2012 pour le Maroc, justifiant l'écart avec le pronostic de la Banque mondiale par l'actualisation plus poussée des données de la part de l'assureur crédit. Retrait de la demande européenne Ce faisant, le directeur de recherche valide l'impact de la crise des dettes européennes sur l'économie du royaume. En effet, il considère que la demande extérieure adressée au Maroc par ses principaux partenaires européens, principalement la France et l'Espagne, est appelée à se rétracter. Il ne saurait en être autrement vu que l'Espagne s'enlise avec un taux de croissance négatif, -1,4%, et que la France ne pourra que limiter la casse avec une croissance très timide de 0,4%. Aussi, le royaume est appelé à chercher de nouveaux débouchés à l'exportation, notamment du côté de l'Afrique francophone. Pire, l'économiste avance même que les banques françaises ayant des filiales au Maroc ont d'ores et déjà commencé à rapatrier leurs capitaux pour pouvoir «asseoir un certain niveau de capital en fin d'année» et surtout faire face à «un marché interbancaire européen à l'agonie». Aussi, cela pourrait influer sur l'octroi de crédits au Maroc. Toujours est-il que Ludovic Subran voit d'un bon œil la politique monétaire expansionniste portée par Bank Al-Maghrib qui a récemment baissé son taux directeur de 25 points de base, même s'il affirme qu'il serait allé encore plus loin avec une baisse plus importante, du moment que l'inflation reste à un niveau exceptionnellement bas, 0,4%. «Le Maroc a encore une marge de manœuvre monétaire», argue-t-il avant de qualifier la gestion de Bank Al-Maghrib de «gestion par tâtonnement qui a l'air de bien marcher». Toutefois, ce qui inquiète le plus le chef économiste d'Euler Hermes, c'est le fait que les banques octroient plus difficilement des crédits car elles n'ont pas d'informations suffisantes sur les entreprises, notamment en matière de bilans. «Le premier risque structurel au Maroc, c'est le manque d'informations», affirme-t-il dans ce sens, avant d'estimer que «le secteur bancaire marocain n'est pas très intégré à l'économie marocaine». De manière plus macroéconomique, Ludovic Subran estime que le Maroc doit gérer une marge budgétaire de plus en plus restreinte. Cela passe notamment par la réforme des subventions. Il appelle ainsi à ajuster les dépenses publiques au lieu d'ouvrir les vannes sur quelque chose qui n'est pas ciblé, comme c'est le cas actuellement dans le système de compensation. Réforme en temps de crise ? Toutefois, pour lui cette réforme risque de prendre du temps. «Je ne sais s'il faut réformer les subventions en période de crise», se demande-t-il en rappelant le risque de contestation sociale qu'une telle réforme pourrait engendrer. En attendant le Maroc marque sa différence par rapport à sa région en se mettant au dessus du lot, en ce qui concerne le profil de performance du PIB. D'ailleurs Euler Hermes se fait beaucoup plus optimiste pour la croissance en 2013 avec un taux de 5%. Par ailleurs, les défaillances d'entreprises devraient continuer sur leur trend haussier en s'établissant à +7% pour 2012. Un pronostic nuancé cependant par le chef économiste d'Euler Hermes qui souligne que ce chiffre est aussi nourri par les défaillances d'entreprises qui viennent d'être créées et que ce nombre restait bien en deçà des chiffres de défaillance, notamment en Europe du sud ou elles atteignent plus de 20%. In fine, le Maroc est l'un des rares pays à garder la couleur verte pour son risque pays, et pour cause, Euler Hermes estime que les perspectives de croissance restent favorables et que les politiques publiques sont relativement saines. Seul ombre au tableau : la nécessaire correction des dérapages budgétaires. Le Maroc reste encore vulnérable aux chocs exogènes, notamment en ce qui concerne les aléas climatiques, la demande de la zone euro en retrait et plus encore un possible revirement des investisseurs étrangers...